Grace Tame, survivante de viols, devient "Personne de l'année" en Australie

Publié le Lundi 01 Février 2021
Clément Arbrun
Par Clément Arbrun Journaliste
Passionné par les sujets de société et la culture, Clément Arbrun est journaliste pour le site Terrafemina depuis 2019.
Grace Tame, Australienne de l'année, avocate engagée et activiste inspirante pour la défense des victimes d'agressions sexuelles et de viol.
Grace Tame, Australienne de l'année, avocate engagée et activiste inspirante pour la défense des victimes d'agressions sexuelles et de viol.
"Lorsque nous nous exprimons, nous guérissons. Je me souviens de mon agresseur, disant: 'Ne fais pas de bruit.' Et bien, écoutez-moi maintenant". Survivante de viols, Grace Tame a été élue "Personne de l'année" en Australie. Un combat et une parole nécessaires.
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Etudiante dans le collège pour filles St Michael's Collegiate Girls, Grace Tame n'avait que 15 ans lorsque son professeur de mathématiques l'a violée à plusieurs reprises. Si l'agresseur a été arrêté, la jeune Australienne a mis du temps avant de libérer la parole. Aujourd'hui avocate, celle qui se dit "survivante" est acclamée dans son pays natal. En 2021, elle vient même d'être nommée "Personne de l'année".

Il faut dire que Grace Tame ne se contente pas de parler pour celles et ceux qui ne le peuvent pas. Non, cette avocate tasmanienne se fait également la porte-parole d'un plus vaste mouvement, en lien direct avec la révolution #MeToo. En Australie, elle s'oppose à une loi nationale qui empêche les victimes d'agressions sexuelles et de viol de s'exprimer publiquement, auprès des médias notamment. Plus précisément, une victime de viol, si elle souhaite relater les faits incriminés en utilisant son vrai nom, doit obligatoirement bénéficier d'une ordonnance juridique exceptionnelle qui l'autorise à le faire. Le silence est donc normalisé.

Cette loi, l'activiste de 26 ans s'y oppose fermement, comme pour mieux dénoncer l'absence de prise en considération des victimes, le phénomène de "victim blaming" et l'impunité des agresseurs. Sur les réseaux sociaux, cette éternelle optimiste - dixit son compte Instagram - a lancé le hashtag #LetHerSpeak ("Laissez la parler") afin de changer la donne. Un profil inspirant au possible.

"Lorsque nous nous exprimons, nous guérissons"

"J'ai perdu ma virginité à cause d'un pédophile. J'avais 15 ans, j'étais anorexique. Il avait 58 ans, c'était mon professeur. Il a publiquement décrit ses crimes. Mais moi, j'ai été réduit au silence par la loi", a déclaré l'avocate afin de faire entendre toute l'absurdité de cette législation patriarcale et la nécessité d'une réforme juridique. "Je dédie ce prix de 'Personne de l'année' à tous les survivants d'abus sexuels sur enfants", a-t-elle poursuivi.

Comme l'indique ABC, Grace Tane a fini par achever une part de son (long) combat, en remportant auprès de la Cour suprême le droit de s'identifier publiquement en tant que survivante d'un viol, sous sa vraie identité. Mais pour cela, il lui a fallu batailler auprès de la justice australienne durant près de deux ans et débourser près de 10 000 $ en frais juridiques. Une avancée laborieuse donc, mais tout à fait salutaire dans un système où les révolutions féministes n'ont pas encore tout bouleversé. Loin de là, même.

"J'ai été choquée d'apprendre qu'il était illégal pour quiconque - y compris moi - d'être autorisée à m'identifier comme victime d'agression sexuelle. Or il est important que les victimes d'agression sexuelle soient en mesure de raconter leur propre histoire après une agression, car cela peut contribuer au processus de guérison", déplore en ce sens Sandra, jeune australienne elle aussi victime de viol. C'est également ce que doit penser le jury du prix de "Personne de l'année", qui a salué le "courage extraordinaire" de Grace Tame, ainsi que sa propension à "sensibiliser l'opinion publique aux violences sexuelles".

"Lorsque nous nous exprimons, nous guérissons. Je me souviens de mon agresseur, disant: 'Ne fais pas de bruit.' Et bien, écoutez-moi maintenant", a achevé l'avocate dans les médias nationaux. Là encore, le mot d'ordre semble le même : laissez-les parler !