Le corps de Nika Shakarami, manifestante iranienne de 16 ans, a-t-il été volé ?

Publié le Jeudi 06 Octobre 2022
Maïlis Rey-Bethbeder
Par Maïlis Rey-Bethbeder Rédactrice
Maïlis Rey-Bethbeder aime écrire, le café, traîner sur les réseaux sociaux et écouter de la musique. Sa mission : mettre en lumière les profils, les engagements et les débats qui agitent notre société.
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Après Mahsa Amini, jeune femme morte dans des circonstances suspectes suite à son arrestation par la police des moeurs, Nika Shakarami, 16 ans, serait l'une des nouvelles martyres de la révolution qui embrase l'Iran. Son corps aurait été dérobé et enterré en secret par les autorités.
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Depuis le début de la révolte qui secoue l'Iran, insufflé par le décès, le 16 septembre dernier, de Mahsa Amini, jeune femme de 22 ans arrêtée par la police des moeurs parce que son voile n'était pas assez couvrant, la répression s'intensifie. Au moins 92 personnes seraient mortes depuis le début du mouvement de contestation, indiquait l'ONG Iran Human Rights (IHR) le 2 octobre dernier.

Mais les Iraniens et les Iraniennes continuent de manifester contre le régime oppressif de la République islamique, malgré la répression. La jeune génération notamment est très mobilisée dans cette lutte et ne manque pas de critiquer le Guide suprême, Ali Khamenei.

Parmi ces nouveaux visages de la révolution féministe, celui de Nika Shakarami, manifestante de seulement 16 ans, a dépassé les frontières de l'Iran. La jeune Nika avait disparu depuis dix jours après s'être rendue à une manifestation à Téhéran, le 20 septembre dernier. Dans un dernier message adressé à un ami, elle disait être pourchassée par les forces de sécurité iraniennes, a déclaré Atash Shakarami, sa tante, à BBC Persan.

Sa mort a finalement été confirmée le 30 septembre. Depuis, des vidéos rendant hommage à l'adolescente se multiplient sur les réseaux sociaux. Les autorités ont affirmé ouvrir une enquête, niant toute responsabilité dans les événements qui ont entraîné la mort de la jeune Nika, indique Le Monde.

"Lors de l'autopsie (...), des traces de multiples fractures ont été observées au niveau du bassin, de la tête, des membres supérieurs et inférieurs", a avancé le responsable judiciaire de Téhéran, Mohammad Shahriari, ce 5 octobre. "Aucune trace de balle n'a été trouvée et la nature des blessures montre que la jeune fille "a été projetée d'un endroit situé en hauteur", ce qui indiquerait que le décès n'aurait "rien à voir avec les récents troubles".

Enterrée en secret

La famille de l'adolescente aurait finalement retrouvé son corps dans une morgue. "Quand nous sommes venus pour l'identifier, on ne nous a pas autorisés à voir son corps, seulement son visage, pendant quelques secondes", décrit sa tante.

Le corps de Nika avait ensuite été rapatrié dans la ville natale de son père, Khorramabad, dans l'ouest du pays, le 2 octobre dernier, qui aurait marqué la date du 17e anniversaire de la jeune fille. Sa famille n'a pas été autorisée à organiser ses funérailles. Une source aurait confié à la BBC que les forces de sécurité auraient ensuite "volé" le corps de la manifestante, en l'extirpant de Khorramabad pour l'enterrer secrètement dans le village de Veysian, à 40 kilomètres de là.

Suite à cela, des centaines de manifestants se sont réunis au cimetière de Khorramabad pour clamer des slogans anti-gouvernement. Depuis, Atash Shakarami, qui avait partagé des photos de sa nièce sur les réseaux sociaux, aurait été arrêtée, ainsi que son mari. Les forces de l'ordre auraient menacé de la tuer si des membres de la famille participaient aux manifestations, a confié une source à BBC Persian.

Un mode opératoire courant

Ce mode opératoire semble être monnaie courante en Iran, où les corps des victimes, subtilisés, sont utilisés pour réduire les familles au silence.

L'entourage de Nika Shakarami aurait aussi été forcé de mentir quant aux circonstances de sa mort (la jeune femme serait officiellement "tombée d'un immeuble") sous peine de représailles. Le père de Hadis Najafi, 22 ans, qui aurait été tuée par les autorités alors qu'elle manifestait à Karaj, à l'ouest de Téhéran, aurait lui aussi été forcé de mentir. "Ils n'ont pas voulu rendre le corps pendant deux jours, demandant à son père de dire qu'elle était morte d'une crise cardiaque par peur", ont confié deux sources proches de la famille à BBC Persian.