Taxé de sexiste et raciste, le clip "Perra" de J. Balvin supprimé de YouTube

Publié le Jeudi 21 Octobre 2021
Louise  Col
Par Louise Col Journaliste
Taxé de sexiste et raciste, le clip "Perra" de J Balvin supprimé de YouTube
Taxé de sexiste et raciste, le clip "Perra" de J Balvin supprimé de YouTube
Le clip du tube "Perra" ("chienne", en espagnol) de J Balvin a été retité de YouTube. En cause, notamment, une scène où l'artiste colombien blanc tient en laisse deux femmes noires. Des séquences qui ont suscité l'indignation jusque dans les rangs du gouvernement
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La vidéo du morceau Perra de J. Balvin et Tokischa avait été postée le 7 septembre dernier sur la plateforme, elle a été supprimée le week-end du 16 octobre, d'après le magazine américain Billboard.

Au coeur des paroles, le refrain chanté par la rappeuse lance, on ne peut plus clair sur les métaphores : "Yo soy una perra en calor/'Toy buscando un perro pa' quedarno' pega'o", que l'on peut traduire, en gros, par : "Je suis une chienne en chaleur/ J'attends un chien pour me baiser". Plus loin, une autre phrase reprend le champ lexical animalier que semble favoriser la chanson. "Je suis une chienne de la rue avec un popola (vagin) de race".

Le chanteur, lui, répète : "Tu es une chienne en chaleur et tu attends un chien pour te baiser". On a saisi le topo : il fait chaud. Si le désir sexuel est l'un des thèmes favoris du reggaeton, ce qui est particulièrement critiqué ici, c'est la mise en scène du clip. Et puis, la façon dont, malgré les avancées gagnées par certaines artistes dans le genre, Tokischa s'affiche comme objet sexuel plutôt que sujet.

"Sexiste, raciste, machiste et misogyne"

On y voit ainsi J. Balvin, homme blanc, tenant deux femmes noires en laisse, un groupe de personnes noires maquillées en chiens et Tokischa posant à quatre pattes dans une niche. Une semaine avant la suppression, le 11 octobre, la vice-présidente et chancelière de Colombie, Marta Lucía Ramírez, s'indignait devant cette vidéo qu'elle jugeait "sexiste, raciste, machiste et misogyne".

"Dans sa vidéo, l'artiste utilise des images de femmes et de personnes d'ascendance africaine - des groupes de population bénéficiant d'une protection constitutionnelle spéciale - qu'il présente avec des oreilles de chien", écrivait-elle dans une lettre ouverte.

"De plus, en marchant, le chanteur tire deux femmes d'origine africaine attachées par des chaînes au cou et rampant sur le sol comme des animaux ou des esclaves. Comme si cela ne suffisait pas, les paroles de la chanson ont des expressions directes et ouvertement sexistes, racistes, machistes et misogynes qui violent les droits des femmes, les comparant à un animal qui doit être dominé et maltraité."

Une décision qui "ne résout rien"

Malgré ce constat accablant, certaines voix se sont élevées en faveur de davantage d'éducation, d'explication et de pédagogie, plutôt que d'un ban pur et simple. "Quelle vidéo totalement méprisable et raciste", a ainsi tweeté en espagnol la journaliste Nuria Net, dans un post repéré par le LA Times réagissant aux images de Perra. "Mais la retirer de YouTube sans faire aucune sorte de déclaration ou de mea culpa est très lâche et ne résout rien".

La dirigeante politique enjoint quant à elle J. Balvin à signer une pétition qui "comprend divers engagements pour la promotion des droits des femmes dans la musique et la prévention de la violence à leur égard".

Dans une interview pour Paper Magazine, l'écrivaine et historienne Katelina Eccleston avait par ailleurs abordé avec l'artiste des questions concernant la marginalisation des femmes noires dans le reggaeton, malgré ses racines dans les communautés majoritairement noires du Panama et de Porto Rico. Il avait alors laissé entendre qu'il prendrait des mesures pour être plus attentif aux "relations raciales".

Visiblement, celles-ci attendent encore.