L'Amour qu'il nous faut, le premier film humaniste de Nathalie Marchak

Publié le Jeudi 11 Juin 2015
Charlotte Arce
Par Charlotte Arce Journaliste
Journaliste en charge des rubriques Société et Work
La réalisatrice Nathalie Marchak
La réalisatrice Nathalie Marchak
Actrice de formation, Nathalie Marchak s'apprête à l'automne à tourner "L'Amour qu'il nous faut", un premier long-métrage lumineux et ambitieux avec Audrey Fleurot et Michael Niqvist. Nous l'avons rencontrée quelques jours après son retour de Cannes, où elle a bouclé le financement du film.
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Derrière chaque premier film, chaque première histoire écrite puis projetée sur un écran de cinéma, se trouve très probablement une histoire de rencontres. La rencontre de mentors d'abord, qui révèlent aux réalisateurs en herbe leur potentiel et les poussent à se dépasser ou à dévier de la voie qui leur était toute tracée. Mais aussi la rencontre de destins cabossés dont les histoires, parfois tragiques, touchent et inspirent les jeunes cinéastes.


C'est le cas de Nathalie Marchak qui, à 36 ans, s'apprête à tourner à l'automne L'Amour qu'il nous faut, son tout premier film qu'elle a écrit seule après avoir fait il y a quelques années une rencontre qui a bouleversé ses certitudes.


C'est pourtant devant la caméra que Nathalie Marchak souhaitait faire carrière. Formée à l'école d'art dramatique Périmony, elle commence par écumer les plus petites salles de théâtre de Paris avant de décrocher en 2004 un second rôle dans Les Parisiens de Claude Lelouch. S'il s'est avéré être "une expérience passionnante", ce premier rôle au cinéma a aussi permis à Nathalie Marchak de se rendre compte que la voie sur laquelle elle s'était engagée ne lui convenait pas. "J'avais envie d'être la marionnettiste et non la marionnette", raconte-t-elle quand nous la rencontrons fin mai.


Mais c'est sa rencontré avec Cédric Klapisch sur le tournage des Poupées russes qui va véritablement changer la donne. "Quand je lui ai dit que je voulais faire de la mise-en-scène, il m'a tout de suite conseillé d'aller étudier la New York University, et je me suis dit : pourquoi pas ? Il y a des gens comme ça qui nous ouvrent des portes et qui nous prouvent qu'on a le droit de s'autoriser à rêver."


De retour en France à la fin de son cursus, Nathalie Marchak se heurte pourtant à une première difficulté. "Je me suis vite rendu compte qu'il était extrêmement difficile ici de travailler en tant que réalisatrice. J'ai donc fait de l'assistanat de production et de la direction pour Le livre des morts de Belleville, un moyen métrage diffusé sur Arte. Mais comme c'était assez difficile d'en vivre, j'ai décidé de repasser par la production et le financement pour gagner ma vie, et surtout le temps d'aboutir à un scénario convaincant qui serait véritablement le film que j'avais envie de faire."


"J'ai adopté un point de vue de femme parce que c'est ce que je suis"

Ce film justement, Nathalie Marchak s'apprête à le tourner à l'automne entre la France et le Maroc. L'histoire ? Celle de Lucie (Audrey Fleurot), une avocate française qui, à 40 ans, est en mal d'enfants. Alors qu'elle se trouve à Tanger pour un voyage d'affaires, elle fait la rencontre de Beauty, une clandestine nigériane qui lui laisse son bébé avant de disparaître. Aidée par un médecin humanitaire qu'elle a rencontré sur place (Michael Niqvist), Lucie part alors à la recherche de la mère du bébé qu'elle veut tant garder.


Cette histoire, profondément humaniste, Nathalie Marchak l'a en partie vécue quelques années auparavant. "J'avais lu un article sur des femmes nigérianes qui enceintes, sont mises en quarantaine à Tanger en attendant de pouvoir passer en Europe. J'ai contacté la journaliste qui m'a emmenée avec elle à Tanger, où j'ai été immergée pendant un mois avec des clandestines. Je me suis liée d'amitié avec l'une de ces femmes, qui un jour m'a mis son bébé dans les bras et m'a demandé de le prendre. C'est sur ce désir de maternité que j'ai voulu écrire. Beauty et Lucie représentent les deux revers d'une même médaille : l'une a très envie de devenir mère, l'autre à peur de le devenir. Quelque part, je me retrouve en chacune d'entre-elles."


Si Nathalie Marchak affirme avoir voulu raconter "une histoire humaniste et lumineuse" qui fait la part belle aux thèmes féminins – le désir d'enfants, la difficulté de concevoir -, elle affirme pour autant "ne pas avoir écrit son film en pensant en faire un film féministe". "J'ai adopté un point de vue de femme parce que c'est ce que je suis. Ma façon d'être féministe, c'est justement de rester femme, de ne pas déroger à mon point de vue et de n'avoir jamais voulu me déguiser en homme pour devenir réalisateur."


Et le débat sur le sexisme dans le milieu du cinéma, qu'en pense Nathalie Marchak ? "Encore aujourd'hui, c'est essentiel de combattre certains stéréotypes. J'ai fait le choix de n'écrire ni une comédie romantique, ni un drame social, mais un film d'aventures. Et je considère que je suis extrêmement bien entourée pour le réaliser, je n'ai pas à m'en justifier. On m'a dit plusieurs fois que je faisais un film ambitieux. Mais si j'avais pour vocation de ne pas faire de film ambitieux, je ne ferais pas de cinéma ! On doit avoir l'ambition de faire un beau film, et être une femme de devrait jamais être un argument de refus."

Un casting solide

Ambitieux, L'Amour qu'il nous faut l'est, à n'en pas douter. C'est sans doute ce qui a d'ailleurs convaincu des acteurs tels qu'Audrey Fleurot de rejoindre le projet, à la grande satisfaction de Nathalie Marchak. Vue l'an dernier dans Les Gazelles de Mona Achache et Sous les jupes des filles d'Audrey Dana, c'est son rôle d'avocate dans la saison 5 d'Engrenages qui a convaincu l a réalisatrice de lui offrir le rôle de Lucie. "Je la suivais depuis un moment et j'ai toujours trouvé une force incroyable. Je pense qu'elle avait envie d'avoir un rôle de cette ampleur au cinéma. C'est une grande actrice qui mérite un rôle dramatique fort. Je suis très heureuse à l'idée de travailler avec elle."


Michael Niqvist (Millenium) dans le rôle du médecin humanitaire Oscar, Pascal Elbé et Eriq Ebouaney complètent la distribution. Mais la "véritable révélation du film" selon Nathalie Marchak, c'est Sonja Wanda, une mannequin norvégienne d'origine soudanaise inconnue du grand public. Repérée lors d'essais, elle jouera Beauty, la clandestine qui donne son bébé à Lucie.


"Ce qui m'intéresse, conclut Nathalie Marchak, c'est de faire travailler ensemble des acteurs qui ont des expériences très différentes. Pour le moment, Sonja n'a pas rencontré les autres acteurs – j'y veille – car j'ai envie qu'elle les embarque ainsi que les spectateurs dans cette histoire."


Prévu sur les écrans courant 2016, L'Amour qu'il nous faut vient de boucler son financement. Le tournage, entre la France et Tanger, au Maroc, devrait débuter en novembre prochain.