Les sexologues doivent-ils aussi être de "bons coups" ?

Publié le Vendredi 14 Août 2015
Les sexologues doivent-ils être de bons coups ?
Les sexologues doivent-ils être de bons coups ?
À l'occasion de la "Sex Positive World Conference", des spécialistes ont tenté de réfléchir au sujet de ce qui fait un bon thérapeute alors que la sexualité ne cesse d'évoluer. Aux antipodes des sexologues de jadis, qui pouvaient parfois renforcer le sentiment de honte de leurs patients par dogmatisme, ceux d'aujourd'hui se doivent d'être ouverts... et expérimentés.
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La sexualité ne cesse d'évoluer, et avec elle les experts qui font des découvertes, réalisent de nouvelles études et accompagnent leurs patients. Le passage au XXIe siècle entraîne-t-il déjà des changements majeurs ? Y compris au niveau des thérapeutes ? Ces questions valaient bien un séminaire, qui vient d'avoir lieu à UCLA (Université de Californie à Los Angeles). Cette "Sex Positive World conference" (Conférence mondiale de sexe positif) dont le nom seul éveille l'envie, commençait par apporter une première délicieuse réponse : il faut avant tout que le spécialiste soit lui-même "un bon coup".

Redéfinir les rapports sexuels

Ce cénacle réunissant experts, auteurs, éducateurs et thérapeutes a commencé par trembler car, après tout, comment être sûr d'être "un bon coup" ? Il s'agit en réalité surtout d'avoir les idées larges et des expériences assez variées pour accompagner au mieux les patients, savoir se poser les bonnes questions pour pousser la recherche, et lutter contre l'ignorance et les préjudices.
Or, selon le Dr. Hernando Chaves, les thérapeutes n'ont pas assez de formation sur la façon de gérer les problèmes sexuels : à peine un jour aux États-Unis. Pour les questions de genres, d'homosexualité et de transexualité c'est pire : à peine cinq heures. Et strictement rien sur le polyamour (avoir plusieurs partenaires sexuels réguliers).
D'autres experts ont défendu l'idée qu'il fallait aussi redéfinir ce qu'étaient les rapports sexuels, et cesser de tout centraliser autour d'un pénis à l'intérieur d'un vagin, ce qui est globalement ce à quoi la plupart des gens pensent d'abord.

"Médecin, soigne-toi"

Pour sortir du sacro-saint schéma de ce que les américains appellent le "sexe vanille" (pour décrire une sexualité basique), il faut donc que les experts eux-mêmes aient une connaissance terrain des sujets qu'ils abordent avec leurs patients. Or, les statistiques sont toujours les mêmes : une femme sur quatre et un homme sur neuf ne parviennent pas à l'orgasme pendant un rapport, un homme sur trois éjacule trop tôt et un LGBT (lesbienne, gay, bisexuel et transsexuel) sur quatre simule ses orgasmes. Peut-être cela tient-il aussi au fait que les thérapeutes eux-mêmes n'ont pas assez expérimenté le champs si vaste des possibilités.
Gabriella Cordova, la sexologue à l'origine de ce séminaire est aussi celle qui a insisté sur ce point : "pour être un bon thérapeute, c'est simple, il faut commencer par être très bon sexuellement. Il faut savoir ce que l'on aime et être très bon. Médecin, soigne-toi. Et une fois que tu es bon, va aimer et toucher les autres". Jouant avec les limites de l'éthique, elle a avoué que si bien sûr elle n'avait pas de rapports sexuels avec ses patients, il lui est parfois arrivé de faire avec des choses qui sortent du cadre de la loi, allant jusqu'à recommender l'orgie pour bien comprendre le sexe ...
Le Dr. Chris Donaghue, auteur du livre "Sex Outside the Lines" (le sexe en dehors des cases) insista lui aussi sur l'absolue nécessité d'expérimenter de la façon la plus large possible. Sans cela, le risque est de continuer à véhiculer la honte que certaines personnes peuvent ressentir à l'évocation de toute sexualité différente. Pour lui, la plupart des experts ont menti sur le sujet, renforcé les récits qui peuvent promouvoir le mal, la honte, l'intolérance ou le jugement, "vous n'avez pas de dysfonctionnement sexuel, c'est le système qui dysfonctionne. Tout ce qui est excitant correspond à une orientation sexuelle".

Expérimenter et rester dans l'ouverture

Alors, la sexualité du XXIe siècle sera-t-elle différente ? La réponse la plus facile serait de dire "oui", parce quela robotique va permettre à chacun d'obtenir des orgasmes sur-mesure, en phase avec ses orientations, et sans craindre le jugement de l'autre. Mais sans le jugement de l'autre, c'est aussi sans l'autre. La première vraie révolution du siècle tient plutôt au changement des lois et à l'assouplissement de la morale.
Mais il ne faut pas compter exclusivement sur le travail que font et que feront des thérapeutes. Expérimenter, rester dans l'ouverture, profiter sans cesse des effets bénéfiques d'une sexualité épanouie, rester aux antipodes de la frustration et de ses effets néfastes sur l'humeur et le comportement, c'est à la portée de tous. À condition de mettre un doigt dans l'engrenage ...