Thérapie de couple : quand consulter et comment ça se passe ?

Publié le Mercredi 09 Novembre 2016
Dorothée Louessard
Par Dorothée Louessard Journaliste
Quand faire une thérapie de couple ?
Quand faire une thérapie de couple ?
Pourquoi consulter un thérapeuthe de couple ? Qu'attendre de ces séances ? Ne s'adressent-elles qu'aux couples en crise ? Le psychanalyste Guy Corneau nous éclaire.
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Les thérapies de couples, pour qui, pourquoi, comment ? Guy Corneau, psychanalyste québécois auteur de "N'y a-t-il pas d'amour heureux" paru aux Editions Robert Laffont et co-auteur de la pièce "L'amour dans tous ses états" qui met en scène un couple qui se déchire, a accepté de nous parler des thérapies de couples.

Terrafemina : Les thérapies conjugales s'adressent-elles uniquement aux couples qui battent de l'aile ?

Guy Corneau : On ne reçoit pas que des couples qui se déchirent, les gens peuvent aussi venir consulter parce qu'ils éprouvent quelques difficultés de communication. Quand on sent qu'on a du mal à s'accorder avec les différences de l'autre, il peut être intéressant de venir. Il y a aussi des couples débutants qui viennent en thérapie parce que très rapidement, ils s'aperçoivent que ce sera un moyen d'assurer leur couple en améliorant la communication, de se dire les choses avec plus de transparence. Consulter dès le départ permet de bien asseoir la relation, de partir sur de bonnes bases et ça marche plutôt bien. Mais, bien sûr, on reçoit des couples en situation totalement dysfonctionnelle où les partenaires ne se parlent plus, n'ont plus de rapports sexuels, ou dans lesquels l'un des deux partenaires utilise une compensation comme l'alcool, ce qui amplifie le blocage. Au fond, mieux vaut prévenir que guérir. Alors, si l'on sent qu'il y a des tensions importantes, autant consulter dès le départ.

Ces thérapies peuvent-elles réellement sauver une relation usée ou en perdition ?

G.C : C'est justement la thérapie qui permettra de constater si oui ou non, la relation touche à son terme. Elle enseignera aux deux partenaires à mieux communiquer, dans le respect de l'autre et de nous-même, c'est-à-dire à apprendre à faire des demandes plus réalistes, à exprimer ce qu'on ressent et à mieux comprendre le ressenti de l'autre. D'ailleurs, on peut aussi venir consulter pour se quitter de manière bienveillante, se dire ce qu'on a à se dire. On parle du couple, mais il peut y avoir des enfants en jeu, et notamment en bas-âge, et la séparation peut être plus délicate, les enjeux sont plus sérieux, et réussir à parvenir à une séparation bienveillante est d'autant plus utile. Le thérapeute peut alors aider à faire une médiation afin de permettre aux parents d'épargner autant que possible leurs enfants.

Pourquoi est-on si réticent à venir consulter en couple ?

G.C : Si les couples ne consultent pas facilement, ce sont plus particulièrement les hommes qui se montrent réticents. Je pense qu'ils ont plus de mal à communiquer sur leurs problèmes, ils sont plus dans l'action. Au niveau psychologique, on pourrait dire que les femmes nettoient avant que ce soit sale, alors que les hommes nettoient quand c'est sale. Un homme accepte la thérapie alors que son couple est en pleine crise, une femme va avoir tendance à venir avant que la crise éclate. Et c'est une meilleure attitude.

Les hommes refusent la thérapie souvent aussi parce qu'ils ont peur d'être jugés mais ce qu'ils comprennent mal c'est qu'un thérapeute n'est pas là pour prendre parti pour l'un ou l'autre : il est là pour faciliter l'expression de l'un et l'autre et permettre que les choses se disent et servir d'intermédiaire quand la situation est trop difficile en traduisant la pensée de l'un à l'autre.

Comment inciter les hommes à venir plus spontanément ?

G.C : C'est compliqué. J'ai moi-même créé une initiative au Québec qui s'est répandue en France, en Belgique et en Suisse proposant des réseaux d'entraides pour les hommes, des groupes de parole qui les encourage à parler de leur monde intérieur afin de mieux appréhender les tensions et de moins se sentir submerger. Outre la thérapie, on peut aussi choisir de s'initier à la communication non-violente. Il existe d'ailleurs des séminaires pour apprendre à faire avancer son couple en se basant sur ses différences. Je connais un couple qui l'a fait il y a des années et m'a confié que cela l'avait sauvé. Ce sont des gens très différents et ils ont appris à s'apprécier tels qu'ils sont et à former une union très solide.

Combien de séances, en moyenne, les couples accordent-ils à une thérapie ?

G.C : Les couples ne se disent pas en venant qu'ils vont consulter pendant 20 séances. Il faut entrevoir cela comme une aide qui peut être tout à fait brève. Il faut compter trois ou quatre séances minimum afin d'avoir le temps d'établir les choses et de commencer à se parler. Ne pas trop étendre la thérapie est d'ailleurs plutôt une bonne solution valable aussi pour les ados qu'on envoie en thérapie, il ne faut pas que cela dure trop longtemps au risque de stigmatiser les problèmes.

Les couples viennent-ils forcément ensemble ou il y a-t-il des séances séparées ?

G.C : C'est une thérapie de couple, donc il faut régler les choses ensemble. Toutefois, cela ne signifie pas qu'il n'y aura pas une séance séparée. En revanche, si l'on commence à consulter seul, on choisira, par souci éthique, un autre professionnel pour consulter ensuite à deux. Les thérapies individuelles ne donnent généralement pas lieu à une thérapie de couple afin que le psychiatre reste le plus neutre possible.

Pourquoi choisir une thérapie de couple plutôt qu'individuelle ?

G.C : Si le problème est relationnel, il est intéressant de se plonger dans la dynamique de la relation, cela permet d'éviter de stigmatiser les problèmes de chaque côté et aide aussi à voir les rôles joués par chacun dans la relation. C'est une avancée très importante de la thérapie de traiter les gens ensemble. Les thérapies familiales aussi se développent, et on a ainsi un meilleur regard sur l'ensemble du système familial. C'est vrai que c'est un pas difficile à franchir, mais il faut dépasser ses peurs, sa gêne. Les hommes ont d'autant plus de mal car ils préfèrent régler leurs problèmes tout seuls. Sauf que les problèmes sont bel et bien là et pour les dénouer, on doit s'entraider. Et si on a besoin d'un psy pour le faire, pourquoi pas. Si l'on a quelqu'un d'assez sage et neutre dans notre entourage pour parler ouvertement, cela peut aussi fonctionner. Les problèmes sont là parce qu'il y a trop d'isolement.

Pour se séparer de manière bienveillante
Pour se séparer de manière bienveillante

Comment expliquez-vous l'engouement pour les thérapies de couple ?

G.C : Le bonheur personnel n'était pas forcément inscrit sur le contrat de mariage de nos aïeux. Puis, tout à coup, les gens ont voulu être heureux et c'est ainsi que les problèmes de couples sont apparus. Nos grands-parents restaient ensemble toute leur vie parce que c'était comme ça, c'était les conventions sociales et religieuses de l'époque. Il y avait un contrat social plus qu'amoureux. Or, cette arrivée de l'amour sur le devant de la scène dans l'union des gens produit des couples plus instables. L'autre problème, c'est que l'espérance de vie augmente. Les couples doivent donc cohabiter plus longtemps...

Quel est le déroulement type d'une séance ?

G.C : Le spécialiste va entendre l'un des partenaires, puis l'autre, récolter ce que chacun pense à propos de ce que l'autre vient de dire. Il sert d'intermédiaire, c'est à lui qu'on s'adresse, ce qui permet de rendre la parole moins blessante. Ces séances permettent au couple de ne pas se laisser submerger par ses problèmes. Le reste du temps, il peut se consacrer à autre chose que ce qui ne va pas. Et puis, en allant au-devant du problème, celui-ci semble moins obsédant.

L'un des problèmes de la thérapie, c'est aussi que cela coûte cher. Ce serait intéressant qu'elle puisse être un peu mieux prise en charge. Chez nous, au Québec, si vous en ressentez vraiment le besoin, vous pouvez bénéficier d'une quinzaine de séances individuelles gratuites, payées par l'Etat.

Quels conseils donneriez-vous à un couple en conflit permanent ?

G.C : Qu'on n'est pas sur Terre pour se prendre la tête ! On est là pour être heureux et réussir à l'être à deux, c'est une grande chance. Or, la plupart du temps, s'il y a des conflits, c'est qu'il y a aussi des problèmes en soi qu'on ne veut pas voir, alors ça vaut vraiment la peine de consulter. Pour régler les conflits inconscients que l'on a avec nous-mêmes.

"L'amour dans tous ses états", pièce de Guy Corneau, Danielle Proulx, Camille Bardery, au Théâtre de la Gaîté Montparnasse, Paris. A partir de 14 euros.

L'amour en guerre de Guy Corneau, Editions de l'Homme
L'amour en guerre de Guy Corneau, Editions de l'Homme

"N'y a-t-il pas d'amour heureux" de Guy Corneau, publié aux Editions Robert Laffont, 21,50 euros