Société
Lorie : "J'ai fait congeler mes ovocytes, je suis hors-la-loi"
Publié le 30 octobre 2018 à 17:53
Par Catherine Rochon | Rédactrice en chef
Rédactrice en chef de Terrafemina depuis fin 2014, Catherine Rochon scrute constructions et déconstructions d’un monde post-#MeToo et tend son dictaphone aux voix inspirantes d’une époque mouvante.
Dans "Les choses de la vie", la chanteuse et actrice Lorie Pester se livre comme jamais. Elle raconte son combat contre l'endométriose, son parcours pour devenir mère, ses plaies de femme. Interview à coeur ouvert.
Interview vidéo Lorie
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Le sourire est toujours là, mais il s'est teinté de gravité. Lorie a grandi, elle n'est définitivement plus la petite fée des pré-ados qui louait "la positive attitude" ou fredonnait les joies du week-end. Elle a aujourd'hui 36 ans et autant de cicatrices qu'elle avait voulu cacher jusqu'à présent derrière une carapace de fille sage et aimable.

Mais Lorie vient de fracasser cette cuirasse en un livre-vérité, Les choses de la vie. Elle y livre son intimité, sa grossesse extra-utérine, son endométriose, ses chagrins d'amour. Avec pudeur mais sans mâcher ses mots. Nous avons rencontré celle qui se dit aujourd'hui "heureuse, amoureuse et combattante". Retour sur son témoignage courageux et inattendu.

Terrafemina : Jusqu'à présent, tu as tout fait pour bâtir une image très policée, très sage. Qu'est-ce qui t'a donné envie de livrer ce contenu intime et avais-tu peur ?

Lorie Pester : L'idée de ce livre est venue pendant l'enregistrement de l'album Les choses de la vie. Parce que c'est l'album où je me livre le plus, c'est le plus intime. En écrivant les chansons, j'avais envie d'aller plus loin, de raconter vraiment les choses. Mais en 3 minutes 30 et avec des rimes et une structure de chanson, c'est pas forcément évident. Donc l'idée du livre est apparue comme ça.

Et donc je me suis dit "OK, je vais essayer". Je me suis retrouvée devant mon ordinateur et puis j'avais plein d'idées, de choses que j'avais envie de dire, mais ce n'était pas facile. Parce que je n'ai pas l'habitude de parler de moi, de me livrer, de parler de choses qui ne vont pas.

Puis je me suis lancée en me disant : "OK, j'y vais, j'écris des choses et puis je reviendrai dessus par la suite". Et puis au fur et à mesure, c'est comme si on tirait un petit fil et les choses arrivent. Et ça devient de plus en plus naturel et les mots justes viennent. Parce qu'au début, on est un peu pudique, donc on met un mot à la place d'un autre. Alors que le vrai mot, c'est ça... Mais oui, j'avais peur, parce que j'avais pas l'habitude de faire ça, tout simplement.

Tu commences ton livre sur le cauchemar d'une grossesse extra-utérine, un phénomène répandu, mais dont on parle peu. Tu as cette expression frappante : "J'attends un malheureux événement".

L.P. : Oui, j'attends un malheureux événement parce que quand on est enceinte, on dit j'attends un heureux événement, et là, il n'était pas placé au bon endroit et cela allait donc être difficile à vivre, cela allait passer par une chirurgie. Psychologiquement et physiquement, cela allait être compliqué.

Lorie en juin 2018 © Getty Images
Comment as-tu décidé de t'engager dans la sensibilisation pour l'endométriose ?


L.P. : C'était un combat qui n'était pas le mien parce qu'au départ, je ne savais pas que j'étais atteinte de cette maladie, même si j'avais des douleurs atroces. C'est en revenant de la salle d'opération que le médecin m'annonce que je suis atteinte d'endométriose. Je suis dans les vaps, je me rendors. Puis en me réveillant : "Il a dit que j'avais quoi ?!". J'ai commencé à me renseigner sur internet. Et effectivement, quand on est atteint d'une maladie, quelle qu'elle soit, cela devient notre combat.

Le fait d'en parler, j'ai l'impression que c'est le combat de beaucoup de femmes. Ce que je ressens, c'est que ça nous fait du bien d'en parler. Et de se dire : je ne suis pas toute seule dans ce cas-là. On est plusieurs et on va s'entraider et on va se donner les bons conseils. On va y arriver !

Tu milites pour un dépistage automatique de la maladie

L. P. : Oui, un dépistage automatique en tout cas dès qu'il y a dès qu'il y a des douleurs pendant les règles. De grosses douleurs atroces, déjà, c'est un signe. Ce n'est pas normal ! Cela devrait interpeller certains gynécos ou certaines infirmières dans les lycées. La mère de l'une de mes amies est infirmière dans un collège, elle n'a eu une formation pour l'endométriose seulement l'année dernière ! A un moment donné, il faut faire bouger les choses...

Que reste-t-il encore à faire ?

L. P. : De la formation, que tous nos professionnel.les sachent où nous conseiller d'aller, quoi faire. Et informer les jeunes filles que si vous avez des règles très douloureuses, ce n'est pas normal. Il faut consulter ! Il faut faire des examens. Peut-être que ce n'est rien, mais peut-être que c'est de l'endométriose. Et si c'est pris à temps, c'est mieux pour vous.

Livre de Lorie : Les choses de la vie © Editions Ipanema
"Ne pas exprimer sa souffrance revient à nier son existence", écris-tu. On ne peut s'empêcher de penser à #MeToo. Est-ce un mouvement qui t'a inspirée ?

L. P. : C'est un mouvement que j'ai compris parce qu'il y a énormément de femmes qui ont été touchées. Je n'ai pas eu ce genre d'expérience. Je me dis : si ça m'était arrivé ? J'ai appris à me défendre verbalement, physiquement. Je sais où il faut taper si on s'approche un peu trop près. Donc on se dit que cela n'aurait pas pu nous arriver, mais on sait jamais. On pense que cela n'arrive toujours qu'aux autres mais finalement non.


Tu dis que tu t'es sentie "hors-la-loi" en allant faire congeler tes ovocytes en Espagne...


L. P. : En l'écrivant, je me suis demandé si c'était trop. Mais en fait, non : je suis allée faire en Espagne ce que mon pays m'interdit de faire. Et je m'en fous. Je peux être considérée comme une hors-la-loi si ça peut me permettre de réaliser mon rêve de devenir maman...

Un vrai parcours du combattant ?


L. P. : Ça reste compliqué, c'est pas évident, ça coûte de l'argent. J'ai de la chance de pouvoir le faire, mais je sais qu'il y a beaucoup de femmes en France qui ne peuvent pas se le permettre financièrement. Et puis au niveau traitement, c'est lourd : il y a des piqûres quotidiennes pendant 12 jours. Des piqûres d'hormones. Donc en deux semaines, j'ai pris 7 kilos. Un coup je riais, un coup je pleurais parce qu'il n'y avait plus de clémentine et que je voulais une clémentine... Je ne me reconnaissais plus.

Là, je dois recommencer parce qu'ils n'en ont congelés que cinq. Je sais maintenant ce que je vais subir. Je n'y vais pas à coeur joie mais j'y vais quand même parce que je m'en fous : si ça peut me permettre d'avoir des enfants, je le referais.

L'endométriose pèse-t-elle comme une menace sur tes relations amoureuses ?

Ce n'était pas une ombre qui plane au-dessus de mes relations amoureuses, parce que cela ne fait pas longtemps que je sais que je suis atteinte, donc ne le sachant pas, les médecins ne me disaient pas : "Attention, vite, il faut faire des enfants". Mais oui, cela m'est arrivé qu'une histoire se termine à cause de cette maladie. Je peux comprendre parce que ça peut faire peur à certains hommes. Les femmes ont l'horloge biologique et en plus, s'il y a des médecins qui nous disent "Attention", cela peut faire paniquer.

Tu as 36 ans, sans enfants. Ressens-tu la pression de la société ?

Non, je n'ai pas l'impression d'avoir un poids, peut-être parce que je le vis bien. Mais c'est vrai que j'ai entendu pas mal de femmes dire que ce n'était pas "normal" de ne pas avoir construit une famille, de ne pas avoir d'enfants et de ne pas être mariée... Mais on fait ce qu'on veut et chacun son rythme !


Lorie Pester, Les choses de la vie, éditions Ipanema

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