La Nigériane Ngozi Okonjo-Iweala devient la première femme à la tête de l'OMC

Publié le Vendredi 12 Février 2021
Pauline Machado
Par Pauline Machado Journaliste
Pauline s’empare aussi bien de sujets lifestyle, sexo et société, qu’elle remanie et décrypte avec un angle féministe, y injectant le savoir d’expert·e·s et le témoignage de voix concernées. Elle écrit depuis bientôt trois ans pour Terrafemina.
La Nigériane Ngozi Okonjo-Iweala devient la première femme à la tête de l'OMC
La Nigériane Ngozi Okonjo-Iweala devient la première femme à la tête de l'OMC
L'administration Trump s'y était opposée, la situation s'est enfin débloquée. La Nigériane Ngozi Okonjo-Iweala est en passe de devenir la première femme, première femme noire et première Africaine, à la tête de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Un tournant majeur.
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Lorsque le Brésilien Roberto Azevedo a démissionné du poste de directeur de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) en août dernier, la majorité des Etats membres se sont ralliés derrière sa potentielle successeuse : Ngozi Okonjo-Iweala. La Nigériane faisait consensus... sauf pour un pays, qui s'y est opposé : les Etats-Unis de Donald Trump. A la place, ce dernier soutenait la ministre sud-coréenne du Commerce, Yoo Myung-hee, jugeant la Dre Ngozi peu apte au poste, et lui reprochant de n'avoir jamais occupé de fonction liée au commerce.

Pendant six mois, la situation est restée bloquée, jusqu'à ce que Yoo Myung-hee se retire le 5 février dernier, et que le nouveau président américain Joe Biden apporte "son soutien appuyé" à la candidature de Ngozi Okonjo-Iweala. Aujourd'hui, celle-ci est en passe de devenir la première femme, première femme noire et originaire du continent africain, à la tête de l'institution. Une nomination historique, qui devrait être confirmée ce 15 février.

"Mon CV parle de lui-même"

"Lorsque vous êtes une femme de couleur à un poste de direction - une femme, tout d'abord, puis de couleur - ces commentaires ne sont pas trop surprenants", réagissait la future dirigeante dans les colonnes du Washington Post, interrogée sur les critiques formulées par le clan américain. "Vous les voyez au fur et à mesure que vous faites votre chemin vers le leadership." Pourtant, lance-t-elle, "mon CV parle de lui-même".

Née en 1954 à Ogwashi-Ukwu, à l'Ouest de la capitale nigériane Asaba, Dre Ngozi passe la moitié de sa vie aux Etats-Unis. Diplômée de Harvard et du Massachusetts Institute of Technology (MIT), elle rejoint ensuite la Banque mondiale à Washington. Nous sommes au début des années 80, elle y passera 20 ans. En 2003, le président Obasanjo lui propose le ministère des Finances, qu'elle accepte, puis plus tard celui des Affaires étrangères, avant qu'elle ne retourne aux Finances sous le mandat de Goodluck Jonathan.

Pendant de longues années, elle lutte contre la corruption et pour réduire la dette publique au Nigeria, détaille Franceinfo, dans le pays le plus peuplé d'Afrique et première économie du continent. "Elle a défendu des causes et des personnes qui ont été laissées pour compte", déclare au Post Una Osili, trésorière et directrice de recherche de l'Association pour la promotion des femmes africaines économistes.

Aujourd'hui, celle qui se considère comme "une personne simple aux goûts simples" siège au sein de plusieurs conseils d'administration. Elle préside celui de l'organisation internationale de la Fondation Bill et Melinda Gates, le GAVI, qui oeuvre pour favoriser l'accès à la vaccination en Afrique, et en 2018, elle est la première personnalité africaine à rejoindre celui de Twitter.

Auprès du journal américain, Ngozi Okonjo-Iweala se souvient des mots de son défunt père, mathématicien et diplomate, qui la portent depuis son départ pour l'Amérique et ses études d'économie dans la prestigieuse université de Boston, en 1973 : "Si tu rencontres un problème parce que tu es une femme, que tu es noire et que tu es Africaine, prends ce problème, cette faiblesse qu'ils ont, et fais-en ta force. Ne t'arrête pas." Une inspiration quotidienne.

Des soutiens nombreux

Sa riche expérience et sa solide détermination lui seront fortement utiles dans ses nouvelles fonctions. Non seulement pour affronter la crise économique actuelle, la guerre commerciale entre les deux premières puissances mondiales que sont la Chine et les USA, précise encore Franceinfo, mais aussi la "crise de confiance dans le multilatéralisme et dans le bien-fondé de la libéralisation du commerce mondial".

La docteure Ngozi pourra compter, outre son expertise et sa légitimité, sur de nombreux soutiens, une déclaration d'appui à sa candidature ayant été signée par des chefs d'Etats africains et européens, à l'initiative de la Verticale Europe-Afrique-Méditerranée. Celle-ci souligne d'ailleurs que cette nomination "représentera un formidable soutien aux efforts déployés par l'Afrique afin d'occuper dans le commerce international la place qui correspond à son véritable poids ainsi qu'à ses grandes potentialités". Des changements attendus, à l'aube d'une nouvelle ère.