Les Oscars ont snobé les réalisatrices (une fois n'est pas coutume)

Publié le Mardi 24 Janvier 2023
Catherine Rochon
Par Catherine Rochon Rédactrice en chef
Rédactrice en chef de Terrafemina depuis fin 2014, Catherine Rochon scrute constructions et déconstructions d’un monde post-#MeToo et tend son dictaphone aux voix inspirantes d’une époque mouvante.
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Alors que les nominations aux Oscars 2023 viennent de tomber, on remarquera l'absence désespérante des femmes réalisatrices parmi les prétendants à la statuette.
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On y avait cru. On pensait qu'après des décennies de sexisme, les Oscars avaient enfin opéré leur examen de conscience. Un voeu pieux, sans doute. Las, la prestigieuse Académie a une nouvelle fois totalement snobé les réalisatrices lors de l'annonce de ses nominations ce mardi 24 janvier. Et les nommés pour la meilleure réalisation sont... tous des hommes : Todd Field (TÁR), Daniel Kwan et Daniel Scheinert (Everything Everywhere All at Once), Martin McDonagh (The Banshees of Inisherin), Steven Spielberg (The Fabelmans) et Ruben Östlund (Sans filtre).

Une belle liste qui met à l'honneur d'excellents films certes, mais omet des oeuvres aussi brillantes que le bouleversant Aftersun de la Britannique Charlotte Wells ou l'émouvant Women Talking de Sarah Polley. Ce long-métrage est d'ailleurs le seul long-métrage réalisé par une femme à figurer dans la très longue liste des dix films nommés pour le "meilleur film".

Des oublis d'autant plus regrettables que les deux cérémonies précédentes avaient été marquées par le sacre des femmes cinéastes : Jane Campion et son western envoûtant The Power of Dog avait succédé à Chloé Zhao et son road-movie contemplatif Nomadland en 2021. Jusqu'à présent, seule Kathryn Bigelow avait été récompensée dans la catégorie "Meilleure réalisation".

L'Académie opèrerait-elle un rétropédalage après avoir donné trop de gages aux réalisatrices ? Doit-on y percevoir une forme de backlash, un retour de bâton réactionnaire après quelques avancées nécessaires ?

Suivant ces annonces, l'organisation Women In Film a sévèrement taclé l'Académie par le biais d'un communiqué : "Une fois de plus, les électeurs de l'Académie ont montré qu'ils n'accordent pas d'importance à la voix des femmes, en nous excluant des nominations au titre de meilleur réalisateur. Un Oscar est plus qu'une statue en or, c'est un accélérateur de carrière qui peut conduire à un travail continu et à une rémunération accrue. C'est pourquoi WIF continuera à plaider pour que le travail de réalisatrices talentueuses comme Women Talking de Sarah Polley, The Woman King de Gina Prince-Bythewood, She Said de Maria Schrader, Till de Chinonye Chukwu et Aftersun de Charlotte Wells, soit inclus. "

7 réalisatrices nommées en... 94 ans

Rappelons qu'en 94 ans d'existence, seules sept femmes réalisatrices ont été nommées dans la catégorie du "meilleur réalisateur" : Lina Wertmüller en 1976 (Pasqualino), Sofia Coppola en 2003 (Lost in Translation), Kathryn Bigelow en 2008 (Démineurs) Greta Gerwig en 2017 (Lady Bird), Emerald Fennell en 2020 (Promising Young Woman), Chloé Zhao en 2021 (Nomadland) et Jane Campion en 2022 (The Power of the Dog).

Du côté de l'écriture, si aucune scénariste n'a été retenue dans la catégorie "Meilleur scénario original" cette année, on retiendra tout de même les deux nominations pour le meilleur scénario adapté de Sarah Polley pour Women Talking et Lesley Paterson, co-scénariste de À l'Ouest, rien de nouveau. Des miettes.

On notera également l'absence du drame judicaire Saint-Omer de la Française Alice Diop, boudé dans la catégorie "meilleur film international".

La leçon de ces nouvelles annonces ? Mieux vaut ne jamais se réjouir trop vite : les Oscars nous prouvent (eux aussi) que l'égalité n'est jamais acquise.