Pourquoi les câlins des papas sont si importants

Publié le Vendredi 10 Janvier 2020
Clément Arbrun
Par Clément Arbrun Journaliste
Passionné par les sujets de société et la culture, Clément Arbrun est journaliste pour le site Terrafemina depuis 2019.
Pourquoi les câlins des pères sont si importants
Pourquoi les câlins des pères sont si importants
Oui, les pères d'aujourd'hui peuvent faire preuve de tendresse envers leurs enfants, sans craindre que cela n'entache leur prétendue "virilité" (largement fantasmée). Et dans cette relation à l'enfant, les câlins comptent. On vous explique pourquoi.
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C'est une toute nouvelle étude qui nous l'apprend, mais cela ne nous étonne qu'à moitié : les câlins des papas sont aussi importants pour le bien-être de l'enfant que ceux de sa maman. Selon une recherche menée par la Vrije Universiteit Brussel (une université bruxelloise), en collaboration avec l'université de Liverpool, le contact physique entre le père et son enfant est tout à fait bénéfique à l'épanouissement de celui-ci.

Cette conclusion émane d'une expérience scientifique menée avec minutie. Il a été proposé à 25 mères et 25 pères d'enlacer leur enfant. Les rythmes cardiaques et respiratoires de ceux-ci ont été mesurés avant, pendant et après ce test. Résultats ? L'enfant est bien plus apaisé et moins nerveux après ces câlins, qu'ils émanent du père ou de la mère. Les rythmes en question diminuent, et par extension le stress de l'enfant. Les câlins font donc du bien à sa santé et à son développement.

Derrière cette expérience, une volonté énoncée par la directrice de recherche Martine Van Puyvelde : "Nous voulons encourager les papas à être plus actifs dans les soins et l'attention portés à leur bébé. Désormais, les pères sont plus investis, mais il y a encore un écart à combler vis-à-vis des mères". Il est vrai que pour toute une nouvelle génération de papas, le câlin importe.

Et ils ont raison de le penser.

Les nouveaux pères n'ont rien contre les câlins

Pourquoi les câlins des papas comptent.
Pourquoi les câlins des papas comptent.

Du côté de l'Etat de Virginie, par exemple, le câlin est roi. Là-bas, des pères de famille suivent des cours pour apprendre à enlacer leurs enfants, comme le détaille ce reportage. Des papas américains d'origine coréenne, qui durant leur première jeunesse n'ont (vraiment) pas été habitués à ce genre de signes d'affection de la part de leurs paternels. Le père symbolisait avant tout l'autorité, avare en discours (et parfois en présence tout court). Durant les ateliers pratiques de la Duranno Father School, ces trentenaires et quadras (et parfois septuagénaires !) anonymes comprennent qu'ils peuvent être des pères "plus aimants et appliqués". Quitte à tordre le bras à certains préjugés esquissant le "pater familias" en silhouette lointaine et insensible.

Au cours de ce qui ressemble presque à une thérapie de groupe, on n'érige pas le câlin en solution ultime, non. Mais on en profite pour débattre façon table ronde de ce qu'il cristallise : la possibilité d'une éducation plus ouverte, l'importance de communiquer librement avec ses enfants et d'engager le père dans cette relation.

Et cette "relation" justement, nombreuses sont les voix à en prôner les vertus aujourd'hui. Du côté de la revue spécialisée Psychologies, la neuropsychologue Céline Rivière insiste sur les bienfaits physiques de ce geste plus complexe qu'il n'y paraît. Selon l'autrice de La câlinothérapie - Une prescription pour le bonheur, le câlin libère de l'ocytocine, une hormone qui a pour effet une sensation immédiate "d'apaisement et de bien être" (cette hormone est également sécrétée par le corps des femmes pendant l'accouchement).

Lorsque son père l'enlace, l'enfant se sent ainsi moins angoissé. En sécurité, en confiance. Et c'est pourquoi il faudrait enlacer l'enfant "dès les premières secondes de sa vie", précise la spécialiste, qui voit là l'expression pure de la "bienveillance". Bienveillants, les "nouveaux pères" décrits par la sociologue Christine Castelain-Meunier dans son ouvrage L'instinct paternel (aux éditions Larousse) le sont. Ils interrogent les clichés virilistes et, s'exercant à alléger la charge mentale de leur conjointe, s'impliquent dans les tâches du foyer. Et dans le développement de l'enfant. La directrice de recherche Martine Van Puyvelde le déplore suite à son expérience : les hommes laissent bien souvent cette implication à la mère car "ils pensent que celle-ci a un lien physiologique privilégié avec le petit, du fait de la grossesse". Or, "l'instinct paternel" existe. Et il a quelque chose à voir avec la tendresse.

Le pouvoir des câlins

Les "hugs" privilégiés chez les nouveaux pères.
Les "hugs" privilégiés chez les nouveaux pères.

C'est ce que s'évertue d'ailleurs à démontrer un père de famille anonyme qui, sur le blog où il relate son quotidien, s'attarde sur "le pouvoir des câlins paternels". Selon lui, le câlin fait partie de ces petites choses de la vie de tous les jours dont l'on mésestime bien trop souvent l'importance - et il y en a plein, de petites choses, lorsque l'on est papa. Par exemple, nous raconte-t-il, sa petite fille adore défaire ses lacets lorsqu'il rentre du travail. Un soir, il a défait ses chaussures sans la prévenir, et son enfant a tout de suite exprimé son désarroi : délacer les chaussures de son père était un geste riche de sens pour elle, une sorte d'interaction et de signe d'affection primordial. Idem pour les enlacements, dont la signification échappe parfois aux adultes.

Selon l'intensité des câlins récurrents que lui fait son fils, le blogueur comprend désormais lorsque ce dernier "ne se sent pas bien", qu'il a "des ennuis" ou encore "qu'il a peur". Les câlins ne sont pas simplement devenus aussi rituels que l'histoire narrée au coin de l'oreiller, ils constituent pour ce papa un véritable langage émotionnel. "Un câlin vaut plus que mille mots", nous assure d'ailleurs le rédacteur.

Ces étreintes chaleureuses sont synonymes de proximité et de respect. Cette connexion entre un père et ses enfants démontrent bien que, non, ceux-ci n'ont pas "un lien physiologique privilégié avec leurs mères", et que cette relation peut se "partager" au sein du couple par des signes naturels. "Faites un câlin à votre fils ou à votre fille et vous serez étonné de sa puissance", achève avec enthousiasme ce papa comme les autres.

Et à son image, nombreux sont ceux à louer ces vertus, des "cool dads" féministes qui envahissent votre fil Instagram aux blogueurs hugs-friendly. Du côté du site Babble Dad, l'un d'entre eux s'attarde ainsi sur la valeur du "bisou de bonne nuit" du père - celui qu'il décoche à ses enfants au moment de l'extinction des feux. Son père, explique le blogueur, lui faisait des câlins en de "très rares" occasions et préférait conserver une certaine distance physique. Enfant, cela lui a donc toujours semblé bizarre de lui dire "je t'aime" avant d'éteindre sa lampe de chevet. C'est pour cela qu'aujourd'hui, devenu père lui-même, le blogueur s'exerce à bousculer ces "habitudes profondément rigides", histoire que ses enfants n'éprouvent pas la même chose. Lui, n'a plus envie de se sentir gêné par "la manifestation de [ses] sentiments" de père. Un malaise qui appartient plutôt à une autre génération.

Et qu'il faudrait peut être reléguer pour de bon aux oubliettes, histoire de raviver ce qu'un câlin entre un père et ses enfants provoque. C'est à dire, comme l'énonce encore la neuropsychologue Céline Rivière, "un état de calme et de plénitude". Que demander de plus ?