Féminisme ou male gaze en puissance ? Les scènes de nu et de sexe de Sydney Sweeney dans La femme de ménage soulèvent des questionnements alors que la jeune actrice cristallise toutes les polémiques.
Effectivement, dans l'adaptation du phénomène littéraire La femme de ménage, best seller qui a bousculé les comptes BookTok, Sydney Sweeney incarne la protagoniste de ce récit à rebondissements, et personnage-titre : une jeune femme au passé mystérieux qui se retrouve employée par une patronne légèrement despotique et caractérielle, dont le mari est grand, musclé, beau, gentil.
En apparence. Mais chut.
Ce thriller mêle habilement conte de fées moderne et fable féministe, via ses twists que d'aucuns jugeront malins, d'autres abracadabrantesques. Et Sydney dans tout ça ? Elle fait le taf dans le rôle semi-candide semi-vénér de cette subalterne malmenée par une boss imprévisible. Mais se retrouve vite éclipsée par l'antagoniste en question, interprétée par la tant mésestimée Amanda Seyfried.
Face à la meangirl habitée par ce rôle flottant au-dessus d'un film tutoyant volontiers le nanar (volontaire ou non), Sydney Sweeney fait parler son jeu, et aussi son corps : quelques scènes de nu et de sexe viennent épicer ce film gentiment désuet dans sa première partie très années 90. Des séquences qui ont fait papoter. Comme toujours.
Et sont loin d'être anodines en vérité.
Sydney Sweeney se dénude dans La femme de ménage. Comme elle le fait dans Tout sauf toi, rom com à succès qui l'a vue côtoyer un autre bellâtre bâti comme une armoire normande, Glenn Powell.
Romance où elle avait droit à un câlin avec un colosse aux proportions irréelles, ce qui est le cas dans cette Femme de ménage qui offre notamment à son public une séquence de corps à corps très fiévreuse dans une chambre d'hôtel. Cela étant, rien de si "gratos" là-dedans alors que la comédienne est sans cesse renvoyée, dans la vraie vie, à son corps, et surtout, à sa poitrine.
Dans Tout sauf toi d'ailleurs, Sweeney faisait de la part de son partenaire taquin l'objet de blagues sur ses "gros seins" - comme elle aime à les qualifier en interview. A l'unisson des vannes qu'elle encourageait public et artistes à aligner en étant invitée d'honneur au Saturday Night Live, incitant effectivement les humoristes à multiplier les blagues sur sa poitrine, tout en affichant des décolletés volontairement surréalistes.
Souvent productrice des films où elle joue, la comédienne garde toujours un contrôle très "à l'américaine" sur ses partitions. Jusqu'à Immaculée, film d'horreur à la fin spectaculaire, et où là encore, sa nudité fait sens. Et dans La femme de ménage, où elle partage des moments d'intimité marquants et graphiques avec le mari de son antagoniste, son corps porte tout un discours.
© Abaca Press, AFF/ABACA
Tel un clin d'oeil ironique à l'archétype de la bimbo, cliché sexiste auquel on l'assimile, se jouant généreusement de son image, Sweeney interprète ici (alerte spoiler) une jeune femme en pamoison face à un bel Apollon qui va se révéler être, et bien, un tortionnaire.
Toute la première partie du film, qui sonne volontairement faux de A à Z, pour la bonne raison que chaque personnage y joue un rôle, érige ce Jules en prince charmant. Avant que sa proie ne se fasse enfermer dans sa forteresse. Et là, on est très loin d'un dessin animé Disney. L'idylle devient un cauchemar trash et gore.
Les scènes de sexe, aussi kitsch que les répliques de l'époux (sur sa dentition et ses "privilèges"), semblent "gratuites", mais servent en vérité une tonalité ouvertement "ringarde", désuète, qui prépare toute une seconde partie brutale, comme le contrechamp cruel d'un songe.
Contrechamp plus "badass" et actuel, car empreint d'enjeux post-#MeToo. Au choix : violences conjugales, relation d'emprise, manipulations, viol conjugal, féminicide. Pour que cette seconde partie soit si efficace, il fallait noyer la première de "male gaze" : ce regard masculin, celui du cinéaste, et du public, qui vient calquer, voire imposer, ses désirs, sexuels, sur les personnages féminins.
D'où cette abondance de plans sur les seins et le corps de Sydney Sweeney lors de certaines séquences. Tout sert en vérité un discours très ironique qui s'amuse de notre propre perception de spectateur, des clichés, des codes, ancrés dans une culture très patriarcale - celle-là même que le film dénonce. Bien sûr, La femme de ménage est réalisé par un homme, bien qu'habitué à mettre en scène des personnages féminins, mais il s'inspire des écrits d'une autrice, et est scénarisé par une femme. Ce qui change certainement la donne.
Il faut savoir que pour une interprète à ce point ramenée à son apparence à ses courbes, qu'est Sydney Sweeney, le moindre plan sera forcément vecteur de sens. Dans cette histoire macabre qui parle frontalement de la façon dont les hommes, "maîtres en leur maison", considèrent le corps des femmes comme leur propriété (littéralement), et bien, Sydney Sweeney ne dénote pas. Au contraire.
Quant à la principale concernée elle-même, Sydney Sweeney, en dehors des tournages et des plateaux, son rapport au corps, elle l'a toujours mis en mot, et incarné, littéralement, énonçant à Glamour UK : "L'une des questions que l'on me pose le plus souvent est : "Êtes-vous féministe ? Et bien je le suis, en acceptant le corps que j'ai. C'est mon geste sexy et fort, et je ne pense pas qu'il y ait quelque chose de mal à cela. C'est de cette façon dont je revendique la liberté de mon propre corps..."
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