Quand une responsable de la police culpabilise les femmes empoisonnées au GHB

Publié le Mercredi 06 Octobre 2021
Clément Arbrun
Par Clément Arbrun Journaliste
Passionné par les sujets de société et la culture, Clément Arbrun est journaliste pour le site Terrafemina depuis 2019.
Une responsable de la police culpabilise les femmes victimes d'empoisonnement au GHB
Une responsable de la police culpabilise les femmes victimes d'empoisonnement au GHB
La directrice départementale de la police nationale (DDSP) de Meurthe-et-Moselle Laetitia Philippon s'est exprimée à propos des victimes du GHB, cette drogue "du violeur" trop tristement connue. Et ses déclarations choquent.
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"Concernant les femmes victimes de GHB , je vais peut-être être un peu dure, mais je n'ai jamais vu une femme 'victime' de GHB dans ma carrière qui buvait de la Badoit ou du Coca. C'est-à-dire que c'est toujours une question d'alcool à la base". En s'exprimant lors du conseil municipal de Nancy le 27 septembre à propos des victimes du GHB, plus connu sous le nom de "drogue du violeur", la directrice départementale de la sécurité publique en Meurthe-et-Moselle, Laetitia Philippon, a sombré dans le "victim blaming".

Le "victim blaming", c'est le fait de faire culpabiliser la victime d'une agression sexuelle ou d'un viol en insistant sur son attitude, ses propos, sa tenue. On retrouve cette culpabilisation inversée dans les mots de Laetitia Philippon. Réagissant au sujet des plaintes déposées par des jeunes femmes ayant trait à la circulation sur le GHB dans les boîtes de nuit de Nancy, la directrice départementale, relate le média Lorraine Actu, a poursuivi : "Ce qui est en cause rarement, c'est l'alcoolisation et dans ce cas, on a le risque de voir mettre dans son verre quelque chose qui va annihiler sa vigilance. C'est un fait, c'est une réalité, c'est lié à l'alcool", a-t-elle expliqué.

"C'est d'abord la vigilance de tout un chacun qui empêche des faits et il ne faut pas toujours s'imaginer que c'est le GHB". Des propos qui ont choqué sur les réseaux sociaux, et on comprend aisément pourquoi.

"Une personne n'est pas responsable d'avoir été intoxiquée"

"Boire de l'alcool est autorisé par la loi, verser du GHB dans un verre est interdit par la loi. On en est où de la formation des policiers et policières sur les violences sexuelles déjà ?", a ainsi ironisé l'ancienne candidate à la primaire écologiste Sandrine Rousseau sur son compte Twitter.

Il faut avouer que cette culpabilisation décomplexée des victimes (l'alcool est le problème, pas le violeur) a de quoi déconcerter - doux euphémisme.

"Il y a 10 ans, j'ai été victime d'un empoisonnement au GHB lors d'une soirée en boîte de nuit. J'étais désignée conductrice par mes camarades, je n'avais donc pas envisagé de boire de l'alcool", a réagi l'adjointe au maire de Bordeaux, Harmonie Lecerf, dans un témoignage sur Twitter. "Un collègue rencontré sur place m'a d'ailleurs raconté le lendemain qu'il m'avait offert un verre, j'avais commandé un coca parce que je conduisais justement... Je ne me souvenais pas du tout de la soirée. J'ai été reconduite avec ma voiture par un collègue qui 'st ensuite rentré à pied. J'étais comme totalement saoule et très fatiguée. Je me suis fait voler ce qu'il y avait dans mon sac (téléphone et moyen de paiement). 48h après j'ai vu un médecin. Nous n'avons pas fait de test car le GHB disparaît rapidement dans l'organisme", explique l'élue.

"NON, l'intoxication au GHB n'est pas un problème d'alcoolisation des jeunes mais un acte de soumission chimique souvent préalable à des crimes et délits. NON, une personne n'est pas responsable d'avoir été intoxiquée par une personne qui a préparé sa soirée en préméditant de droguer puis abuser quelqu'un", fustige l'adjointe, jugeant les propos de Laetitia Philippon "très inquiétants".

Interrogée par Lorraine Actu à propos de ses déclarations polémiques, la directrice départementale de la sécurité publique a reconnu que ses propos avaient pu être "maladroits". Elle a affirmé que des enquêtes étaient "engagées". Et que le sujet du GHB et de sa circulation au sein des boîtes de nuit et bars était "pris au sérieux" par la police. Mais la parole des victimes l'est-elle vraiment ?