Non, la fréquence de vos rapports ne détermine pas la valeur de votre couple

Publié le Vendredi 14 Décembre 2018
Pauline Machado
Par Pauline Machado Journaliste
Pauline s’empare aussi bien de sujets lifestyle, sexo et société, qu’elle remanie et décrypte avec un angle féministe, y injectant le savoir d’expert·e·s et le témoignage de voix concernées. Elle écrit depuis bientôt trois ans pour Terrafemina.
La fréquence de vos rapports ne détermine pas la valeur de votre couple
La fréquence de vos rapports ne détermine pas la valeur de votre couple
L'idée qu'une relation en pleine santé passe surtout par une sexualité orgasmique fait des ravages. Il est temps d'arrêter de se foutre la pression pour rien. Parce qu'on peut avoir une relation épanouie sans copuler comme des lapins.
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Avec la libération de la parole autour du sexe, on a enfin réussi à s'épanouir et à mettre le doigt sur ce qui nous fait du bien. On a de moins en moins peur d'aborder le sujet avec notre partenaire, on assume nos désirs et on ne sacrifie plus son plaisir aux dépens de celui de l'autre.

Faire l'amour souvent, tester de nouvelles positions, parler de ses expériences est devenu beaucoup plus naturel, et c'est une avancée qui nous réjouit au plus haut point, comme vous pouvez l'imaginer.

Il y a cependant des fois où l'on - et par "on", on parle des médias - manque de s'embourber dans un pétrin de culpabilisation maladroite qui n'aurait absolument rien de libérateur, bien au contraire. Donner des idées pour expérimenter une vie sexuelle passionnelle, c'est plutôt chouette. Mais suggérer plus ou moins consciemment qu'un couple épanoui est un couple qui a des rapports très fréquents, c'est simplement stupide.

Alors oui, vous nous direz, le sexe est une partie importante de toute relation et devrait être vécu au mieux. Mais ce n'est pas une raison pour s'imposer une pression qui va au-delà de ses désirs. Le cul, c'est peut-être la vie, mais la vie, ce n'est pas uniquement le cul.

On partage plus que son lit avec l'autre. On partage des petits-déjeuners, des dîners, des séances de ciné, des journées de déprime, des moments de bonheur, une routine chiante, une routine heureuse, sa mauvaise humeur, la nôtre, des blagues, des très mauvaises blagues, des rires et des pleurs.

Bien sûr, la levrette et le 69 se glissent aussi entre les lignes - pareil pour la pipe sur le canapé. Mais il peut arriver que l'on n'ait juste pas envie, pas le temps ou pas la force pendant plusieurs semaines ou mois, et ce n'est pas grave.

Quand on a rencontré les actrices du spectacle Sexpowerment, Claire Assali et Lisa Wisznia, elles nous ont expliqué vouloir insister sur ce point dans leur discours parce qu'il était rarement abordé ailleurs.

Claire a même mentionné l'une de ses connaissances qui s'était sentie soulagée par rapport à la santé de son couple après y avoir assisté. Cela faisait plusieurs semaines que le sexe n'était pas au programme et écouter une parole bienveillante sur la question a dû l'aider à dégager l'inquiétude à coup de pelle.

Car tant que les deux partenaires sont dans le même état d'esprit, rien ne cloche. Et sinon, il y a la communication. Parfois cette baisse de libido est liée à l'arrivée d'un enfant, parfois à un changement dans le quotidien de l'un·e ou de l'autre et quelque fois on n'a simplement pas la tête à se foutre à poil car on est crevée. Rien à voir avec l'amour que l'on porte à notre partenaire.

Des sondages qui faussent le ton

La grande alliée de la pression, c'est la comparaison. Et puisque tout le monde veut apparemment savoir qui baise quand et à quelle fréquence, nombreux sont les sondages qui ciblent ces questions et finissent par ériger une certaine normalité (inexacte, qui plus est).

"Combien de fois les Français font-ils l'amour ?", "Quelles sont les habitudes des Français au lit ?"... Avouons que c'est assez tentant de jeter un oeil à ces études pour voir où on se situe par rapport "aux Français".

Il faut toutefois rappeler que ces recherches sont souvent conduites en interrogeant seulement quelques milliers de cobayes, et qu'on est loin des millions d'adultes sexuellement actifs qui constituent réellement les Français. Question normalité, on repassera.

Pour ce qui est de la crédibilité des réponses, là aussi, mieux vaut s'en méfier. Lors d'un entretien avec L'Express, Philippe Brenot, psychiatre, anthropologue et sexologue (lui-même auteur de deux grandes enquêtes sur la sexualité de nos compatriotes) met les points sur les i : "Les statistiques concernant la fréquence des rapports sexuels constituent selon moi la donnée la plus fausse de toutes les enquêtes en sexologie.

D'abord parce que les sondé·es ont toujours tendance à une survalorisation de cet aspect de leur vie. Ensuite parce que l'on constate que les sondages semblent inciter les Français à s'inclure dans la moyenne nationale - située autour de deux rapports hebdomadaires - même si ce n'est pas leur cas. Leur discours ne coïncide d'ailleurs pas avec ce qu'ils disent en cabinet."

Une moyenne réalisée sur une moyenne, établie d'après les estimations de sujets dont on sait qu'ils racontent à peu près n'importe quoi, donc.

Et surtout, ce n'est pas parce que votre voisine fait des galipettes tous les trois jours qu'elle est forcément plus heureuse dans son couple. Peut-être que c'est le cas, et tant mieux pour elle, mais cela ne devrait pas avoir d'impact sur votre propre bonheur.

Pour conclure, si on devait vous conseiller une seule chose pour vivre une relation épanouie, c'est de faire comme bon vous semble et de parler avec l'autre. Le reste mérite autant d'attention que Nadine Morano, soit un quotient extrêmement proche de zéro.

Voilà.