Elle conseille les youtubeurs au chevet de la planète

Publié le Mercredi 28 Novembre 2018
Catherine Rochon
Par Catherine Rochon Rédactrice en chef
Rédactrice en chef de Terrafemina depuis fin 2014, Catherine Rochon scrute constructions et déconstructions d’un monde post-#MeToo et tend son dictaphone aux voix inspirantes d’une époque mouvante.
Hélène de Vestele, adepte du zéro déchet
Hélène de Vestele, adepte du zéro déchet
62 youtubeurs·es se mobilisent pour une gigantesque campagne pour lutter contre le réchauffement climatique, #Onestprêt. Un pari fou co-organisé par Hélène De Vestele, fondatrice d'Edeni et chantre du zéro déchet.
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Ils s'appellent Norman, Cyprien, Natoo, EnjoyPhoenix, Jhon Rachid. Et ils pèsent lourd. Leur nombre de fans additionné·es représente plus de la moitié de la population française. Norman a 10 millions d'abonné·es, Cyprien 12 millions par exemple. Tous ensemble, ces 62 créateur·ice·s vidéo ont décidé de s'unir pour lutter contre le réchauffement climatique. Depuis le 15 novembre, la campagne #Onestprêt est lancée. Au programme ? 30 défis sur 30 jours pour appeler à changer nos (mauvaises) habitudes, adopter les bons réflexes et impacter sur l'environnement à notre petit niveau.


Parmi les co-organisateurs·rices de cette initiative ludique et positive, qui a déjà touché près de 5 millions de personnes : Hélène De Vestele. Cette militante convaincue de 28 ans au parcours atypique a des fourmis dans les pattes et de la suite dans les idées.


C'est en partant en Argentine il y a quelques années que la jeune femme adopte le mode zéro déchet. "Je me suis débarrassée de 70% de ma garde-robe, de gadgets en tout genre... Je ne suis partie qu'avec deux valises de possessions matérielles. Petit à petit, j'ai appris à me libérer du superflu. Il y a des choses dont on n'a pas besoin voire qui sont néfastes pour la santé."

Sur place, elle est conseillère pour le ministère de la Modernisation du gouvernement argentin. Travaillant sur des projets de développement durable, elle prend conscience de la puissance et du poids des lobbies "qui veulent imposer des produits qui consomment toujours plus".

Elle transforme son exaspération en énergie militante : Hélène anime un blog, crée une association, lance des ateliers dans des bidonvilles parce que " tout le monde mérite de vivre mieux avec moins. Voir des mamans qui donnaient des canettes de Coca light dans des canettes en guise de petit déjeuner à leurs gosses, des familles qui dépensaient l'argent qu'elles n'avaient pas pour acheter du L'Oréal alors qu'elles auraient pu avoir un bon savon artisanal qui dure un mois, ça me mettait hors de moi. "

Helène de Vestele, fondatrice d'Edeni
Helène de Vestele, fondatrice d'Edeni

Son engagement bouillonnant attire l'attention. Elle rejoint la délégation des jeunes au G7 et découvre, effarée, "ces technocrates avec leurs bouteilles en plastique. Je me suis dit : 'On n'arrive pas à passer de la sensibilisation à l'action et ce changement, on ne l'incarne pas. Voyons comment on peut faire autrement."

Pour créer cet "autrement", elle se forme, rencontre des experts, compulse plus de 5000 heures de recherches, d'expérimentations concrètes. Et construit une pédagogie et un programme pour faire découvrir les alternatives existantes.

De là, elle fonde Edeni, qui dispense des formations zéro déchet, "parce qu'on n'a pas de profs en transition écologique". C'est un succès. Depuis leur lancement en 2017, tous les "bootcamps" (formations intensives de 6 semaines en mode rangers écolo) affichent complet.

"Toucher des personnes qui sont à 1000 lieues de l'écologie"

C'est lors de l'un de ces bootcamps début 2018 qu'elle rencontre Magalie Payen, l'une des personnes qui a oeuvré au rachat de la société de production Studio Bagel. Elle propose à Hélène de rejoindre l'organisation de la campagne, ainsi qu'à l'activiste et directeur de l'ONG Le Mouvement Elliot Lepers. Avec une dizaine d'autres militant·e·s, ils·elles décident de mettre en place cette gigantesque campagne de mobilisation numérique.

A force de coups de fil, de networking et de convictions chevillées au corps, les coordinateurs parviennent à réunir les youtubeurs les plus populaires de France autour de la cause écolo et du pari un peu fou de #Onestprêt. La démission choc de Nicolas Hulot fin août finit de convaincre les derniers récalcitrants.

"On leur donne beaucoup d'informations, mais chacun écrit ses scripts et ils et elles sont libres. Si on arrive à les former sur ces sujets, ils/elles arriveront à former leurs abonné·e·s."

Ainsi, Norman préconise l'autocollant "Stop pub", Juliette Tresanini appeler à s'équiper d'une gourde en inox, Audrey Pirot apprend le tri sélectif et à faire du compost, CYRIL dispense des conseils pour éviter le gaspillage alimentaire.

"Certains avaient fait des sketches méchants contre les vegans : aujourd'hui, ils expliquent à leur communauté qu'il faut manger moins de viande. C'est une preuve d'intelligence de ne pas rester dans une posture juste pour des likes", souligne Hélène De Vestele.

Objectif : "Toucher des personnes qui sont à 1000 lieues de l'écologie, leur mettre le pied à l'étrier. On a envie de prouver que l'écologie peut être joyeuse, que ce n'est pas seulement faire des efforts et se serrer la ceinture. On espère en faire quelque chose de réjouissant, comme quand on a un challenge et qu'on le relève et que cela nous apporte beaucoup de joie."

Et les retours sont très positifs : "Je réponds à beaucoup de questions pour apporter des éclairages. Il y a énormément de personnes qui se sont procurées une gourde par exemple. Ou qui ont mis un " Stop pub "... C'est génial. 5 millions de personnes nous suivent, donc si même la moitié ont fait ces actions-là, c'est formidable", s'enthousiasme la coordinatrice, soulignant avec malice qu'une dizaine de députés, le ministre de la transition écologique François De Rugy, EDF, Coca-Cola "essaient de s'approprier le message. C'est un signe."

"L'utopie a changé de camp"

Les acteurs de la campagne #Onestprêt le savent : la politique des petits pas ne suffit plus face à l'urgence climatique. Mais ces 30 petits défis écolos sont un premier élan vers une transformation des habitudes qui, ils l'espèrent, seront amenées à devenir pérennes.

"Il ne faut pas se laisser berner par la politique des petits pas au niveau industriel ou gouvernemental. Nous voulons des mesures qui vont nous imposer de changer nos habitudes. Regardez les 80km/h : personne ne le ferait si ce n'était pas imposé !"

Et aux esprits chagrins (ou inconscients) qui penseraient encore que l'écologie est une préoccupation de "bobo", Hélène De Vestele répond : "Renseignez-vous, vous verrez que l'utopie a changé de camp. Maintenant, si vous pensez que l'on peut continuer à vivre avec une croissance illimitée dans un monde de ressources finies, c'est illusoire ! On sait que ce n'est plus possible et ce n'est pas seulement l'appel des 15 000 experts qui le disent. Ce n'est plus utopique d'être écolo."

Les deux conseils écolo d'Hélène pour commencer sa transition

  • Investissez dans une gourde

    "La première des choses, c'est acquérir une gourde en métal. les gobelets en plastique, chaque année en France, c'est trente mille tonnes de déchets. Cela permet de ne plus avoir à jeter de bouteilles plastique, ne plus avoir de micro-plastique dans ses boissons et boycotter les entreprises de soda."

  • Faites l'impasse sur les papiers cadeaux

    "Pour les fêtes de fin d'années, il ne faut surtout pas acheter de papier cadeau. Il y a 20 tonnes de papiers cadeaux jetées à l'année, la plupart ne sont pas recyclables. La meilleure alternative, c'est le furoshiki, un tissu de 90 cm sur 90 cm, qui permet d'emballer un maximum de choses. On peut le récupérer après ou on l'offre. C'est beau et cela garde la jolie tradition de l'emballage. On peut aussi prendre de vieux draps ou de vieux tissus- les recycleries en regorgent."