Une présentatrice météo belge "trop enceinte" au goût des téléspectateurs

Publié le Lundi 13 Janvier 2020
Clément Arbrun
Par Clément Arbrun Journaliste
Passionné par les sujets de société et la culture, Clément Arbrun est journaliste pour le site Terrafemina depuis 2019.
La présentratrice Daniela Prepeliuc victime de "grossesse shaming".
La présentratrice Daniela Prepeliuc victime de "grossesse shaming".
Rares sont les journalistes à échapper au sexisme ordinaire. C'est ce que démontre la vague de remarques misogynes dont a fait l'objet la présentatrice belge Daniela Prepeliuc. Et ce pour des raisons qui laissent pantois.
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C'est la chaîne belge RTBF qui a lancé l'alerte, suite aux très nombreuses réactions suscitées par une publication de la page Facebook RBTF Info. Et par "réactions", il faut comprendre : un flot de commentaires bien sexistes. La vidéo en question met simplement en scène la présentatrice Daniela Prepeliuc, indiquant comme à son habitude les prévisions météorologiques. Ce qui a choqué bon nombre d'esprits étroits tient en vérité à peu de chose : Daniela Prepeliuc présentait une tenue qui pour beaucoup semblait "inappropriée" pour une femme enceinte...

Selon eux, la robe de la journaliste serait "très peu esthétique" et même choquante (pensez-vous, l'on voit même son nombril, s'indigne un internaute). Plus encore, elle ferait d'elle un "salami transparent"... Autant de remarques déplacées, listées dans ce coup de gueule virulent du média belge, qui résume la chose avec beaucoup d'ironie : Daniela Prepeliuc serait-elle "trop enceinte" ? Sous le sarcasme, un flagrant cas de "grossesse shaming".

Le blâme (trop) ordinaire des femmes enceintes

La question de la RTBF est rhétorique bien sûr, mais elle synthétise bien l'état d'esprit de ce panel de commentaires réacs à souhait. "Je trouve que tout cela devient réellement du voyeurisme car au point de voir son nombril à travers sa robe qui tire de tous côtés, c'est grave", s'attriste une internaute. "Mieux choisir ses fringues est une question de bon sens...mais la classe, ce n'est pas donné à tout le monde !", poursuit une autre. "Elle s'habille comme elle veut, mais ça manque un peu d'élégance. C'était juste un petit conseil parce que ça lui tire de partout", modère un autre anonyme. La nausée.

Entre leçons de style des mecs - certains précisant qu'ils trouvent la journaliste "jolie", ouf ! - et commentaires féminins anti-solidaires au possible (la sororité est bien, bien loin), cette suite de réactions démontre à merveille l'étendue des jugements et injonctions insupportables que subissent les femmes enceintes dans la vie quotidienne. Télévision ou pas, d'ailleurs. Puisqu'elle est pleine grossesse, Daniela Prepeliuc devrait "s'habiller convenablement", ne pas porter de "robe taille 40" et "être présentable". Car là, "elle fait ballon", ajoute un internaute cité par la RTBF.

Lorsque la société s'attarde sur une femme enceinte, les biais sexistes perdurent. On commente son éventuelle prise de poids et ses rondeurs, son apparence, son mode de vie, et plus globalement son attitude, le moralisme en bandoulière. Une femme enceinte ne doit jamais "dire ça", ou être "comme ça". En 2020, même constat. Et sans surprise, ces critères sont exacerbés lorsqu'ils ont trait à son image médiatique. "La grossesse, ce moment de la vie d'une femme où tout le monde donne son avis alors que personne ne veut l'entendre...", s'attriste en ce sens une internaute.

Un état des lieux qui fait bien déprimer. Mais qui fait également réagir. "On ne doit rien laisser passer. Sexisme, racisme : derrière les mots, il y a une volonté de priver les femmes de s'afficher dans leur diversité. Inacceptable", s'est ainsi exprimée la ministre des droits des femmes de la fédération Wallonie-Bruxelles, Bénédicte Linard, saluant le billet d'humeur acide de la RTBF tout en apportant son soutien inconditionnel à Daniela Prepeliuc. A ses côtés, nombreuses sont les voix bienveillantes à s'élever contre les machos du net. Histoire de mieux répondre "à la connerie de personnes qui n'ont pas encore compris qu'on est en 2020, et que l'on veut que les choses changent", décoche une internaute.

Et à travers cette "connerie", une édifiante parité : nombre de remarques émanent de femmes anonymes. Le sexisme n'est pas un luxe, il se partage. Une observation dure à digérer. Reste le mot d'ordre du média belge, salvateur et féministe : "Daniela Prepeliuc subit du sexisme. Être enceinte est visiblement une tare de plus quand on est une femme de média. Trop mince, trop grosse, trop noire, trop vieille, trop jeune, trop enceinte. C'est grave et ça mérite d'être dénoncé. Ce n'est pas votre vie, ce n'est pas votre corps et personne ne vous oblige à vous habiller comme elle". CQFD.