Au Soudan, des femmes accusées d'indécence pour avoir porté un pantalon

Publié le Lundi 11 Décembre 2017
Photo d'illustration de femmes soudanaises.
Photo d'illustration de femmes soudanaises.
Au Soudan, la police continue d'exercer sa répression aléatoire sur les femmes portant des pantalons. Vingt-quatre Soudanaises ont été arrêtées la semaine dernière en vertu d'un article punissant le port de "vêtements indécents". Elles risquent désormais la flagellation en public.
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Vingt-quatre femmes ont été arrêtées par les autorités soudanaises la semaine dernière pour s'être rendues en pantalon à un rassemblement. Pour la militante Amira Osman, la loi interdisant aux Soudanaises de porter autre chose que des longues jupes larges "viole le droit des femmes", en particulier celui des chrétiennes qui vivent dans ce pays majoritairement musulman. "La fête s'est déroulée dans un hall fermé d'un immeuble à El Mamoura (au sud de la capitale Khartoum, ndlr), a-t-elle expliqué selon la BBC. Les filles ont été arrêtées pour avoir porté des pantalons, malgré l'obtention d'un permis des autorités".

L'article 152 du Code pénal soudanais condamne en effet depuis 1991, un individu lorsqu'il "commet un acte indécent, un acte qui viole la moralité publique ou porte des vêtements indécents". Mais il n'existe aucune définition du type de "vêtements indécents" évoqué dans cette législation, ce qui conduit à une libre interprétation de la loi par les policiers, qui invoquent la morale musulmane pour juger le port d'un pantalon ou d'une jupe courte condamnable.

Le "procès du pantalon"

Chaque jour, des milliers de femmes se promènent en pantalon dans les enclaves chrétiennes de la capitale soudanaise à leurs risques et périls. En 2009, le procès dit "du pantalon" avait fait écho dans les médias. A l'époque, il s'agissait de celui de Loubna Ahmed al-Hussein, journaliste et employée de l'ONU, arrêtée par la police avec une douzaine d'autres femmes dans un restaurant de Khartoum alors qu'elle portait un pantalon ample vert sous une longue tunique. L'affaire avait divisé le pays et fait des vagues jusqu'aux Nations Unies. Lors de l'audience, les débats étaient orientés sur la tenue de la journaliste : "Etait-ce ou n'était-ce pas trop moulant ?"

Engagée contre la loi en vigueur, Loubna Ahmed al-Hussein s'était dite "prête à recevoir les 40 coups de fouet" infligés aux femmes s'aventurant à l'extérieur dans cette tenue et avait refusé de payer l'amende de 200 euros qui lui avait été demandée. "Des dizaines de milliers de femmes et de jeunes filles ont été flagellées à cause de leurs vêtements ces vingt dernières années. Elles n'osent pas porter plainte", avait-elle expliqué.

Des images pour réveiller les consciences

La même année, une adolescente de 16 ans avait été fouettée par un policier qui jugeait sa jupe trop courte. En 2010, la vidéo d'un policier fouettant une jeune femme en place publique avait été postée sur Youtube pour dénoncer cette répression aléatoire, ce qui avait provoqué une vague d'indignations. En 2015, dix jeunes femmes chrétiennes âgées de 17 à 23 ans avaient également été arrêtées à la sortie d'une église évangélique de Khartoum pour le port de jupes et pantalons.

Amnesty International avait alors appelé le Soudan à "abandonner le chef d'accusation retenu contre les dix jeunes femmes", à "abolir la peine de flagellation, qui est une violation de l'interdiction absolue de la torture et des autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants" et à "abroger l'article 152 du code pénal de 1991, car il est formulé en termes vagues, discriminatoires et non conformes aux obligations du Soudan en matière de droits humains".

Pour rappel, la loi interdisant le port du pantalon pour les Françaises n'a été abrogée qu'en 2013. Cette ordonnance datant du 7 novembre 1799 visait à limiter l'accès des femmes à certains métiers et affirmait que celles qui portaient un pantalon sans autorisation devaient être "arrêtées et conduites à la préfecture".