Après le suicide de l'ex-agent de mannequins Jean-Luc Brunel, la frustration des victimes

Publié le Mardi 22 Février 2022
Pauline Machado
Par Pauline Machado Journaliste
Pauline s’empare aussi bien de sujets lifestyle, sexo et société, qu’elle remanie et décrypte avec un angle féministe, y injectant le savoir d’expert·e·s et le témoignage de voix concernées. Elle écrit depuis bientôt trois ans pour Terrafemina.
Après le suicide de Jean-Luc Brunel, la frustration des mannequins victimes - Capture d'écran/France 3
Après le suicide de Jean-Luc Brunel, la frustration des mannequins victimes - Capture d'écran/France 3
L'ex-agent de mannequins accusé de viols, Jean-Luc Brunel, a été retrouvé pendu dans sa cellule, samedi 19 février. Pour les plaignantes, c'est l'espoir d'une confrontation et de justice qui disparait avec l'homme, supposé "rabatteur" de Jeffrey Epstein.
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Il avait été mis en examen et placé en détention provisoire en décembre 2020 pour "viols sur mineur de plus de 15 ans" et "harcèlement sexuel" sur deux femmes, rapporte Le Monde, puis de nouveau mis en examen fin juin 2021 pour "viol sur mineur de plus de 15 ans" sur une troisième. Jean-Luc Brunel a été retrouvé mort à la prison de la Santé, dans la nuit du vendredi 18 février au samedi 19 février. Un suicide qui n'aurait "pas été guidée par la culpabilité", affirment ses avocats, "mais par un profond sentiment d'injustice".

Pour les victimes présumées en revanche, cette nouvelle provoque une déception et une frustration terribles. L'ex-agent de mannequins et fondateur de Karin Models aurait endossé le rôle de "rabatteur" de Jeffrey Epstein, lui aussi retrouvé pendu dans sa cellule en août 2019 après avoir été arrêté pour trafic sexuel.

Le nom du Français apparaît d'ailleurs dans l'affaire dès la première enquête par la police de Floride, en 2007-2008, avec notamment, un message datant de 2005 retrouvé suite à un appel de sa part : "Il a une prof pour vous, pour vous apprendre à parler russe. Elle a deux fois 8 ans, pas blonde".

Une "manière de tourner la page" qui leur a "été retirée"

Thysia Huisman avait 18 ans lorsqu'elle a croisé sa route. 28 ans après les faits, l'ancienne mannequin néerlandaise a porté plainte pour viol, et raconte que Brunel l'aurait droguée. Un silence de quasi trois décennies qu'elle explique par la crainte et la "honte" qu'elle ressentait à l'idée de parler. Son témoignage a par la suite permis à d'autres de confier leur histoire, et de porter plainte contre le milliardaire, précise Le Parisien qui l'a rencontrée.

Avec le décès de son bourreau présumé, ses espoirs de confrontation ont toutefois été brisés.

"J'avais vraiment pour but de le voir au tribunal et de lui dire exactement ce qu'il m'a fait, ce qu'il m'a pris", dit-elle au quotidien. "Ça aurait aussi été une manière de tourner la page et ça nous a été retiré". Des sentiments que partage également Virginia Giuffre, plaignante principale dans l'affaire Epstein qui affirme avoir été forcée à avoir des rapports sexuels avec Jean-Luc Brunel.

Pour celle qui a récemment accepté un arrangement financier avec le prince Andrew, accusé de l'avoir agressée sexuellement, le décès du Français "qui a abusé d'[elle] et d'innombrables filles et jeunes femmes, marque la fin d'un autre chapitre", écrit-elle sur Twitter. "Je suis déçue de ne pouvoir l'affronter dans un procès pour qu'il rende des comptes, mais heureuse d'avoir pu témoigner l'année dernière pour le faire emprisonner".

Thysia Huisman continue de son côté à encourager les victimes à parler : "Parce que c'est le seul moyen de mettre ces prédateurs derrière les barreaux", affirme la Néerlandaise. Et de combattre l'impunité dont semblent quasi systématiquement bénéficier les puissants.