"Quand tu dors" : pourquoi le chanteur Tayc est accusé de faire l'apologie du viol conjugal

Publié le Mercredi 15 Février 2023
Clément Arbrun
Par Clément Arbrun Journaliste
Passionné par les sujets de société et la culture, Clément Arbrun est journaliste pour le site Terrafemina depuis 2019.
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"Quand tu dors" : pourquoi le chanteur Tayc est accusé de faire l'apologie du viol conjugal
Le chanteur Tayc pensait sa chanson "romantique" et idéale pour la Saint-Valentin. Mais de nombreuses accusations d'"apologie du viol conjugal" l'ont incité à la supprimer.
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"Quand tu dors". C'est le nom d'une chanson particulièrement problématique du chanteur Tayc. L'artiste a suscité la polémique sur les réseaux sociaux en proposant ce son "romantique" lors de la Saint-Valentin ce 14 février. Dans ce morceau, l'interprète s'adresse à une compagne imaginaire : "Je t'en supplie, dors encore, dors encore... Pourquoi te le dire ? Pourquoi prévenir ? Ça n'te demandera aucun effort".

"Ok, imagine un truc, j'rentre du boulot, tu vois ? Toi tu dors déjà. Et plutôt que de te réveiller, je... ", entend-t-on en préambule de ce son qui se veut amoureux. Des paroles qui ont dérangé les internautes.

Florilège de réactions diverses : "Ca vous choque pas que Tayc ait des propos de violeur dans son son là ?", "Tayc, il a une trop belle voix mais il l'utilise pour faire des sons qui normalisent le viol...", "Hummmm Tayc dans 'Quand tu dors' ce que tu expliques là c'est viol hein. Elle dort ! Comment ça, elle t'appelle ? Laisse la dame dormir !".

Le message est clair : bien des auditeurs voient là une apologie du viol conjugal.

"Des gens qui n'ont pas compris"

Un bad buzz si retentissant que Tayc a décidé de supprimer la chanson incriminée. Et s'est fendu d'un message d'excuses sur ses réseaux sociaux. Enfin, pas vraiment d'excuses en vérité, mais d'explications qui se veulent limpides : "Je vois certains commentaires inappropriés autour du titre Quand tu dors. Pour les personnes qui n'auraient pas compris le sens du titre, à aucun moment il n'est question de relation intime sans consentement".

"C'est un couple. Cette femme dort. Son homme rentre. La voit. La réveille. Et décide d'embellir leur nuit", a encore tenu à préciser le chanteur. Ce qui n'a pas convaincu tout le monde sur Twitter. "Elle 'fait pas débat' ta chanson, tu y fais juste l'apologie du viol conjugal dedans. Assume tes paroles et fais pas genre que c'est un débat, après avoir fait genre qu'on avait mal compris la chanson", "Tu donnes une vision désastreuse de l'amour", peut-on encore lire de la part des internautes, alors que certains déplorent à l'inverse sa suppression.

"C'est un discours de violeur"

Un étudiant de la Sorbonne notamment a longuement dénoncé cette chanson en décryptant minutieusement ses paroles : "Dès l'intro, la chanson n'a pas commencé, qu'il sous entend déjà le truc : 'plutôt que de te réveiller je...'. Et la fille refuse, elle dit "don't do that" : c'est un viol conjugal. Le refrain ne laisse aucun doute là-dessus : 'pourquoi te dire ? Pourquoi te prévenir ?'. Le mec est donc bien conscient que la fille disait non au début de la chanson (elle répondait "don't do that" quand il évoquait l'idée). Et il s'en fiche, et ne voit que son fantasme a lui".

"Le mec de la chanson ne compte clairement pas la réveiller. C'est un discours classique : la fille dit 'non' en début de chanson, mais en réalité 'son corps dit oui', et le mec est là pour l'aider à assumer 'ses désirs non avoués' ('j'ai surpris tes désirs', entend-t-on). Ca permet de rationaliser qu'on est un violeur. Le mec fantasme bien entendu que ça va être génial pour la fille, qu'elle attend que ça, et qu'elle va 'transpirer de plaisir'. Là aussi technique classique pour éviter de faire face à la réalité : on est un violeur si on fait ça", développe l'internaute.

Une chanson bien problématique donc. Surtout à une époque baignée de culture de viol, où le viol conjugal n'est pas encore une notion admise par tous les hommes, loin de là. Pour rappel, une enquête IPSOS de 2022 relayée par Mémoire Traumatique révélait qu'une grande partie des jeunes hommes de 18 à 24 ans adhérent "à une sexualité violente sans respect du consentement". Seuls 59 % de ces derniers pensent ainsi que forcer sa partenaire sexuelle à avoir un rapport sexuel "alors qu'elle refuse" peut être "considéré comme un viol".

- Si vous êtes victime ou témoin de violences conjugales, appelez le 3919. Ce numéro d'écoute national est destiné aux femmes victimes de violences, à leur entourage et aux professionnels concernés. Cet appel est anonyme et gratuit.

- En cas de danger immédiat, appelez la police, la gendarmerie ou les pompiers en composant le 17 ou le 18.