#MeToo, la cancel culture, le "wokisme"...
Le réalisateur de Vicky Christina Barcelona a beaucoup à dire, vraisemblablement, à bientôt 90 ans, soit peu ou prou l'âge de son confrère metteur en scène, Clint Eastwood. Auprès de l'animateur Bill Maher, au sein de l'émission de ce dernier, il est revenu sur les lourdes accusations de violences incestueuses dont il fait l'objet depuis des années. Et a plus précisément abordé sa "mise au bûcher" sur la place publique, autrement dit, les appels au boycott dont il fait l'objet suite à ces allégations.
Woody Allen confie à 89 ans que son annulation, cette "cancel culture" qui mettrait en péril la production de ses films, a été « intéressante et amusante », selon le site Entertainment Weekly, qui relate ses déclarations volontairement provocatrices : « Je n'ai pas été blessé. », tient-il encore à étayer. Oui, c'est quelque part une forme de victim blaming : une inversion de la culpabilité entre victime et agresseur potentiel. Mais ce n'est pas tout...
Car Woody Allen a décidé de poursuivre sur le même ton, vindicatif.
Face à Bill Maher, Woody Allen sous-entend également qu'il serait une indéniable victime de cette culture de l'annulation, du tribunal populaire, de la chasse aux sorcières... Rayez la mention inutile. C'est toute une rhétorique sous-entendue qui renvoie directement aux discours anti-#MeToo traditionnels, depuis 2017 et l'affaire Weinstein.
"Cela vient des deux côtés, la cancel culture, et cet appel au boycott de mon oeuvre. Cela vient de la droite et de la gauche", fustige-t-il. Etrange tribune. Alors que le dernier film de Woody Allen, Coup de chance, a quelques années seulement, et a bénéficié d'une diffusion pour le moins ordinaire, jusque dans nos salles. Et compte notamment au sein de sa distribution Valérie Lemercier.
On est loin de l'artiste maudit, non ?
Toujours est-il que le cinéaste de Manhattan et Annie Hall n'en démord pas : il se sent victime d'une culture de l'annulation, d'un certain "wokisme" dont le souhait premier serait d'interdire son oeuvre. Rappelons que les films de Woody Allen sont régulièrement diffusés dans les cinémas de quartier et que les institutions, comme la Cinémathèque, ne l'ont guère "cancel" ces dernières années, au gré de diverses rediffusions. Woody Allen cependant n'hésite guère à gloser sur ce sujet qui fait tant réagir.
Et Allen d'ironiser sur la situation, en avouant que ces allégations graves n'auraient de toute manière guère eu de conséquences lourdes sur son confort de vie.
"Cela aurait pu être désastreux, l'effet de ces accusations sur ma carrière, selon le moment où les choses se seraient passées. J'étais beaucoup plus âgé, j'avais déjà fait 45 films. J'avais cependant gagné assez d'argent pour pouvoir prendre une retraite confortable. il faut dire.. Je me disais même que je voulais faire quelques films de plus, puis commencer à écrire des livres et des pièces de théâtre. Et c'est arrivé à une époque où cela ne posait aucun problème. Si cela était arrivé à 25 ou 30 ans, vous savez"
No comment ?
Ce n'est guère la première fois, loin de là, que Woody Allen s'exprime à ce sujet, source de controverses et de polémiques. L'an dernier, il déclarait en plein festival, évoquant ouvertement le mouvement #MeToo : "Si un mouvement apporte quelque chose de positif pour les femmes, c'est une bonne chose. Quand ça devient n'importe quoi, c'est juste idiot... L'ensemble du secteur a changé, et pas de manière attrayante. Le romantisme du cinéma a disparu... Je ne sais pas encore ce qu'il en est concernant le financement de mes films. Je ne veux pas avoir à aller collecter des fonds. Je trouve cela pénible
"Parfois, un mouvement comme #MeToo est justifié et très bénéfique pour les femmes mais parfois, je lis des affaires dans le journal qui me paraissent ubuesques"
Le metteur en scène octogénaire assénant encore : "j'ai toujours eu de très bons rôles pour les femmes, payées exactement le même montant que les hommes, des centaines d'actrices sans une seule plainte"