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"Run The World", la nouvelle série féministe qui célèbre les femmes noires
Publié le 16 mai 2021 à 13:25
Par Catherine Rochon | Rédactrice en chef
Rédactrice en chef de Terrafemina depuis fin 2014, Catherine Rochon scrute constructions et déconstructions d’un monde post-#MeToo et tend son dictaphone aux voix inspirantes d’une époque mouvante.
Entre histoires d'amitié, de coeur et de cul, on se laisse emporter dans le tourbillon de la vie hédoniste des quatre trentenaires badass de "Run The World", la nouvelle série féministe que l'on va adorer binge-watcher.
Bande-annonce de la série "Run The World" © Starzplay/Jojo Whilden
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Elles sont quatre, inséparables et vivent leur meilleure vie à New York, naviguant entre histoires de coeur, carrières brillantes et papotages autour d'un cocktail. Un pitch qui rappelle vaguement quelque chose ? Oui, il flotte comme un air de Sex and The City sur la nouvelle série Starzplay, Run The World. A plusieurs différences près. Et elles sont de taille. Car dans Run The World, nos quatre héroïnes sont des femmes noires. Comme une réponse salutaire à la série-culte des années 90 de Darren Star, qui, si elle aura participé à déboulonner des tabous comme la sexualité à la télé, péchait par son manque flagrant de diversité. Ici, Whitney, Ella, Sondi et Renee sont tout aussi attachantes et fabuleuses que Carrie, Charlotte, Miranda et Samantha, mais ont délaissé Manhattan pour le quartier de Harlem et se font leur place à coups de griffes manucurées et de répliques ravageuses.


Autre détail d'importance : ce sont des femmes qui sont aux commandes du show. La créatrice et productrice exécutive Leigh Davenport (The Perfect Find) a fait équipe avec l'expérimentée Yvette Lee Bowser (Living Single, Dear White People) pour concocter cette comédie qui se présente comme une "lettre d'amour aux femmes noires et à Harlem."

Les copines de Run The World sont drôles, ultra-lookées (les costumes sont signés Patricia Field, styliste de... Sex and The City), délicieusement décomplexées. Et on leur laisse enfin de l'espace pour s'exprimer. On y parle de cul, d'engagement, on y flirte, chante et danse. Mais cette série joyeuse et libre, qui célèbre la puissance de la sororité, aborde également en filigrane les questions de racisme et de cette identité noire, si longtemps délaissée par la télé. Que cela soit à travers des chaussons de danse roses ou au détour d'une remarque insidieuse balancée au détour d'un bureau, le show sait se faire plus politique, sans perdre de sa légèreté.

Nous avons papoté par Zoom avec Amber Stevens West (Whitney) et Corbin Reid (Sondi) de la représentation et de l'empowerment en 2021. Et de ces héroïnes racisées qui manquaient tant sur le petit écran.

Terrafemina : On ne peut s'empêcher de penser à Sex and the City en regardant Run The World. Etait-ce une réponse nécessaire au manque de diversité de la série des années 90 ?

Amber Stevens West : Run The World est une réflexion sur notre époque et une célébration des femmes noires. Je comprends complètement la comparaison avec Sex and The City, mais la seule vraie similitude, c'est qu'on suit quatre meilleures amies fabuleuses à New York. Sex and The City parlait plutôt des rencontres amoureuses alors que Run The World focalise davantage sur leur vie en général.

Corbin Reid : Notre série parle de femmes noires exceptionnelles, mais l'exception n'est pas la règle. Elles vivent leur vie, qu'elle soit professionnelle, familiale ou relationnelle- car elles sont toutes en couple. Ce sont des femmes que l'on connaît. On retrouve des membres de notre famille, nos ami·e·s. Ce sont des personnes à qui on peut s'identifier et à qui toutes les femmes pourront s'identifier, on l'espère. C'est plus une question de caractère que de couleur.

La série Run The World © Starzplay
Cette représentation vous a-t-elle manqué en grandissant ?

Amber Stevens West : Oh que oui ! Je ne voyais personne qui me ressemblait ou ressemblait à mes ami·e·s ou mon style de vie. Je pouvais me retrouver dans certains personnages à la télé, mais ils ne me ressemblaient pas.

Corbin Reid : Et surtout, on ne voyait pas des femmes de notre âge. Notre showrunneuse, Yvette Lee Bowser, avait créé Living Single (diffusée de 1993 à 1998 sur la Fox- Ndlr). C'était l'une des premières séries à intégrer ce que l'on retrouve aujourd'hui dans Run The World : des femmes noires complexes et pas simplement une représentation homogène d'une femme noire aux Etats-Unis.

Ces femmes sont déterminées, riches, belles : ne peuvent-elles pas être finalement un peu intimidantes ?

Amber Stevens West : Je ne pense pas qu'elles soient intimidantes. Elles sont "normales". Elles vont chercher ce qu'elles veulent dans leur vie et sans s'excuser, elles se soutiennent, elles vont chercher le meilleur pour elles-mêmes. Et les hommes qui les entourent tentent de s'élever pour devenir meilleurs et avoir une chance de les fréquenter. Donc j'espère les téléspectatrices ne nous trouveront pas intimidantes, mais plutôt inspirantes.

Corbin Reid : Oui, elles restent accessibles. On a cette image des femmes noires qui doivent toujours être fortes. Mais elles font aussi plein d'erreurs, c'est humain. On peut s'identifier à tout ce qu'elles traversent, leurs défauts, leurs erreurs, quelle que soit notre classe socio-économique.

La sexualité est montrée et discutée très librement dans la série. Une façon de briser le tabou et d'accompagner la révolution féministe ?

Corbin Reid : Oui, être libre avec sa sexualité et la revendiquer est quelque chose de très important pour une femme. Nous donnons trop souvent la propriété de notre sexualité aux hommes, en mode : "Mon corps t'appartient". Mais s'approprier sa propre sexualité est l'un de socles du féminisme.

Et ce que je trouve génial dans cette série, c'est qu'elle reflète aussi les humeurs qui traversent la sexualité et cela donne lieu à pas mal de situations comiques. Nous ne sommes pas dans un scénario parfait comme on en voit au cinéma : parfois, les choses déraillent, c'est drôle et on en rit. Il y a ces petits moments qui saisissent l'authenticité de la vie intime, et j'adore ça. Run The World est plutôt une comédie et on ne laisse pas l'humour au seuil de la chambre à coucher. C'est assez rare à la télé pour être souligné.

Affiche de la série "Run The World" © Starzplay
La série a été créée par des femmes. Qu'est-ce que cela change ?

Amber Stevens West : Sachant que cette série parle d'histoires de femmes, c'est formidable qu'elle ait été créée par des femmes. En termes de perspectives, c'est important. C'est également empouvoirant de voir toutes ces nanas qui chapeautent le show s'activer en coulisses.

Corbin Reid : Oui, c'est inestimable d'avoir des histoires de femmes noires écrites par des femmes noires et montrées du point de vue de femmes noires. C'est ce qui rend tout cela tellement authentique.

Ce type de projet est-il nécessaire pour booster la représentation féminine- qui plus est la représentation des femmes noires- face et derrière la caméra ?

Amber Stevens West : C'est essentiel. Il est temps que nous ayons plus de représentation dans tous les domaines de la société. Et c'est vraiment important à la télévision. Les personnes noires ont toujours été montrées d'une façon stéréotypée alors que nous sommes un ensemble infiniment multiculturel. Que ce soit derrière ou devant la caméra, Run The World montre cette diversité et c'est très rafraichissant.

Corbin Reid : Et si la série cartonne, d'autres chaînes suivront la dynamique et donneront peut-être les commandes des postes de pouvoir à des femmes noires derrière la caméra et pas simplement sur l'écran. On croise les doigts !

Run The World

Avec Amber Stevens, Andrea Bordeau, Bresha Webb, Corbin Reid...

A partir du 16 mai 2021 sur StarzPlay

Mots clés
series Culture diversité television News essentielles interview feminisme
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