"Sex and the City", incarnation du "féminisme blanc" ?

Publié le Vendredi 03 Mai 2019
Catherine Rochon
Par Catherine Rochon Rédactrice en chef
Rédactrice en chef de Terrafemina depuis fin 2014, Catherine Rochon scrute constructions et déconstructions d’un monde post-#MeToo et tend son dictaphone aux voix inspirantes d’une époque mouvante.
Sex and The City
Sex and The City
"Sex and the City" aurait-elle mal vieilli ? C'est l'avis de celle qui incarnait Miranda, Cynthia Nixon, qui pose un regard critique sur la série-culte, qu'elle perçoit comme l'incarnation d'un féminisme blanc et bourgeois.
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En 1998, une série diablement culottée pulvérisait le petit écran bien trop lisse. On y parlait "chatte", sex-toy, masturbation, toyboy sans rougir et avec drôlerie. Sex and The City a créé une petite révolution en donnant de la voix à ces nanas affranchies, sans tabous, sexuellement libérées, et a ouvert la voie pour des shows décomplexés comme Girls, Californication ou encore Sex Education. Mais 20 ans plus, les aventures de Carrie, Samantha, Charlotte et Miranda sont-elles aussi cool qu'elles l'étaient à l'époque ?


Pour Cynthia Nixon, aujourd'hui reconvertie dans la politique, le verdict est sévère. Oui, la série iconique se révèle problématique à bien des égards. Et serait probablement largement repimpée si elle était produite en 2019.


"Je pense clairement que nous ne serions pas toutes blanches", confie l'ex-interprète de l'avocate dure à cuire Miranda Hobbes à IndieWire. "Un truc très difficile pour moi- mais ça l'était déjà à l'époque- est de regarder en arrière et voir à quel point la série tournait autour de l'argent. Et Steve, qui était mon mari dans la série, était ce qui se rapprochait le plus des classes populaires. On s'en fichait d'avoir une femme d'un milieu populaire."


Touché. Et re-touché. Parce qu'entre leur job de journaliste, avocate, attachée de presse et marchande d'art, le nombre d'heures à siroter des cosmos mollement dans les bars branchouilles de Manhattan et à écumer les soirées VIP juchées sur des Manolo Blahnik, il est clair que les héroïnes friquées et (très blanches) de SATC n'avaient pas franchement de problèmes d'aggios.

Sex and The City
Sex and The City

Un féminisme trop étriqué

Cynthia Nixon poursuit son introspection : "Je pense aussi que nous ne ressemblerions pas toutes à ça. Vous savez, en terme de perfection, du fait d'être toujours incroyables. C'est aussi ce qui a contribué au fantasme et à l'importance de la série. Mais je pense qu'il y a beaucoup de façons dont les gens peuvent être visuellement percutants sans être 'parfaits'".


Si l'ancienne actrice ne nie pas l'impact que la série a eu, elle pointe ses failles et ses manquements sans langue de bois. Notamment en terme d'intersectionnalité et d'inclusivité. "Bien sûr que c'est une série féministe. Mais je pense qu'elle a beaucoup des défauts du mouvement féministe. Dans le sens où on y voit des femmes blanches, avec de l'argent, qui se battent pour leur propre empowerment. Un peu comme dans une bulle."

Cynthia Nixon n'est pas la seule à poser un regard critique sur la série iconique. Sarah Jessica Parker, la cultissime Carrie Bradshaw, a elle aussi (gentiment) égratigné le show. "Cette série ne pourrait pas être faite aujourd'hui à cause du manque de diversité à l'écran", avait-elle confié au Hollywood Reporter. "Ce serait certainement intéressant de voir quatre femmes très différentes faisant l'expérience de New York à leur façon. Ce serait intéressant et cela vaudrait la peine d'explorer cela, mais ce ne serait pas la même chose."


Un coup d'oeil dans le rétro nécessaire alors que de nombreuses voix s'élèvent à Hollywood pour appeler à des productions plus inclusives et qu'une "suite" de Sex and The City débarquera à l'été 2020. Avec un twist intrigant et très à propos.

Adaptée d'un roman de la créatrice de SATC, Candace Bushnell, Is There Still Sex in the City?, cette nouvelle série devrait poser un regard irrévérencieux sur la vie d'une bande de femmes dans la cinquantaine, navigant entre divorces, enfants, mariage et deuil. Une orientation alléchante qui pourrait nous changer du New York ripoliné et des papotages bling-bling pour mettre à l'honneur ces quinquas trop souvent invisibilisées. Yann Moix devrait apprécier.