En Arabie saoudite, cette application flique les déplacements des femmes

Publié le Lundi 04 Février 2019
Marguerite Nebelsztein
Par Marguerite Nebelsztein Journaliste
Hommes en Arabie saoudite
Hommes en Arabie saoudite
Une application existant depuis plusieurs années en Arabie saoudite permet d'épier chaque mouvement des femmes. A distance, leur tuteur décide et contrôle leurs mouvements.
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C'est le journal Business Insider qui a enquêté sur une application saoudienne en apparence banale. Appelée Absher ("Le prêcheur" en français), elle permet de réaliser un certain nombres de tâches administratives comme le paiement d'amende pour s'être mal garé.


Mais en plus, elle contient une fonctionnalité qui permet à l'utilisateur masculin de contrôler à distance les déplacements des femmes.


L'Arabie saoudite conserve, malgré toutes les pseudo annonces de libéralisation des droits des femmes, un système de gardiennage masculin sur les femmes qui sont considérés comme d'éternelles mineures.


Dans l'application, les femmes sont listées comme un troupeau : "Nombre total de personnes à charge à l'intérieur" ou "Nombre total de personnes à charge à l'extérieur" pour toutes celles qui étudieraient par exemple à l'étranger. La même catégorie est utilisée pour les femmes et pour les enfants.

Sur son site, le ministère de l'Intérieur saoudien, qui contrôle cette application, se vante d'avoir 11 millions d'utilisateurs.


Selon Business Insider, un millier de femmes tenteraient de quitter le pays chaque année. Pour y parvenir, elles doivent déjouer cette application, qui, si le gardien en fait la demande, envoie des SMS automatiquement à chaque fois qu'une femme sort ou entre dans le pays. Vol de portable, changement de mot de passe, autorisation entrée sur l'appli à l'insu du tuteur... Tous les moyens sont bons.


Si elle tente d'en sortir et que son gardien (qui peut être son père, son mari ou son frère) ne lui en a pas donné l'autorisation, la Saoudienne peut être bloquée à la frontière dès que son passeport passe à la douane.


En janvier dernier, une jeune Saoudienne de 18 ans, Rahaf al-Qunun, avait réussi à se soustraire à la vigilance de sa famille pour fuir jusqu'en Thaïlande. Sa famille était en vacances à l'étranger. Cloîtrée dans sa chambre d'hôtel, elle avait interpellé la communauté internationale sur Twitter, demandant l'asile politique, pour finalement se réfugier au Canada.


Ce n'est pas la première fois que la technologie en Arabie saoudite est au coeur de l'actualité. Le royaume avait fait savoir que, dans sa grande miséricorde, il allait prévenir par SMS les femmes que leur mari avait divorcé.
Comme le racontait la journaliste Clarence Rodriguez, "si vous n'avez pas la 4G, dommage pour vous !".


En Arabie saoudite, les femmes ne peuvent disposer de leur salaire, ne peuvent ouvrir de compte en banque seule, ne peuvent quitter le pays sans l'autorisation de leur gardien. Si depuis juin 2018, elles sont autorisée à conduire, seule une minorité y a accès.


A cela s'ajoute la détention en prison de militantes des droits des femmes depuis le printemps dernier. Un rapport d'Amnesty International de novembre fait état de torture, notamment à caractère sexuelle sur certaines d'entre elles.


Un rapport des député·es anglais·es sorti ce 4 février indique que les militantes ont été soumises à des traitements cruels et inhumains, notamment de la privation de sommeil, des brutalités, des menaces de mort et une mise à l'isolement.