Au Kenya, des femmes trans sont persécutées, battues, déshabillées de force, violées, alerte une enquête

Publié le Vendredi 09 Juin 2023
Clément Arbrun
Par Clément Arbrun Journaliste
Passionné par les sujets de société et la culture, Clément Arbrun est journaliste pour le site Terrafemina depuis 2019.
C'est une enquête du média LGBTQ "Pink News" qui tire la sonnette d'alarme : au Kenya, les femmes trans logeant dans des camps de réfugiés seraient persécutées, battues, déshabillées de force, victimes d'humiliations diverses.
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C'est une enquête accablante que vient de délivrer le média LGBTQ "Pink News" à propos du camp de réfugiés de Kakuma, au Kenya. Selon le média, qui a recueilli plusieurs témoignages, cet endroit serait largement hostile aux personnes transgenres. Elles s'y retrouveraient humiliées, violentées, menacées... Dans l'attente d'une demande d'asile qui ne se concrétise pas.

C'est ce que raconte Cyara Kaira, jeune femme trans qui a fui sa maison en Ouganda, dans l'espoir d'être (enfin) en sécurité ailleurs, après avoir été chassée par sa famille, emprisonnée et menacée de mort. Elle a fini par pénétrer au sein du camp de réfugiés de Kakuma en mai 2021. Mais ce ne fut pas plus beau. Elle décrit un environnement où ls personnes LGBTQ+ sont confrontées à la violence et à la persécution.

On la lit : "Les gens que je côtoyais croyaient qu'en tuant une personne LGBTQ ils iraient au paradis. Ils nous prenaient pour le diable !".

Agressions sexuelles, violences physiques et transphobie virulente

Le témoignage que délivre Cyara à Pink News est accablant : au sein du camp, des individus l'ont agressée, d'autres l'ont déshabillée de force "pour voir quels organes génitaux elle avait", elle s'est également vue menacée d'être battue à mort à coups de machettes, de pierres et de bâtons. Humiliations physiques et psychologiques participaient à une même transphobie, fondée sur la diabolisation et la haine des personnes trans.

"Moi et d'autres femmes sommes blessées. Nous avons été recousues plusieurs fois. Nous avons été battues. Nos maisons ont été incendiées. Je pensais que j'avais atterrie dans un endroit où je pouvais m'exprimer... Mais là bas, tout le monde veut te battre si tu mets une robe", relate encore cette survivante.

Comme l'indique Pink News, un récent rapport d'Amnesty International à découvrir ici a justement épinglé la banalisation affolante des crimes haineux au sein des camps de réfugiés, en recueillant le témoignage de 41 demandeurs d'asile et réfugiés LGBTQ+. Parmi ces voix, Esther, une lesbienne de 41 ans qui déclare avoir été violée deux fois dans le camp de Kakuma. Viols, menaces, intimidations diverses, destructions, sont relatées dans ce rapport qui interpelle directement le gouvernement kenyan.

Le directeur exécutif d'Amnesty International Kenya, Irungu Houghton, s'alarme à ce sujet : "Malgré une Constitution qui protège la vie et la dignité de tous, les demandeurs d'asile LGBTI souffrent de discrimination ainsi que d'attitudes homophobes et transphobes. Cela se traduit souvent par des retards dans le traitement de leurs demandes d'asile, du harcèlement, de violentes attaques, des menaces et des intimidations".

Actuellement, Cyara est bien vivante, mais accablée. Elle est en attente d'une réponse qu'elle espère favorable à sa demande d'asile. Elle défend plus que tout son "droit à la liberté". Et le rappelle aux médias à travers le monde : "Nous avons besoin de votre voix car nous sommes sans voix".