






Marie Trintignant a été assassinée par le chanteur Bertrand Cantat en 2003 dans une chambre d'hôtel de Vilnius. Elle est décédée des suites des nombreux coups qui lui ont été infligés. Une série documentaire de Netflix revient actuellement sur ce féminicide. Un terme qui il y a 22 ans n'était guère employé dans les médias.
A l'époque, on parle plus volontiers de crime passionnel. Et dans le cadre de cette affaire, et surtout de son traitement au tribunal, un homme va prendre une décision importante : le magistrat Philippe Laflaquière, alors juge d'application des peines. C'est Philippe Laflaquière qui va accorder la liberté conditionnelle de Bertrand Cantat en 2007.
Un choix qu'aujourd'hui, il regrette.
Sur le plateau de France 5, l'homme de loi revient sur la plus médiatisée affaire de sa carrière. Et déplore : "C'est vrai qu'avec le recul, je me dis que je me suis trompé, que l'on s'est trompé..."
"C'est vrai qu'avec le recul, je me dis que je me suis trompé, que l'on s'est trompé sur la perception de sa psychologie", détaille plus précisément le magistrat, près de 20 ans après sa décision judiciaire. "Comme tout le monde, l'impression était très favorable suite à ses années de prison. L'experte psychiatre a dépeint Bertrand Cantat comme immature affectivement, présentant une fragilité narcissique, une dépendance affective, mais sans trouble psychopathique"
"Je lui ai accordé huit permissions de sortir avant la conditionnelle, qui se sont toutes déroulées sans le moindre incident"
Mais un drame retentissant va plonger le juge d'application des peines dans une introspection douloureuse. A savoir, le suicide en 2010 de Krisztina Rády, la compagne de Bertrand Cantat et mère de ses enfants. Une enquête préliminaire pour "violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner" avait été ouverte en 2018 par le parquet de Bordeaux concernant la mort de Krisztina Rady.
"Krisztina venait très régulièrement le voir au parloir. Si elle avait fait le choix de déposer plainte en 2010, il serait probablement reparti en prison...", décrypte avec beaucoup d'émotion le magistrat. "Quand j'ai appris le suicide, j'ai été vraiment bouleversé. Il y a eu tout de suite des interrogations assez douloureuses. Si les faits avaient été dénoncés ou si Krisztina avait porté plainte, il est à peu près certain que la conditionnelle aurait été révoquée"
Dans une enquête du Point, un membre de Noir Désir témoigne : "Krisztina m'a demandé, à moi et à tous les autres membres du groupe, de cacher ce que l'on savait, que c'était un homme violent. Je savais qu'il avait frappé la femme avec qui il était avant Krisztina. Je savais qu'il avait tenté d'étrangler sa compagne, en 1989. Je savais qu'il avait frappé Krisztina. Mais, ce jour-là, nous avons tous décidé de mentir. Nous étions tous sous son emprise. Et nous pensions qu'il se soignerait"
L'Humanité aujourd'hui dépeint ainsi les événements : "Kristina Rady s’est suicidée, le 10 janvier 2010, après avoir passé des mois d’enfer à côté de Cantat, lancé des messages de détresse, à son amoureux, à ses parents. Mais elle n’a pas porté plainte, croyant ainsi protéger ses enfants. Aucune enquête n’est menée, malgré le pedigree de Cantat, et c’est même encore une fois le chanteur qui est plaint dans les journaux".
Plus globalement, le juge fustige la réception médiatique de "l'affaire Cantat".
Et l'euphémisation, au sein de l'industrie musicale par exemple, des violences subies par Marie Trintignant : "Avec toutes ces années de recul, on sait qu'elle était battue et violentée avant Vilnius. Tout le monde savait !"
Cependant, Bertrand Cantat a poursuivi ses performances sur scène.
Des artistes, comme le groupe de rock Shaka Ponk, ont pu l'accueillir, le temps d'un duo, et de concerts. En 2018 encore, Shaka Ponk affirmait son soutien à Bertrand Cantat :"Bertrand Cantat, nous, on l’accueille. On a fait un duo avec lui, car on a eu une rencontre artistique très forte. C'est un sujet absolument complexe. Bertrand Cantat a commis quelque chose de très grave et on peut tout à fait comprendre que cela puisse choquer des gens qu'il fasse des concerts"
C'est ce que clame le groupe dans une interview au Parisien.
"On comprend que les proches de Marie Trintignant ne puissent pas lui pardonner, que des gens n'aient pas envie de l'écouter. Mais on croit aussi que, comme n'importe quel prisonnier, il a le droit à la rédemption, le droit de reprendre sa place dans la société. Avant de faire ce duo, on a beaucoup échangé avec lui et il a une réelle douleur, un sincère regret, un sincère repentir !"