Elisabeth Borne attendait de "nouveaux éléments" contre Damien Abad : les voici

Publié le Mercredi 15 Juin 2022
Clément Arbrun
Par Clément Arbrun Journaliste
Passionné par les sujets de société et la culture, Clément Arbrun est journaliste pour le site Terrafemina depuis 2019.
Le ministre des Solidarités Damien Abad fait l'objet de nouvelles accusations de violences sexuelles. Une troisième femme témoigne auprès de Mediapart.
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Nommé ministre des Solidarités au sein du nouveau gouvernement en dépit d'un signalement pour des faits présumés de viols, l'élu Damien Abad fait l'objet d'accusations de violences sexuelles de la part de deux femmes, Chloé, 41 ans (qui indique notamment "avoir été droguée"), et Margaux, 35 ans, pour des faits présumés qui remonteraient à 2010 et 2011. Des témoignages recueillis par Mediapart en mai dernier.

Mais le site d'investigation vient également de recueillir un nouveau témoignage accablant, celui d'une élue centriste, Laëtitia. Celle-ci dénonce une tentative de viol qui aurait eu lieu en 2010.

"Aujourd'hui je ne peux plus me taire. Si je parle, c'est pour que ça s'arrête, qu'il ne puisse pas recommencer", affirme cette dernière à propos du nouveau ministre des Solidarités du gouvernement Borne. L'avocate de la plaignante dénonce quant à elle "des faits très graves".

Lors d'une soirée au premier semestre 2010, Damien Abad aurait invité l'élue centriste parmi un petit groupe à une fête à son domicile. "Le député aurait été 'surexcité' et 'dans un sentiment de toute-puissance', aurait été 'collant' et lui aurait 'offert un verre' au fond duquel elle dit avoir vu 'quelque chose'", rapporte le site d'investigation. Méfiante, Laetitia aurait recraché son contenu. Elle explique : "Je ne savais pas ce que c'était, j'étais méfiante étant donné son comportement passé, j'ai eu peur qu'il m'ait mis un truc pour m'embêter".

Lors de la même soirée, Laëtitia aurait subi une agression. Suite à sa sortie des toilettes, Damien Abad l'aurait poussée dans une pièce en face. "J'ai senti qu'un truc clochait. Mais à aucun moment je ne pouvais imaginer que le président de mon mouvement jeune puisse m'agresser. Il m'a dit 'Tu vas la sentir passer, elle est énorme', 'Vas-y, suce-moi'. On aurait cru qu'il était dans un film hard", témoigne-t-elle.

Avant de poursuivre auprès de Mediapart : "Son sexe n'était pas sorti, mais son pantalon était ouvert. Ma tête était coincée sous son bras et contre son torse, je ne pouvais pas me défaire, j'avais peur, j'étais sidérée. Je me suis débattue, je l'ai frappé dans le ventre".

"C'était effarant"

"Ensuite, c'était effarant, il venait de m'agresser et il s'est mis à chouiner, comme si c'était lui la victime. Tout en continuant de serrer ma tête, il répétait, en se balançant : 'Mais pourquoi tu veux pas coucher avec moi ? C'est parce que je suis handicapé ?' Mais handicapé ou pas, un homme qui m'agresse, je ne coucherais pas avec", achève Laetitia auprès de Médiapart. Un récit qu'elle aurait partagé à des élu·es ou cadres de son parti.

Entre autres récits. En 2009, Laetitia présidait la fédération des Jeunes Centristes dans son département, lorsque Damien Abad en était le président national. A Mediapart, elle évoque dans ce contexte des propositions de "visites nocturnes en tête-à-tête" (déclinées) et une insistance certaine de ce dernier, ainsi que des propos déplacés : "Très régulièrement, lorsqu'on se rencontrait lors de réunions, pour me dire bonjour il me faisait la bise, il avançait ses bras comme pour les poser sur mes épaules, puis les frottait, ainsi que ses mains, sur ma poitrine. Parfois il disait : "Je suis désolé, c'est parce que tu as des gros seins aussi, c'est compliqué", affirme-t-elle.

"Il faut permettre à la justice d'établir les faits"

Damien Abad n'a pas souhaité répondre aux questions de Mediapart à propos de ces nouvelles accusations. Le ministre a cependant dénoncé le "calendrier soigneusement choisi de ces publications" et la "partialité" de l'enquête de Mediapart, rapporte Le Monde. "Quant aux allégations rapportées, elles me révoltent et je les réfute catégoriquement", a ajouté Damien Abad.

Le ministre démentait déjà les deux premières accusations, évoquant "une tentative évidente de déstabilisation à un moment clé de [son] parcours politique", se disant "révolté par les accusations calomnieuses rapportées" et contestant "tout abus de [sa] position hiérarchique".

"Je peux vous assurer que s'il y a de nouveaux éléments, si la justice est à nouveau saisie, nous tirerons toutes les conséquences de cette décision. Sur tous ces sujets de harcèlement et d'agression sexuelle, il ne peut y avoir aucune impunité", avait déclaré la Première ministre Elisabeth Borne le 22 mai dernier suite aux premières révélations de Mediapart.

Pourtant, aujourd'hui, rapporte le site, la première Ministre n'a pas souhaité se prononcer sur les témoignages rapportés. Elle "invite ces femmes à porter plainte pour que la justice puisse faire son travail".

"En tant que Première ministre, je le dis aussi en tant que femme, il faut permettre à la justice d'établir les faits. Il ne faut pas hésiter à aller porter plainte", a-t-elle déclaré ce mercredi 15 juin lors d'un déplacement à Villers-Bocage, dans la 6e circonscription du Calvados. "Je ne suis pas un juge et les enquêtes ne se font pas avec des témoignages anonymes. Tout est fait pour (...) accueillir au mieux les femmes pour qu'elles puissent déposer plainte et que la justice puisse établir des faits."