Pourquoi une dick pic non-sollicitée est clairement synonyme d'horreur

Publié le Jeudi 04 Avril 2019
Pauline Machado
Par Pauline Machado Journaliste
Pauline s’empare aussi bien de sujets lifestyle, sexo et société, qu’elle remanie et décrypte avec un angle féministe, y injectant le savoir d’expert·e·s et le témoignage de voix concernées. Elle écrit depuis bientôt trois ans pour Terrafemina.
Pourquoi dick pic non-sollicitée est clairement synonyme d'horreur
Pourquoi dick pic non-sollicitée est clairement synonyme d'horreur
70 % des jeunes femmes auraient déjà reçu une dick pic, une photo de pénis en érection, non sollicitée. Si l'incompréhension et le dégoût profond se partagent la première marche du podium des réactions face à ce phénomène inquiétant, on se demande aussi ce qui pousserait ces messsieurs à agir de la sorte.
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Un récent sondage le révèle : 70 % des femmes avaient déjà reçu des dick pic non-sollicitées. Dick pic, ça veut dire "photo de bite", littéralement. Ou de pénis en érection pour être plus correcte - et précise. Sauf que voilà, rien n'est correct dans le principe. Et pour mettre les mots exacts dessus, il s'agit en réalité d'une agression sexuelle.

Petite mise en abîme pour les chanceuses qui sont passées à côté du phénomène : imaginez-vous sur une appli de rencontre chez vous, chez des potes, chez vos parents. Vous discutez avec un inconnu et puis d'un coup d'un seul, sans crier gare ou presque - le "non merci" clair et net n'a pas l'air de faire son effet -, Gérard122 vous honore de sa superbe. Il vous envoie une photo de son sexe qui bande. Un gros gland tout luisant qui pointe le bout de son nez comme s'il était le bienvenu, et surtout comme si vous n'attendiez que ça chez un homme, alors que vous aviez simplement osé demander quels étaient les hobby de son propriétaire.

Il faut croire que l'autoportrait en fait partie.

Autre scénario, sur Instagram cette fois. Je me rappelle d'une amie qui a reçu en une semaine deux demandes de messages qu'elle a ouverts naïvement (j'aurais fait de même) pour se retrouver face à face avec un chibre. Ni bonjour, ni merci. Et encore moins au revoir.

Masculinité clairement toxique

Pour ma part, les seuls exemplaires que j'ai réceptionnés étaient effectivement sollicités, dieu merci. Mais vu la popularité de la démarche, je me suis demandée ce qui motivait les hommes à se foutre à poil pour montrer ce qu'ils considèrent être la preuve ultime de leur virilité à des personnes qui, clairement, n'ont rien demandé, ou fait savoir qu'elles n'en avaient aucunement envie.

Pour Janine Mossuz-Lavau, sociologue spécialisée dans les questions de sexualité interrogée par 20 Minutes, s'il peut s'agir de troubles du comportement liés à un passé traumatique, la démonstration de masculinité mal placée reste cependant en lice des raisons principales de l'acte : "(...) D'une manière générale, un homme qui montre son pénis à des étrangers veut surtout être rassuré sur sa masculinité. Il souhaite montrer que son corps est excitant", assure-t-elle. "Ce sont des individus qui se croient tout permis. La dick pic, c'est la manifestation d'une certaine forme de narcissisme".

Une certaine forme de narcissisme qui se fout complètement du consentement, partant du principe que 1. On devrait s'estimer heureuse d'avoir un aperçu de la marchandise ou que 2. Notre avis et nos envies n'ont de toutes façons pas de poids dans l'équation. Sois belle, admire et tais-toi. Et si tu pouvais la complimenter, ce serait encore mieux.

Justice et revanche

Pour lutter contre ces attaques trop communes, la communauté de Twitter a décidé d'agir. Puisque le réseau social ne modère aucun contenu pornographique, les destinataires malgré elles ont eu l'idée de renverser la situation, en partageant les clichés qu'elles reçoivent et le pseudo de leurs expéditeurs. A l'image de Camille Cerf, qui en a fait les frais plus d'une fois, comme un bon nombre de femmes avant et après elle.

Le tout nouveau compte derrière ce concept : Balance Ta Dick Pic, qui reprend l'appellation du mouvement Balance Ton Porc, sous lequel des milliers d'internautes ont confessé leurs agressions et situations de harcèlement sexuels. "Parce que les hommes outrepassent notre consentement. Parce que ces agissements ne peuvent continuer en toute impunité. Parce que la honte doit changer de camp", peut-on lire en bio de la page.

S'en suivent des tweets de femmes qui envoient des captures d'écran des "conversations" qui tournent à la dick pic, que la personne derrière le compte camoufle à l'aide d'autocollants crocodile (ça nous rappelle la BD), cornichons ou baguettes de pain : "Les victimes de la pratique que nous dénonçons nous transmettent justement leur témoignage parce qu'elles en ont assez de recevoir ce genre d'images. Il serait malvenu de les leur mettre sous le nez. Le but de notre compte est avant tout préventif", explique-t-elle.

Un exhibitionnisme 2.0, qui ne reprend pas tout à fait les codes du comportement plus ancien puisque sur Internet, personne ne peut voir à qui l'on a affaire. On se cache (parfois) derrière un pseudo, on montre rarement son visage, et on assouvit sa soif de nudité bien tranquille derrière un écran. L'effet de surprise et le goût de l'interdit quant à eux, sont toujours présents.

Au-delà de passer pour un sombre abruti, ces actes de harcèlement sexuel traumatisent leurs destinatrices, qui n'ont pas toujours la distance, l'âge, ni les armes pour réagir. Et qui même si elles en étaient équipées, ne devraient en aucun cas en être victimes. La loi, elle, ne fait pas de différence entre l'exhibitionnisme public et privé, auquel appartiendrait la dick pic. L'article 232-22 du code pénal condamne d'ailleurs à un an d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende, "à nuancer selon que vous tombez dans le harcèlement ou que la personne receveuse est mineure", comme l'explique Le Monde.

Et puis si l'envie d'avoir le dernier mot vous prend, cette solution pourrait potentiellement fonctionner.

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