Une ode au viol dans une école d'ingénieurs à Caen suscite la consternation

Publié le Mardi 16 Octobre 2018
Marguerite Nebelsztein
Par Marguerite Nebelsztein Journaliste
Salle de classe
Salle de classe
Le texte d'une chanson distribué à des élèves d'une école d'ingénieur·es de Caen en septembre a ressurgi sur Instagram. Les paroles qui appellent au viol et à la pédophilie ont été vivement dénoncées.
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La tradition a bon dos, tout comme l'humour, quand il s'agit d'affirmer le pouvoir d'une classe sur une autre. En l'occurrence ici, il s'agit d'étudiants en école d'ingénieur·es à Caen.

Le 12 octobre a resurgi sur le compte Instagram "T'as joui ?", créé par la journaliste Dora Moutot, le texte d'une chanson dite "paillarde" distribué à des élèves de l'ENSICAEN début septembre. La légende de la publication de "T'as joui?" précise que ce sont des étudiantes brésiliennes en échange dans l'école qui ont alerté la direction de l'existence de cet "hymne" odieux.

Dans ces paroles qui nagent en pleine culture du viol, on peut par exemple lire : "Passe ta main sur mon frein. Si tu résistes je te fist. [...] La sodomie, ça rend jolie. Bois d'l'alcool pour j'te viole. J'te défonce pendant qu'tu pionces. C'est l'matin t'as plus d'vagin. Ouvre ta bouche pour la s'conde couche."

Certaines paroles sont à caractère pédophile : "À trois ans, ça dit pas nan. A quatre ans c'est consentant. Quand c'est vieux ça croûte un peu. Baisse ta culotte, c'est moi qui pilote."

La journaliste Dora Moutot s'interroge : "Combien reste-t-il encore de textes et chansons de ce type qui circulent dans les écoles d'ingénieurs, de médecine, de commerce en France ?".

Éclaboussée par le scandale, l'ENSICAEN a publié le 13 octobre une réponse sur son compte Twitter pour tenter d'éteindre la polémique. L'école "réaffirme sa position contre tout propos à caractère sexiste ou dégradant". La direction de l'établissement affirme avoir été mise au courant de la diffusion de ces paroles "pouvant porter atteinte à la dignité des personnes" le 6 septembre par des étudiant·es étranger·ères, qui ont ont été reçues le soir même par la direction.

A la suite de cette entretien, une "convocation officielle a été adressée aux responsables du Bureau des élèves, à l'initiative du bréviaire".

Ces derniers ont été entendu le 10 septembre et des mesures ont été prises par la Direction comme "l'interdiction formelle de diffuser des textes pouvant porter atteinte à la dignité et au respect des personnes sous peine de sanctions disciplinaires" et l'envoi d'excuses à l'ensemble des étudiant·es et des enseignant·es.



Dans un communiqué sur Facebook, le Bureau des élèves de l'école a tenu à répondre : "La distribution de ce carnet se produit chaque année depuis de nombreuses promotions. Cette année, des élèves se sont plaint du caractère choquant et de l'image dégradante de la femme véhiculée par ces chants. À raison."

Le BDE poursuit ses excuses : "Ces événements ont été pour nous l'occasion d'une prise de conscience. Non, ces paroles ne sont pas anodines, elles font l'apologie du viol et tombent sous le coup de la loi. [...] Nous voulons vous assurer une chose importante : ces chants sont le reliquat indésirable d'une tradition arriérée, en aucun cas le reflet de la vie étudiante et de l'ambiance à l'ENSICAEN."

Cité par Tendance Ouest, le directeur de l'école, Jean-François Hamet, explique l'absence de sanctions qui ont suivi la découverte des paroles : "Nous ne sommes pas sûrs que ça aurait eu un véritable effet, nous préférons opérer un changement de mentalité".

Sur Twitter, la porte-parole d'Osez le féminisme, Raphaëlle Remy Leleu, a déclaré : "Plutôt que de rappeler la 'gravité des sanctions encourues', est-ce que les établissements vont enfin se décider à punir ces apologies du viol, et à poursuivre au pénal ?!"

Ce n'est pas la première fois qu'une école est mise en cause pour son sexisme ambiant cette année. Des étudiants de l'EM Lyon, une école de gestion, avaient été pointés du doigt pour avoir ouvert une page Facebook notant le physique des étudiantes, accompagné de propos à caractère injurieux et dévoilant leur coordonnées personnelles en incitant au harcèlement.