Ce graphiste a créé une typographie inclusive (et c'est canon)

Publié le Lundi 26 Octobre 2020
Clément Arbrun
Par Clément Arbrun Journaliste
Passionné par les sujets de société et la culture, Clément Arbrun est journaliste pour le site Terrafemina depuis 2019.
Une typographie qui fait bouger les lignes.
Une typographie qui fait bouger les lignes.
Voilà qui risque de déplaire aux plus réacs : un jeune graphiste Genevois vient de créer une typographie inclusive exceptionnelle, aussi esthétique qu'astucieuse. Une trouvaille qui enrichit nos bien connus caractères d'une inspirante intention fémininste.
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"Insérons ensemble ces signes dans d'autre polices !". Le mot d'ordre est lancé. Sur son compte Instagram, l'étudiant diplômé en graphisme et en design Tristan Bartolini s'est permis de partager son travail de recherche, lequel a déjà suscité une belle médiatisation. Auréolée des mots clés #inclusive, #inclusifve et #nonbinary ("non-binaire"), sa publication nous dévoile l'intention du graphiste genevois : proposer une typographie totalement adaptée à l'écriture épicène. Ou, comme on aime davantage à l'appeler, l'écriture inclusive.

Qu'en résulte-t-il ? Une police de style élégante, dont les ligatures croisées sont censées concilier terminaisons féminines et masculines, en lieu et place du point médian. L'ensemble est assez fascinant à regarder, et il plaît beaucoup. La preuve ? Avec son audacieux projet "L'inclusif-ve", le chercheur en art et design a déjà remporté le Prix Art Humanité 2020 de la Croix-Rouge. Et sur les réseaux sociaux, les bravos pleuvent.

"Juste merci. C'est poétique, tu montres que l'écriture inclusive peut être belle là où tous les dictateurs de la langue française assènent encore et encore que l'on détruit la langue [en employant l'épicène]. Et la, tu la fait évoluer ! MERCI", s'enthousiasme à ce titre une internaute. Une autre, tout aussi enjouée, voit là une alternative bienvenue pour son enfant "dyslexique et dyspraxique". Au creux de la typo, un vrai discours.

Une langue qui se développe

"Je cherchais un thème d'étude au service d'une cause, en accord avec mes engagements et convictions. Il y avait beaucoup de débats autour de l'écriture épicène [quand j'ai lancé mon projet]. Elle devenait de plus en plus fréquente dans les documents administratifs, les publicités. Je me suis dit que ce n'était pas qu'une affaire de linguistes, que l'on pouvait amener des solutions graphiques", explique le créateur à la Tribune de Genêve.

Astucieux, Tristan Bartolini rétorque aux débats sans fin et volontiers épuisants sur l'écriture inclusive par une typo qu'il désire tout à fait limpide et visible, constituée de caractères "pratiques et faciles d'utilisation". Avec "L'inclusif-ve", les lettres qui nous sont si familières, comme le "a" et le "e", entrent en osmose pour n'en former qu'une.

Une fusion qui semble mélanger plusieurs langues en un tout. Des caractères qui permettent cette inclusion graphique, Tristan Bartolini en a inventé pas moins de quarante pour son projet. "Cette police épicène est magnifique", témoigne une internaute, qui voit là de "l'artctivisme" : la rencontre entre l'art et l'activisme.

Un "artctivisme" qui ne date pas d'hier. Graphiste et chercheuse bruxelloise, Loraine Furter a déjà largement réfléchi à cette idée de typographie épicène. Au gré de ses travaux et publications, elle réunit les créations de toutes celles qui cherchent à enrichir notre langue d'une perspective féministe. Des typos "badass" (selon ses propres mots) et inspirées par diverses langues, qui pourraient bien révolutionner la nôtre - de langue.

De même, pour Tristan Bartolini, cette typographie innovante ne pourra qu'inspirer les futurs créatrices et créateurs qui investissent et bouleversent le langage. "J'aimerais que ce projet ne soit qu'un début. Ce système de caractères peut s'adapter à d'autres polices d'écriture. J'ai simplement créé un outil de communication. D'autres pourraient l'utiliser pour faire passer un message", explique-t-il au journal genevois. On attend déjà la suite.