Cette procédure vise à améliorer la prise en charge des enfants suite à un féminicide

Publié le Mercredi 26 Mai 2021
Pauline Machado
Par Pauline Machado Journaliste
Pauline s’empare aussi bien de sujets lifestyle, sexo et société, qu’elle remanie et décrypte avec un angle féministe, y injectant le savoir d’expert·e·s et le témoignage de voix concernées. Elle écrit depuis bientôt trois ans pour Terrafemina.
A Lyon, un protocole pour une meilleure prise en charge des enfants suite à un féminicide
A Lyon, un protocole pour une meilleure prise en charge des enfants suite à un féminicide
Depuis fin avril, le département du Rhône a mis en place un protocole qui permet de s'occuper immédiatement des enfants d'une femme assassinée par son (ex-)partenaire.
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Depuis le début de l'année, le collectif Féminicide par compagnons ou ex a enregistré 43 meurtres de femmes par leur partenaire. Chahinez, mère de trois enfants, a été brûlée vive en pleine rue par son ex-mari après qu'il lui ait tiré dessus, le 4 mai. Elle avait porté plainte.

Stéphanie, 22 ans, a été poignardée cinq fois devant son domicile par son conjoint, à Hayange (Moselle), dans la nuit du 23 au 24 mai. Des coups qui s'avéreront fatals. Elle aussi, s'était rendue au poste pour dénoncer les violences verbales et menaces de mort dont elle faisait l'objet, en novembre dernier. Elle aussi, laisse derrière elle une fille, âgée de 3 ans et demi, qui aurait assisté à sa mort depuis la fenêtre du premier étage.

Au-delà d'un manque flagrant de prise en charge des victimes qui tentent de saisir et trouver refuge auprès des institutions judiciaires, c'est aussi celle de leurs enfants, présents sur les lieux du crime, qui devient particulièrement urgente. "Quand un enfant voit sa mère être tuée sous ses yeux, il est blessé, mais ça ne se voit pas. On le considérait jusqu'ici comme un témoin, mais c'est aussi une victime", argumente Sylvie Moisson, procureure générale de la Cour d'appel de Lyon, au Parisien.

Dans le département du Rhône, un protocole vient d'être signé entre douze acteurs institutionnels à l'initiative de la magistrate, pour justement remédier à cette situation terrible.

"On fait comme si de rien n'était"

La procédure, jusque-là uniquement appliquée par le parquet de Bobigny (Seine-Saint-Denis), depuis 2008, consiste à ce que les petit·e·s soient hospitalisé·e·s durant 72 heures reconductibles après le meurtre, afin de faire l'objet d'une évaluation psychologique. Un "espace de protection" qui, explique le journal, "permet également à l'Aide sociale à l'enfance (ASE) d'évaluer l'entourage, afin de déterminer quel proche est le plus à même d'accueillir les mineurs par la suite."

Pour Nathalie Prieto, psychiatre responsable de la cellule d'urgence médico-psychologique d'Auvergne-Rhône-Alpes, il était temps. "J'ai toujours été marquée par le fait que sur les scènes de crime, on ne savait pas quoi faire des enfants", confie-t-elle au Parisien. "On attendait la grand-mère, la tante, sans être sûr que ces gens étaient en capacité de s'occuper d'eux. Alors que cette mère ou cette soeur se retrouvait déjà avec un deuil à gérer." Et d'ajouter : "La situation peut être encore plus compliquée quand l'enfant est confié à ses grands-parents paternels."

L'experte déplore également : "Lors de la perte d'un parent, certains proches disent à l'enfant que sa mère est au ciel. On fait comme si de rien n'était. L'enfant reste dans une atmosphère chargée, sans mot. La situation est délétère. Or, ce sas créé par ce dispositif lui fait comprendre qu'il a perdu sa mère." Et permet ainsi par la suite d'adresser les traumatismes trop souvent tus et ignorés.

En attendant qu'il soit généralisé à l'ensemble du territoire et qu'enfin, davantage de solutions gouvernementales et judiciaires soient mises en place pour éviter ces drames à la source.