Anne-Laure Troublé : Je suis surprise par le taux d’équipement des parents, une tablette numérique représente quand même un certain coût. Cela prouve que cette tendance évolue très vite, ce qu’illustre également le pourcentage d’utilisation des enfants : ils sont plus nombreux à jouer avec une tablette qu’avec un ordinateur ou même un iPhone ! Une chose est certaine, il y a une vraie demande de la part des petits pour les tablettes, qui sont vraiment adaptées pour eux et faciles à manipuler : une récente étude réalisée par Nielsen montrait ainsi qu’un enfant américain sur deux âgé de 6 à 12 ans souhaitait recevoir un iPad pour Noël. Et d’ailleurs les marques l’ont bien compris et se sont vite engouffrées sur le marché : au dernier salon Jeux et Jouets, pas une seule enseigne n’avait oublié de lancer sa propre tablette pour enfant, moins fragile et moins chère qu’un iPad. Ce sera assurément l’un des hits de Noël cette année.
A.-L. T. : Je ne me dirige pas sur les applications qui font un carton, mais guide mes choix en fonction du contenu, de la créativité… Si je laissais mes enfants choisir, mon fils se dirigerait sans hésitation vers les jeux de guerre et ma fille vers les jeux Hello Kitty. C’est normal, c’est la facilité, ce sont des univers plus parlants pour eux. Mais comme devant un programme télé, c’est le rôle du parent de choisir pour ses enfants et de les diriger vers des contenus plus adaptés et intéressants pour eux.
A-L T. : En tant que maman, j’étais d’abord méfiante vis-à-vis de l’iPad et de l’utilisation que pourraient en faire mes enfants de 3 et 6 ans. Mais je me suis laissée convaincre par ce support plus interactif que la télévision, intuitif, permettant de proposer aux petits des applications pédagogiques de qualité et de les initier au monde numérique. J’ai d’ailleurs été impressionnée de voir à quel point les enfants apprenaient vite à maîtriser cet outil, qui présente l’avantage de ne pas imposer la barrière du langage et de l’utilisation de la souris. La tablette est à la fois séduisante pour les enfants et les parents. Mais le souci est que ces derniers croient que l’iPad va rendre leurs enfants plus intelligents, plus vite, qu’ils apprendront mieux et plus rapidement. Or ce n’est pas si simple : avant d’en arriver là, il y a beaucoup d’autres moyens d’aider nos enfants à se développer que de les mettre devant un écran. De plus, comme avec la télévision, l’enfant se coupe de ce qui l’entoure, se met dans un univers à part, autonome. C’est sûr, on est tranquille, on ne l’entend plus ! Mais il n’interagit plus avec ses frères et sœurs ou ses parents, sans pour autant se concentrer vraiment sur une activité en particulier : souvent, l’enfant va zapper entre plusieurs applications, attiré vers des univers différents à chaque fois.
A-L T. : Comme pour tout, il faut tâcher d’être un parent responsable et se poser la bonne question : qu’est-ce que je cherche en mettant un iPad dans les mains de mon enfant ? Est-ce que je cherche à le séduire, à lui faire plaisir ? Est-ce que je cherche à m’octroyer une plage de tranquillité pendant qu’il est occupé sur son écran ? Pour moi, ce ne sont pas de bonnes motivations. En revanche, si je cherche à occuper les temps de transport ou d’attentes pénibles pour les enfants, chez le médecin par exemple, alors c’est une alternative intéressante pour les occuper. Mais la tablette doit rester un jouet parmi d’autres, pas un outil qui remplace toutes les autres activités. La clef est donc de se poser la bonne question, à savoir laisse-t-on son enfant utiliser une tablette pour son propre bénéfice ou pour le sien ?
A-L T. : Je pense qu’elle peut en effet adopter ce rôle, mais ce n’est pas une chose positive pour moi. Si le quotidien n’est plus partagé et passe par une tablette numérique, cela signifie encore moins de communication dans la famille à mon sens. On crée certes des échanges, mais ils sont développés sans grande profondeur. Je pense que le contact humain, le partage, sont toujours mieux qu’un ordinateur ou une tablette, surtout pour les enfants en bas âge. Il ne faut pas oublier qu’il y a des étapes importantes dans l’évolution de l’enfant qui nécessitent le contact humain et l’échange. Les parents voient dans la tablette une opportunité de sensibiliser leurs enfants au numérique très jeunes. Mais je pense que les enfants auront largement le temps de s’y mettre, et plus d’une sollicitation pour le faire. Il ne faut pas se stresser pour les intégrer à cet univers numérique, cela viendra bien assez vite !
* L’institut CSA a réalisé pour Orange et Terrafemina la 13ème vague d’un baromètre portant sur les pratiques des Français sur Internet. Cette vague s’est intéressée plus précisément aux pratiques numériques des jeunes enfants. 501 parents d’enfants de moins de 12 ans ont été interrogés en ligne du 10 au 12 septembre 2012. L’échantillon a été constitué selon la méthode des quotas appliquée aux variables suivantes : sexe, âge et catégorie socioprofessionnelle après stratification géographique par région de résidence.