L'algorithme grossophobe d'Instagram censure la photo de la comédienne Celeste Barber

Publié le Jeudi 22 Octobre 2020
Pauline Machado
Par Pauline Machado Journaliste
Pauline s’empare aussi bien de sujets lifestyle, sexo et société, qu’elle remanie et décrypte avec un angle féministe, y injectant le savoir d’expert·e·s et le témoignage de voix concernées. Elle écrit depuis bientôt trois ans pour Terrafemina.
L'algorithme grossophobe d'Instagram censure la photo de la comédienne Celeste Barber
L'algorithme grossophobe d'Instagram censure la photo de la comédienne Celeste Barber
Instagram agit une nouvelle fois selon des double standards grossophobes, en censurant la publication de la comédienne Celeste Barber, connue pour ses interprétations parodiques de clichés de mannequins.
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Il n'y a pas de doute : l'algorithme d'Instagram est discriminant. Si le réseau social a déjà dans son viseur le corps des femmes en général (les photos de tétons et de seins féminins, même pendant l'allaitement, sont fréquemment supprimés et jugé "contraires au règlement" quand les torses d'hommes ne sont pas inquiétés), il est particulièrement agressif avec celui des femmes grosses. Car en plus d'être sexiste, la plateforme fonctionne selon des double standards réducteurs qui prônent des normes de beauté toujours plus nocives.

Dernière en date à en faire les frais : Celeste Barber. La comédienne australienne aux 7,4 millions d'abonné·e·s fait le bonheur de sa communauté depuis quelques années maintenant, en parodiant des photos de mannequins qu'elle adapte à la vie quotidienne. Des montages hilarants, des vidéos mordantes, que les modèles elles-mêmes aiment à commenter.

Vendredi 16 octobre, elle a frappé une nouvelle fois en posant uniquement vêtue d'un string beige et d'une veste assortie, assise sur un tabouret, la tête en arrière et la main sur sa poitrine. Ce jour-là, elle imitait la top Candice Swanepoel, et légendait : "Quand tu viens de t'asseoir et que tes gosses te demandent à boire".

"Revoyez vos normes de beauté culpabilisantes"

Une publication que beaucoup ont souhaité partager, jusqu'à ce qu'ils·elles se rendent compte que la manipulation était impossible - et pas à cause des paramètres de la créatrice de la page. Certain·e·s recevant même une notification de la part d'Instagram qui justifie sa censure en précisant que l'image "ne respectait pas les conditions d'utilisation de l'application en matière de nudité", rapporte le HuffPost. La photo originale, postée sur le compte de Candice Swanepoel, ne reçoit pas le même traitement. Pourtant, les deux sont à égalité en termes de nudité - à la seule différence que Celeste porte un sous-vêtement.

Quand elle découvre l'injustice, la comédienne s'indigne. "Revoyez vos normes de beauté culpabilisantes, les gars", lance-t-elle dans une story à l'adresse du réseau social. "On est en 2020, faut se ressaisir." D'après les dires d'un responsable interrogé par un média australien, Instagram serait justement en train de pencher sur une façon de régler le fléau, en actualisant "très prochainement (sa) politique en matière de nudité, afin de permettre à toutes les morphologies d'être traitées équitablement". Aujourd'hui, il est d'ailleurs possible de partager le montage.

Dans une interview pour le magazine Fast Company repérée par Numérama, une équipe de modération en révélait davantage sur la façon dont était déterminé si un contenu est à "caractère sexuel". Et cela passerait par l'intelligence artificielle. "On peut dire que le machine learning identifie un 'pourcentage' de peau, bien que la réalité soit un peu plus nuancée et compliquée". Comprendre que la censure s'applique davantage aux femmes grosses pour la simple raison qu'elles ont plus de peau que les femmes minces. Seulement ce biais était déjà dénoncé depuis 2018, rappelle le média français, et ses conséquences se font encore terriblement ressentir aujourd'hui.

Celeste Barber ne s'est pas laissé démonter pour autant. Le 18 octobre, elle a publié un nouveau montage où elle apparaît nue et juxtaposée à un portrait de Bella Hadid. Cette fois, l'Australienne commente : "Oh salut, je suis juste là pour vérifier vos doubles standards". Pour l'instant, pas de censure à déplorer.