Derrière ses vidéos LOL, ce youtubeur glorifie le tourisme sexuel

Publié le Mardi 04 Septembre 2018
Marguerite Nebelsztein
Par Marguerite Nebelsztein Journaliste
Nicholas Coakley en Corée du Sud
Nicholas Coakley en Corée du Sud
Un Youtubeur, Nicholas Coakley, parcourt l'Asie armé de caméras (cachées ou non) pour draguer et harceler les femmes dans la rue. Il se vante de ses conquêtes sur Youtube. Un orientalisme raciste et misogyne.
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Vous imaginez ce qu'est une raclure de bidet ? Non ? Et bien, nous allons vous en donner la définition tout de suite. Un youtubeur expatrié en Asie, Nicholas Coakley, parcourt le continent pour draguer et coucher avec le plus de femmes asiatiques possible. Il poste ensuite les vidéos, souvent sans le consentement des femmes filmées, sur ses deux chaînes Youtube, Explorer Nick et Explorer Nick Uncut.

À chaque "destination", l'homme crée un site internet dédié, comme à Hong Kong, où le site s'appelait HongKongGirlsEasy.com, que l'on peut traduire par "Les filles faciles de Hong Kong". On trouve aussi TawainGirlsEasy.com ou KoreanGirlsEasy.com. On peut y retrouver des dessins sans équivoque et des vidéos de ses victimes prises dans ses chambres d'hôtel.

Dans la plupart de ses vidéos, la "technique de chasse" semble la même : aborder des femmes jeunes en leur demandant : "Est-ce que tu veux être ma petite copine" ou "Je trouve que tu es très jolie". Puis les harceler pour qu'elles finissent par lui donner leur contact.

Repéré à Taiwan en juin dernier, il est accusé par une femme de l'avoir attirée dans sa chambre d'hôtel pour lui demander de réparer sa climatisation. Alors qu'elle le suit dans la chambre pour voir le problème, il tente des avances sexuelles, elle le repousse et prétend avoir un ami à voir. Accusé de toutes parts, il a ensuite supprimé ses vidéos taïwanaises et publié une vidéo d'excuses bidons. Deux jours plus tard, ses vidéos étaient repostées sur la plateforme Youtube. En juillet, il était à Hong Kong où les mêmes scènes se sont répétées.


L'homme a été vu en Corée du Sud ces derniers jours et des sites tentent d'alerter les femmes qui pourraient être ses victimes. Dans l'une des vidéos, il aborde une jeune femme en lui disant : "C'est bon, je suis blanc. Tu vois, j'ai la peau blanche ?"

Des vidéos à la limite du supportable

Alors qu'il était étudiant en Grande-Bretagne, Nicholas Coakley racontait au quotidien hongkongais South China Morning Post : "Je suis sortie avec plusieurs Anglaises, mais j'ai réalisé qu'elles ne m'attiraient pas autant que les Japonaises". Bilan aujourd'hui : il habite au Japon et travaille dans le marketing en tant que freelance, mais explique que ses vidéos Youtube sont en train de devenir sa principale source de revenus.

Des vidéos qui peuvent lui apporter des ennuis, preuve qu'elles ne sont pas si anodines que cela. En mai, il avait essayé d'approcher Sky Paotadaeng, une pharmacienne qui faisait des courses dans l'aéroport de Bangkok en Thaïlande. Elle finira par le dénoncer à la police pour l'avoir filmée et avoir posté sa vidéo sur Youtube sans son consentement, ce qui vaudra au blogueur des menaces de poursuites.


Il se définit lui-même comme "pick-up artist", terme inacceptable. Cerise sur le gâteau : Nicholas Coakley est l'ami d'un autre champion en la matière, David Campbell, plus connu sous le nom de David Bond. Alors, non, Nicholas Coakley, pas plus que David Bond, ne sont des dragueurs, mais des touristes sexuels et des racistes. Point barre.

Le racisme de Nicholas Coakley
Le racisme de Nicholas Coakley

Un tourisme sexuel caché derrière du LOL


Il y a malheureusement encore un fantasme qui plane autour de la femme asiatique, que certains croient plus "docile" que les occidentales. Ce qui est corroboré par la popularité de rubriques de tube de vidéos porno comme "filles asiatiques". Le tout est teinté d'orientalisme conquérant et colonisateur. Bref, du racisme.

Le journal hongkongais South China Morning Post qui a pu l'interroger par Skype décrit sa tenue pendant l'entretien : une casquette "Make America Great Again" de Donald Trump. La journaliste explique que l'interview a dû être une première fois reporté suite à un message de Coakley : "Désolé, j'ai rencontré une fille hier soir, je suis un peu occupé... peut-être qu'on va devoir reporter" avec en pièce jointe la photo d'une femme aux cheveux noirs seulement vêtue d'un string.

Dans ces confidences, il assure qu'il ne force aucune des femmes dans ses vidéos et qu'il n'essaie pas de les humilier. S'il couche avec elles, c'est l'acte de "deux adultes consentants". Le consentement, justement, parlons-en. Filmer des femmes au hasard dans la rue sans leur demander et surtout leur expliquer le but de leur vidéo est un déni clair de consentement.


En Chine, il peut exister un sentiment anti-étranger dû à l'histoire du pays, dépecé au XIXe siècle par les puissances occidentales et le Japon. Sauf que le youtubeur à la petite semaine s'appuie sur cela pour se défendre des commentaires négatifs qu'il peut recevoir. Il parle de "xénophobie" et de "mecs asiatiques jaloux".

Il se défend auprès du South China Morning Post de penser que les femmes sont faciles, affirmant donner aux gens "ce qu'ils ont envie d'entendre". Portant, ses vidéos et les titres de ses sites font croire à la disponibilité des femmes asiatiques. Nous sommes en pleine définition de ce qu'est la culture du viol.

Et le bon vieil argument "ça pourrait être ta soeur ou ta mère" n'a que peu d'influence sur lui. Ses parents l'ont qualifié de misogyne, mais il réplique : "Ils avalent tout ce qu'ils lisent dans les journaux....[comme] le féminisme. Je ne suis pas contre l'égalité des femmes, mais je n'aime pas cette nouvelle vague de féminisme. Les hommes devraient être libres d'être des hommes. Je ne devrais pas avoir peur d'aller demander le numéro d'une fille."

Il ajoute : "Je n'ai pas honte et j'aime ce que je fais. Cela fait partie de ma vie, cela m'a donné beaucoup confiance en moi et j'ai rencontré plein de filles et de garçons cool." Sauf que construire sa confiance en soi, cela doit se faire avec les autres pas à leur détriment.

S'il est important de dénoncer ces fantasmes racistes et misogynes, nous avons choisi de ne pas mettre de lien vers les vidéos pour ne pas lui faire encore plus de publicité et de vues. Selon le site taïwanais Taiwan News, ce prédateur aurait déjà été supprimé de la plateforme de location Airbnb.