J'ai testé le Paris égyptien en Vélib'

Publié le Jeudi 23 Juin 2022
Pauline Machado
Par Pauline Machado Journaliste
Pauline s’empare aussi bien de sujets lifestyle, sexo et société, qu’elle remanie et décrypte avec un angle féministe, y injectant le savoir d’expert·e·s et le témoignage de voix concernées. Elle écrit depuis bientôt trois ans pour Terrafemina.
Chaque mois, Vélib' propose une balade pour découvrir les trésors cachésde la Métropole. Un rendez-vous accompagné d'un·e guide dont le savoir sur l'histoire du parcours rend l'expérience d'autant plus intéressante. En mai, le thème était "Paris égyptien".
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Paris, mai 2022. C'est le printemps, il fait chaud, mais la capitale est (légèrement) dépourvue d'air - pour ne pas dire pavée des flammes de l'enfer. Les transports en commun sont étouffants, les terrasses bondées. Difficile de se rafraîchir par 29 °C quand il devrait en faire 5 de moins, dans une ville où le manque de végétalisation se fait particulièrement ressentir lors des vagues de chaleur.

Dans ce contexte un peu préoccupant écologiquement parlant (doux euphémisme), je reçois une invitation pour un événement alléchant : une balade en vélo - ou plutôt, en Vélib' - pour découvrir le Paris égyptien.

J'associe tout de suite l'escapade à une potentielle brise provoquée par la vitesse. Et à l'absence d'effort que les modèles électriques mis à disposition dans 60 communes couvertes par le groupe garantissent. Ajouter à cela un peu d'histoire racontée par une guide chevronnée qui m'évitera, bonus non négligeable, de griller des feux rouges ou de prendre une rue en sens interdit (la circulation, à vélo ou en voiture, n'est pas mon fort), et autant dire que je n'ai pas besoin de beaucoup hésiter pour signer.

Récit d'une aventure urbaine riche en découvertes.

Le Sentier et le Châtelet

La façade place du Caire
La façade place du Caire

Le jour J, je me rends au point de rendez-vous dans le quartier familier du Sentier, station n°2017. J'ai vécu dix ans rue d'Aboukir. J'ai vu la transformation de la rue du Nil en hub de la gentrification parisienne, son impact sur les loyers, la fresque de Tintin et Capitaine Haddock en train de se rouler une pelle chaque matin en allant bosser. J'ai aussi fréquenté plus d'une (ou dix) fois la boutique de bijoux à faire soi-même de la rue des Petits-Carreaux, flippé en rentrant chez moi à 2 heures du matin, pris des cafés trop matinaux au Champollion sur la place du Caire, ancienne Cour de miracles largement décrite par Victor Hugo dans Le bossu de Notre-Dame. Quelle vie.

Ce que je n'avais pas repéré en revanche, c'est le premier élément décoratif que pointe notre guide, après qu'on ait enfourché nos Vélib' (électriques, comme 40 % de la flotte parisienne, parce que pourquoi pédaler à corps perdu quand on peut se contenter d'appuyer sur un bouton). Et la raison derrière le lien des noms de rues avec l'Egypte.

On nous apprend donc que le quartier a été créé au retour de la campagne de Napoléon qui, fier comme un coq, voulait exiber ses victoires outre-Méditerrannée. Par des appellations mais aussi des statues diverses et variées - et des détails approximatifs.

Sur la façade du 2 place du Caire, au-dessus de mon ancien repaire pour breuvages chauds devenu l'Hôtel 4 étoiles du Sentier (gentrification, je vous disais), trois visages trônent. Ils sont ceux de Hathor, déesse des festivités et de l'Amour, parfois représentée avec une tête de vache, ou seulement avec le disque solaire entre ses cornes. Juste au-dessus, une frise qui représente des personnes et des chevaux dans un effort de hiéroglyphes inexacts au bas mot - car "réalisés avant que Champollion ne soit parvenu à craquer leur code", nous précise-t-on. Tout un pan d'histoire cotoyée sans la voir pendant une décennie, c'est fort.

La fontaine du Châtelet
La fontaine du Châtelet

Mais pas le temps de niaiser, le planning est serré. On échange quelques mots et on repart direction la fontaine à palmier de la place du Châtelet. On prend la rue Dussoubs, la rue Greneta et le Boulevard Sébastopol. Une dizaine de minutes suffisent à rejoindre la 2e étape de notre "croisière". Ca tombe bien, aussi agréable soit la sensation du vent dès qu'on est en mouvement, il fait quand même un temps à rester chez soi tapi·e dans l'ombre. On s'y met, justement, à l'ombre, et on écoute la suite.

La fontaine en question, entourée de quatre sphinx, est en fait la première source potable et gratuite construite par l'Empereur pour les Parisien·nes. Melon astronomique oblige, Napoléon Ier n'oubliera quand même pas de faire graver sur la colonne en bronze le nom de ses conquêtes sur le champ de bataille.

Le Louvre, la Concorde et le Champ de Mars

L'obélisque de la Concorde
L'obélisque de la Concorde

En moins de temps qu'il en faut pour dire "complexe d'infériorité", on file sur la route du Louvre, via l'énorme piste cyclable qui s'étale sur la moitié de la rue de Rivoli. Destination : la pyramide en verre située dans la cour Napoléon (forcément), commandée par François Mitterrand à l'architecte sino-américain Ieoh Ming Pei. Celle-ci est basée sur les proportions de la pyramide de Khéops, et commémore le bicentenaire de la Révolution française. Tout un programme qui n'a pas fait l'unanimité à sa création, mais qui incarne aujourd'hui un symbole indissociable de Paris.

Quelques coups de pédales de plus en reprenant la rue de Rivoli, et on arrive à la Concorde et à son obélisque emblématique. "Choisi en 1830 par Jean-François Champollion, le petit cadeau de Mehemet Ali, vice-roi d'Égypte, a nécessité la construction d'un navire sur mesure pour transporter ses 230 tonnes et 23 mètres de hauteur", nous dit-on. Avant, c'était une statue à l'effigie de Louis XVI. Puis la place de la Révolution alias celle des exécutions à la guillotine. Aujourd'hui, c'est un repère incontournable, et un rond-point chaotique.

Dernière étape : le Champ de Mars. Pour y arriver, on longe les quais piétonnisés en 2019 par la maire de Paris Anne Hidalgo (quelle bonne idée), on passe à deux pas de la tour Eiffel et de ses hordes de touriste que le vélo nous permet de contourner, et on arrive au méconnu Monument des Droits de l'Homme. L'édifice s'inspire des mastabas égyptiens, tombeaux abritant rois et hauts dignitaires des deux premières dynasties. Sur les obélisques, des symboles et des textes évoquant la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 (on repassera pour ceux de la Femme).

Monument des droits de l'Homme
Monument des droits de l'Homme

Là se termine notre visite guidée, après près de deux heures à sillonner les rues de la capitale. Je dépose mon engin à la station n°7109. J'en ressors pas forcément prête à me mettre solo à ce tour en deux roues, mais ravie d'avoir tenté le coup accompagnée. Et surtout, motivée à jeter un coup d'oeil aux itinéraires passionnants et détaillés, proposés par Vélib' sur des thématiques variées une fois par mois. Il n'y a plus qu'à.

Pour profiter de la même expérience, deux solutions : surveiller le Twitter de Velib' pour espérer être tiré·e au sort et avoir la chance d'une visite guidée, ou reproduire les itinéraires disponibles sur le blog de Vélib', en solo ou entre proches