L'influenceuse Lauren Smith Fields est morte et la police raciste l'a négligée

Publié le Mardi 01 Février 2022
Pauline Machado
Par Pauline Machado Journaliste
Pauline s’empare aussi bien de sujets lifestyle, sexo et société, qu’elle remanie et décrypte avec un angle féministe, y injectant le savoir d’expert·e·s et le témoignage de voix concernées. Elle écrit depuis bientôt trois ans pour Terrafemina.
La mort de Lauren Smith Fields, preuve de plus du racisme au sein de la police américaine
La mort de Lauren Smith Fields, preuve de plus du racisme au sein de la police américaine
La TikTokeuse Lauren Smith Fields est décédée le 12 décembre dernier à son domicile. Les agents de police en charge de l'affaire n'ont pas pris la peine de prévenir sa famille. Pire, celle-ci a dû les implorer de bien vouloir faire leur travail et d'enquêter sur sa mort.
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Elle avait 23 ans et un compte assez populaire sur TikTok. La veille de son décès, Lauren Smith Fields, étudiante afro-américaine résidant à Bridgeport, dans le Connecticut, avait rendez-vous avec un homme blanc plus âgé rencontré sur une application. Celui-ci aurait passé la nuit chez elle et à 6h30, se serait réveillé à côté de son corps sans vie, du sang coulant par l'une de ses narines. Il aurait appelé la police qui serait venue constater sa mort, l'autopsie révélant par la suite une "overdose due aux effets de l'alcool, du fentanyl, de la prométhazine et de l'hydroxyzine".

Et puis, rien.

Ce n'est qu'en se rendant à l'appartement de sa fille, inquiète d'être sans réponse à ses messages, que la mère de l'influenceuse est tombée nez à nez avec un mot : "Si vous cherchez Lauren, appelez à ce numéro". Au bout de la ligne, le propriétaire, qui sera le messager du drame. "Tout ce que je pouvais faire, c'était de rester là, comme si j'étais gelée", se souvient Shantell Fields auprès du New York Times. "Je ne pouvais pas croire ce qu'il me disait, que mon bébé était parti."

"Ce comportement est inacceptable"

Dans la foulée, son fils qui l'avait accompagnée contacte l'inspecteur en charge de l'affaire. Au téléphone, ce dernier ne fournit que très peu d'informations supplémentaires, explique Shantell Fields au journal, et raccroche brusquement lors d'un appel ultérieur. "La famille a même dû le supplier de recueillir les preuves trouvées dans l'appartement", déclare leur avocat Darnell Crosland. Concernant l'homme avec qui Lauren Smith Fields avait passé la nuit, le policier lâche un argument hallucinant : il n'y aurait pas "besoin d'enquêter sur lui" car il s'agit d'"un type vraiment sympa".

Pourtant, la famille Fields l'assure : jamais Lauren n'a pris de drogue, et il leur est indispensable de comprendre pourquoi ces substances se trouvaient dans son organisme. De son côté, l'avocat affirme que la police "n'a pas enquêté sur cette affaire et refuse de considérer la dernière personne qui se trouvait avec Lauren Smith Fields avant sa mort comme une personne d'intérêt. Ce comportement est inacceptable".

Auprès du média américain WTNH, il analyse : "Cela ressemble plus à un meurtre, et si la police ne commence pas à agir rapidement, nous allons avoir un très gros problème entre nos mains". Et d'ajouter sur Twitter : "Je n'ai jamais vu un médecin légiste conclure qu'un mélange de drogues était un accident sans savoir qui a fourni la drogue ou comment elle a été ingérée".

Les deux enquêteurs suspendus

Darnell Crosland accuse également le commissariat de Bridgeport d'insensibilité raciale. Une analyse renforcée par une affaire similaire négligée par les deux mêmes enquêteurs, Kevin Cronin et Angel Llanos : la mort de Brenda Lee Rawls, Afro-américaine de 53 ans, elle aussi retrouvée sans vie le 12 décembre.

Aujourd'hui, les deux policiers ont été suspendus et une enquête interne a été ouverte. Un événement qui a été rendu possible grâce à la médiatisation de cette tragédie et, entre autres, l'intervention digitale de la rappeuse Cardi B, que les Fields ont tenu à remercier.

Une démonstration de solidarité tristement nécessaire, qui démontre une fois de plus les inégalités, jusque dans la mort, qui frappent les communautés noires et non-blanches outre-Atlantique (mais pas uniquement). Dernière preuve en date : la différence de traitement - médiatique et policier - entre ces deux cas et le meurtre de Gaby Petito, influenceuse blanche assassinée par son petit ami dont le crime a suscité une mobilisation nationale pendant des mois.