





#MeToo et Frédéric Beigbeder ce n'est guère une idylle romanesque.
Le féminisme, d'une façon globale, sort rarement sublimé de ses dires. Dans son controversé manifeste, Les Confessions d'un hétérosexuel légèrement dépassé (2023), l'auteur de 99 Francs expliquait déjà sans ironie aucune que "pour être entendu désormais, il faut être une victime, parce que nous sommes dans un mode de compétition victimaire".
Lors de la médiatisation de ces écrits il y a deux ans, Beigbeder réduisait la définition de Patriarcat à l'idée d'être élevé par un père, ou une mère. Face à Sonia de Villers qui n'hésitait guère à le renvoyer à ses contradictions ou leçons incomprises de féminisme.
Rebelote en mai 2025, lorsque Frédéric Beigbeder face à Christine Angot, dans un débat controversé, s'autorise cette nouvelle couche à son discours du "mode de compétition victimaire" en assénant : "Ce n'est pas parce qu'on est une victime qu'on est un bon écrivain". Tacle que le romancier destinait généralement à la littérature "de récits" ou "de témoignages", laquelle afflue suite à la médiatisation plus ample des voix des victimes de violences sexistes et sexuelles.
Sans omettre cette Une "irrévérencieuse" du Figaro Magazine qui "en l'honneur" de la Journée internationale des droits des femmes érigeait le romancier au devant de l'affiche avec ce slogan issu de sa tribune à retrouver au sein de la revue : "Vive les hommes !". Sans commentaire...
Cependant, dans le dernier épisode en date de son émission de discussion littéraire, Frédéric Beigbeder invite deux figures militantes... Qui ravivent les enjeux du féminisme face à l'écrivain.
Les autrices Tristane Banon et Sarah Barukh étaient effectivement les invitées de Frédéric Beigbeder dans l'émission «Conversations chez Lapérouse» pour Le Figaro. Elles confrontent spontanément et avec verve le romancier à sa vision étroite du féminisme, et ravivent quelques évidences...
Sarah Barukh est notamment l'autrice d'un livre dédié aux victimes de féminicides. Sa voix de femme de lettres est aussi celle d'une victime de violences conjugales. Elle a brisé le silence sur l'antenne de France Inter à ce sujet.
Tristane Banon, journaliste et romancière, est l'une des femmes courageuses qui il y a de nombreuses années avait décidé de porter plainte contre Dominique Strauss-Kahn pour dénoncer une agression sexuelle qu'elle aurait subie. Elle est autrement dit l'une des grandes voix antérieures au mouvement #MeToo, émanant d'un temps où ce sujet là était médiocrement traité dans les émissions à "grand spectacle"... D'où l'éloquence de ses mots.
Et de ce qu'elle rétorque lorsque Frédéric Beigbeder ironise derechef : "Ca va, on va arriver à dialoguer quand même, mine de rien, deux femmes face à un homme, et deux féministes qui viennent chez un dangereux masculiniste !"
A cela, les journalistes assènent : "L'objectif du féminisme c'est d'éviter une guerre des sexes justement, d'éviter une guerre entre les sexes, c'est même de garantir une entente entre les sexes". L'égalité entre les sexes, l'évidente visée, effectivement, du mouvement féministe, souvent réduit à une haine des hommes.
Et Tristane Banon de conclure par une formule ciselée : "Plus on se parlera entre hommes et femmes mieux ca ira. S'aliéner la moitié de la planète en espérant une victoire, c'est absurde mathématiquement parlant". La journaliste et romancière mène ces 20 dernières années une lutte contre l'impunité des agresseurs sexuels. Pour le respect des victimes.
Dans un long entretien auprès de Cheek Magazine, le média féministe, à retrouver sur le site des Inrockuptibles, l'oratrice détaillait l'envergure de son expérience intime et douloureuse, celle d'une femme incomprise voire tout à fait calomniée et insultée, d'une émission à l'autre, et de l'évolution, ou non, des choses, à ses yeux, suite au mouvement #MeToo.
Témoignant ainsi : "Ça fait dix-huit ans que je me suis habituée à lutter contre une injustice, le silence et l’omerta d’abord, puis la violence et la défiance à partir de 2011 et de l’affaire DSK. Les médias ont fait un travail considérable sur eux-mêmes concernant les questions relatives aux violences faites aux femmes"
"Les choses changent, le monde avance, et c’est heureux. Les médias ont fait un travail considérable sur eux-mêmes concernant les questions relatives aux violences faites aux femmes. Les journalistes ont beaucoup appris des différentes affaires, celle de DSK, celle de Madame Diallo, celle du Carlton et la mienne, mais pas seulement, aussi de celles qui ont suivi. Ils ont appris à entendre la parole des victimes et à comprendre les mécanismes qui suivent l’agression. C’est aujourd’hui acquis qu’une femme mette un certain temps avant de pouvoir porter plainte et un long moment avant de se décider à reprendre le pouvoir sur sa propre vie"
"On tentait toujours de déceler un vice chez la victime à cette époque, c’est encore une arme de défense redoutable très utilisée, mais les médias ne sont plus dupes, ni le grand public. Beaucoup de psychanalystes et de spécialistes des violences faites aux femmes ont expliqué depuis, de plateaux de télévision en studios de radio, ce qu’il en était des agresseurs et des agressées. Les lignes bougent."