"Miss Ecologie Réunion", le concours sexiste qui fait grincer des dents

Publié le Mercredi 22 Juillet 2020
Catherine Rochon
Par Catherine Rochon Rédactrice en chef
Rédactrice en chef de Terrafemina depuis fin 2014, Catherine Rochon scrute constructions et déconstructions d’un monde post-#MeToo et tend son dictaphone aux voix inspirantes d’une époque mouvante.
Miss Ecologie Réunion, le concours sexiste qui fait grincer des dents
Miss Ecologie Réunion, le concours sexiste qui fait grincer des dents
Conçue comme un concours de beauté, l'élection de "Miss Ecologie Réunion" indigne par son concept et ses critères de sélection sexistes.
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Pour parler des ravages du réchauffement climatique, de l'extinction des ours polaires ou des déchets plastiques, il est préférable de mesurer plus d'un mètre 65, ne pas avoir d'enfant et être plutôt photogénique. C'est du moins la conception quelque peu surréaliste du concours "Miss Ecologie Réunion 2021", lancé pour la première fois ce 17 juillet par le Journal de la Réunion et Miss Eco International. Une compétition internationale "coordonnée chaque année depuis 2015 par une entrepreneure égyptienne, Amaal Rezk", comme l'explique le média.

Le principe ? "Élire les meilleures ambassadrices venues de 80 pays, pour la promotion de l'éco-tourisme dans le monde, la protection de l'environnement et aussi pour l'échange culturel entre nations, suscité par les rencontres entre reines de beauté."

"Reines de beauté" ? Oui. Car derrière les intentions de façade en faveur de la cause environnementale, cette compétition n'est autre qu'un concours de beauté, dans la plus pure tradition rétrograde. Ainsi, parmi les conditions d'inscription, on retrouve des prérequis liés au physique, au genre, à l'âge et à la maternité. Des "critères alliant à la fois esthétique et engagement écologique" pose sans ironie le site officiel.

Parmi eux :

  • "Avoir entre 18 ans et 29 ans le 19 décembre 2020
  • Être inscrite à l'état-civil comme étant de sexe féminin
  • Mesurer minimum 1,65m sans talons
  • Être célibataire sans enfant
  • Ne pas avoir eu recours à la chirurgie plastique (sauf réparatrice)
  • Ne pas avoir participé à des séances photos ou captations audiovisuelles où vous apparaissez partiellement ou totalement dénudée."

Critères d'inscription au concours Miss écologie Réunion
Critères d'inscription au concours Miss écologie Réunion

Autant dire que si vous avez le malheur d'avoir passé le cap des 30 ans, d'être "petite", d'avoir dévoilé un peu trop de peau (quand le site du concours présente des modèles- toutes blanches- topless au milieu des feuillages), d'avoir un ou plusieurs enfant(s), des implants mammaires ou encore si vous êtes une femme transgenre, vous n'avez aucune chance. Et tant pis si vous êtes une championne des émissions de gaz à effets de serre, une spécialiste de la décroissance ou une as de la biodiversité. Cette compétition cherche avant tout à "associer le glamour d'un concours de beauté à la promotion de l'écologie". Et très clairement, vous ne correspondez pas aux normes "glamour" prédéfinies par les organisateur·rice·s.

Un "pathétique green-washing"

Au-delà de ces critères sexistes, âgistes, transphobes et déconnectés, cette compétition aux atours verdoyants décrédibilise également le combat écologiste. Avec cette opération de green-washing, "Miss Ecologie" concourt à piétiner la cause environnementale. La réduire à un "casting" (le terme est employé sur le site), c'est évacuer sa substance politique, la mépriser, la dénaturer et la transformer en coquille vide. Le tout en objectifiant gaillardement les femmes. A l'image de ces concours de beauté d'un monde d'avant qui se contrefichent de ce que les femmes ont dans le ciboulot tant qu'elles ne rechignent pas à défiler en bikini. La preuve ? Le formulaire d'inscription ne prend même pas la peine d'interroger les candidates sur leur engagement et leurs motivations écolos.

Face à ce constat, les militantes féministes réunionnaises du collectif Collages féminicides 974 ont entrepris une opération de "trolling" pour dénoncer cette compétition d'un autre temps. Comme l'indique l'agence de presse Imaz Press Réunion, elles ont par exemple appelé à compléter le formulaire d'inscription avec de fausses informations, dont le "numéro anti-relous" qui circule actuellement sur les réseaux sociaux (ligne créée pour décourager un harceleur qui sollicite des coordonnées de façon insistante).

Ce tollé aura-t-il des répercussions ? Deux "critères" (la chirurgie plastique et les séances photos et captations audiovisuelles dénudées) ont d'ores et déjà disparu du site officiel.

"Miss écologie" a suscité d'autres réactions indignées comme celle de Geneviève Payet, présidente du réseau VIF (qui lutte entre autres contre les violences intrafamiliales) et candidate réunionnaise d'Europe écologie les verts (EELV) aux élections européennes.

"Ce pathétique greenwashing constitue une nouvelle tentative d'instrumentalisation de l'image et du corps de la femme réunionnaise comme espace public de jeu", dénonce-t-elle dans une tribune virulente, pointant le "manque flagrant de savoirs sur les valeurs essentielles qui sont à la base de la question écologique qui défend : la démocratie sociale, l'égalité des chances, le féminisme et l'éco-féminisme, l'équité, la mixité, la lutte contre le sexisme, parce que les femmes, autour de nous comme dans le monde, sont souvent dans une position plus défavorable que les hommes face à la pauvreté et aux violences."

Mais après tout, pourquoi se triturer les neurones pour endiguer la crise climatique quand on nous vend le rêve d'une "grande finale internationale" en Egypte, tout cela grâce à un simple clic et deux photos "portrait et plein pieds" ?

Contactée par Terrafemina, une source du comité Miss Ecologie Réunion s'explique : "Nous avons fait certainement une erreur dans la communication de notre événement, en mettant en avant la partie critères physiques avant d'expliquer le projet écologique. Nous aurions dû mettre en avant l'ensemble des actions concrètes mises en place par le comité dans le passé, tant sur l'île Maurice que dans l'ensemble des pays concernés et les actions à venir sur l'île de la Réunion", regrette-t-elle.

"Nous avions des critères obligatoires émanant de l'organisation Miss Eco International. Nous avons essayé de les adapter de façon maladroite en faisant un copier-coller des critères de sélection de Miss France, puis nous en avons supprimé quelques-uns. En tout cas, ces critiques vont nous forcer à réfléchir et à mieux expliquer."