Pourquoi le coronavirus tue-t-il plus d'hommes que de femmes ?

Publié le Mercredi 25 Mars 2020
Clément Arbrun
Par Clément Arbrun Journaliste
Passionné par les sujets de société et la culture, Clément Arbrun est journaliste pour le site Terrafemina depuis 2019.
Les hommes sont-ils plus susceptibles de mourir du coronavirus ?
Les hommes sont-ils plus susceptibles de mourir du coronavirus ?
Si la période de confinement que nous vivons aujourd'hui exacerbe les discriminations, une distinction semble également se prononcer concernant les victimes du coronavirus. Aujourd'hui, ce sont les bilans, tragiques, qui séparent les sexes.
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Il n'y a pas que le respect des exigences sanitaires et "gestes barrières" qui semblent séparer les deux sexes - rappelons à ce titre que bien des hommes pensent encore que se laver les mains est "un truc de bonnes femmes". Aujourd'hui, c'est aussi le nombre de morts du coronavirus qui vient (violemment) séparer les genres. Car à en croire les derniers bilans mondiaux, la pandémie de Covid-19 tuerait plus d'hommes que de femmes.

Comme le rapporte la chaîne américaine CNN, les données épidémiologiques de l'Institut national de la santé montrent qu'en Italie, les hommes représentent près de 60% des personnes atteintes du coronavirus et plus de 70% de celles qui en sont mortes. Un chiffre énorme, d'autant plus dans un pays à ce point meurtri - on y dénombre pas moins de 6820 décès depuis le début de l'épidémie. En Corée du Sud, nous dit-on encore, environ 54% des décès rapportés concernent des hommes. Mais comment expliquer au juste cet écart genré ?

De mauvaises habitudes (mais pas que)

Pour Sarah Hawkes, professeure de santé publique mondiale à l'University College de Londres (UCL), impossible de saisir la situation sans prendre en compte des conditions de vie préexistantes. A en croire la spécialiste, les hommes ont davantage tendance "à entretenir des comportements susceptibles de conduire à des problèmes de santé sur le long terme". Par exemple ? La consommation excessive d'alcool et de cigarettes, des addictions plus fortes du côté des hommes et qui apparaissent plus tôt - dès l'âge de quinze ans pour beaucoup.

"Dans la plupart des pays [concernés par le coronavirus], nous constatons que les hommes fument et boivent à des taux beaucoup plus élevés que les femmes", souligne ce sens Sarah Hawkes.

Le tabagisme n'a rien d'anecdotique, puisqu'il peut être la cause de maladies pulmonaires chroniques, rendant d'autant plus vulnérables les éventuelles victimes du Covid-19. Un facteur essentiel selon le Centre chinois de contrôle et de prévention des maladies, qui nous rappelle que la Chine compte pas moins de 316 millions de fumeurs adultes. Et là-bas, 50% des hommes fument. Ils sont 7 millions à "cloper" en Italie, détaille CNN, contre 4,5 millions de femmes, dixit l'Institut national de la santé (ISS). Mais si en Chine les hommes fument plus que les femmes, "ils ont aussi un taux de diabète et d'hypertension artérielle plus élevé", développe le scientifique Jean-Charles Guéry, du Centre de physiopathologie de Toulouse-Purpan.

Autant de données à prendre en compte face au nombre de victimes. De plus, poursuit le directeur de recherche, ce n'est pas qu'une question de santé, mais de facteurs biologiques. Les chromosomes X, mais aussi les oestrogènes, affirme-t-il, portent des gènes de l'immunité. Les "réponses" de l'organisme féminin face aux infections virales sont donc plus fortes. "Il existe clairement un effet protecteur des oestrogènes", atteste le scientifique, pour qui il ne serait donc pas absurde d'intégrer à un futur éventuel vaccin contre le coronavirus "une supplémentation à base d'oestrogènes ou des molécules apparentées".

On le comprend, cette différenciation des sexes n'est pas à prendre à la légère. Car il n'est pas simplement question de la maladie, mais des explications et des solutions qu'on peut éventuellement lui accoler. C'est pourquoi des personnalités scientifiques comme le Dr Kent Buse (du programme gouvernemental ONUSIDA) ou le bioéthicien Arthur Caplan (qui oeuvre à l'Université de New York) en appellent aujourd'hui à une circulation et à une transparence "concernant toutes les données établissant le risque, la capacité de récupérer et l'infectiosité" selon les genres. Histoire de faire avancer des recherches désormais primordiales.