Il est grand temps d'adopter le niksen, cet art de ne rien foutre

Publié le Mercredi 17 Juillet 2019
Catherine Rochon
Par Catherine Rochon Rédactrice en chef
Rédactrice en chef de Terrafemina depuis fin 2014, Catherine Rochon scrute constructions et déconstructions d’un monde post-#MeToo et tend son dictaphone aux voix inspirantes d’une époque mouvante.
Pourquoi adopter la philosophie du niksen
Pourquoi adopter la philosophie du niksen
Le niksen est un concept hautement désirable qui a le vent en poupe chez nos voisins néerlandais : célébrer le fait de ne rien faire. On adhère forcément.
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Vous connaissiez le hygge, cet art de vivre scandinave qui nous invitait à nous pelotonner au coin du feu, une tasse de thé fumante à la main. Vous avez peut-être testé le lagom suédois (l'art de la modération) ou le pyt anti-stress danois. Et si vous sautiez à pieds joints dans le niksen ? Ce concept exotique tout droit débarqué des Pays-Bas repose sur une idée simple, basique : ne rien faire. Que dalle. Nada.

"Niksen veut dire littéralement ne rien faire, être inoccupé·e ou faire quelque chose sans intérêt", décrypte auprès du Time Carolien Hamming, directrice du CSR Centrum, un centre de coaching néerlandais qui aide ses clients à gérer leur stress et soigner leur burn-out. "Pour les Néerlandais, regarder les gens passer par la fenêtre ou aller à la mer pour fixer les vagues pendant un moment est considéré comme du niksen", explique Ionela Bărbuță dans Dutch Review. "Et ce faisant, ils parviennent à un état de calme et de tranquillité appréciable."


En gros, s'autoriser à rester tranquillou assis·e et regarder par la fenêtre, c'est déjà "niksener". Contempler et jouir de cette parenthèse de vide absolu. L'antidote parfait à cette maudite charge mentale, en somme. Là où la méditation de la pleine conscience préconise de se concentrer sur l'instant présent (ce qui demande une certaine discipline et pas mal d'énergie), le niksen s'embrasse au contraire en mode freestyle. On débranche ses neurones et on laisse son esprit vagabonder, sans but précis. Et surtout pas celui d'être productif·ve. On se love délicieusement dans ce grand rien, le cerveau en aquaplanning. Et on laisse le temps glisser sur nous, sans essayer de le rendre "utile" ou constructif.

"Nous devrions avoir ces moments de relaxation, qui peuvent être combinés à des activités faciles, semi-automatiques telles que le tricot", explique Ruut Veenhoven, sociologiste spécialiste du bonheur et professeur à la Erasmus University de Rotterdam, au Time.

Des avantages du lâcher prise

Fastoche a priori ? Pas si sûr. Dans une société où l'activité et la productivité sont survalorisées, le niksen pourrait être trop facilement assimilé à une forme de paresse (le Mal absolu). Mais les études scientifiques sur les ravages du stress et la pandémie de burn-out commencent à donner raison aux partisans du lâcher prise. Le "slow" (food, life) se fait plus sexy que le "fast". Ralentir devient hype, la déconnexion un luxe.

Car- ô surprise- glandouiller se révèle tout bénéf tant pour notre organisme crispé que pour nos neurones en surchauffe. Le cerveau en mode off et le corps alangui seraient même des clés inouïes pour y voir plus clair et plus loin. Selon une étude, laisser son esprit vagabonder (le principe du mind-wandering) conduirait à se projeter sept fois plus sur le long terme que lorsqu'on est concentré·e. Et ce relâchement cérébral permettrait paradoxalement d'être plus inspiré·e.

"Même lorsque l'on ne fait rien, notre cerveau continue à traiter des informations et peut utiliser son pouvoir disponible pour résoudre des problèmes", souligne Veenhoven, qui est également directeur du World Database of Happiness, qui compile les études reliées aux plaisirs de la vie. C'est l'un des petits miracles du niksen : accoucher d'une idée pour enfin boucler ce satané dossier en pleine cueillette des champignons ou trouver le titre d'un futur bouquin en pleine séance de bulle sur un rocking-chair. Vous pourrez donc le clamer en toute sérénité : "Non, je ne procrastine pas, je niksene avec moi-même."

Pratiquer le niksen sans paraître creepy


L'art de ne rien foutre requiert tout de même quelques règles toutes simples. Parce que rester avachi·e sur sa chaise de bureau, le regard perdu dans le vague, peut nous donner des airs vaguement menaçants (voire carrément flippants), le niksen s'exerce en solo, au calme- surtout si vous tenez à votre job, à votre vie sociale ou amoureuse.

L'avantage du niksen, c'est qu'il peut se pratiquer une minute (se poser sur un banc) ou quelques heures (s'allonger sur son lit et écouter de la musique). Comble du cool ? Exit les bougies, la couverture moelleuse et le thé à la cannelle du hygge. Le niksen ne nécessite aucun matos, ni salle dédiée. Juste vous, débarrassé·e de la moindre once de culpabilité, agenda fermé, portable débranché. Telle est la beauté du concept : ne rien faire et s'accorder ce droit à ne rien faire avec délectation. Miam.