Mais pourquoi diable les femmes payent-elles plus cher chez le coiffeur ?

Publié le Jeudi 12 Avril 2018
Léa Drouelle
Par Léa Drouelle Journaliste
Tarifs femmes-hommes chez le coiffeur : arrêtons de couper les cheveux en quatre !
Tarifs femmes-hommes chez le coiffeur : arrêtons de couper les cheveux en quatre !
En France, les femmes continuent à payer bien plus cher que leurs homologues masculins dans un bon nombre de salons de coiffure. Mais y a t-il seulement une raison (valable) à cela ?
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Dans la famille des injustices sexistes, je voudrais le coiffeur, s'il vous-plaît. En effet, toute personne qui s'est rendue dans un salon de coiffure au moins une fois dans sa vie a forcément remarqué que les tarifs femmes sont très souvent bien plus chers.

Il suffit de jeter un oeil au site internet de Jean-Louis David, dans "tarifs et prestations" pour le constater. Les formules classiques pour femmes varient de 46 euros à 134 euros, dès lors que le tarif implique une coupe. Si on va plus loin, on aperçoit une prestation spécifique bien mise en exergue avec des majuscules : COUPE HOMME, au tarif de 30 euros. Soit 16 euros de moins que pour les femmes.

Sur le site de Jacques Dessange, rebelote. Ici, on a carrément des forfaits femmes et des forfaits hommes, et bien sûr les femmes, passent d'abord (on note la galanterie) : 91 euros pour shampoing-coupe-coiffage si cheveux courts. Juste en-dessous, la même formule est proposée aux hommes pour la modique somme de 58 euros. Ça commençait bien pourtant, puisque cette enseigne de salon de coiffure propose un tarif "cheveux courts". Mais dans ces cas-là, pourquoi appliquer une majoration de 33 euros pour les femmes ?

Ce ne sont manifestement pas les "visagistes à l'écoute de la planète" de la marque Saint-Algue qui pourront nous éclairer sur ce point, puisque leur site propose une formule "shampoing bio + coiffure" à 20 euros pour les femmes, tandis que cette même offre tombe à 10 euros quand elle s'adresse aux hommes.

Ni la chaîne Fabio Salsa, qui a quand même bien dû se prendre la tête à calculer au millimètre près l'épaisseur d'une mèche féminine pour la comparer à celle d'une mèche masculine (sur cheveu court qui plus est) avant de déterminer deux tarifs shampoing : 4 euros pour les femmes, 3 euros pour les hommes.

"Pas le même type de cheveux, pas la même technique..."

Mais pourquoi diable appliquer des tarifs différents si la quantité de cheveux est la même ? Naturellement, nous sommes loin d'être les premières à nous poser cette question. Encore moins à nous en indigner. "Alors il y a un truc qui m'énerve vraiment beaucoup, c'est le fait de payer le tarif "femme" chez le coiffeur (..) J'ai une fois osé demander le pourquoi de cette différence de prix et comme je m'y attendais j'ai eu le droit à la réponse du type : 'Ce n'est pas le même type de cheveux ni les mêmes techniques que nous utilisons gnagnagna", raconte une cliente sur le forum de discussion Be Tolerant.

Mathilde, une Parisienne de 28 ans, nous explique que depuis qu'elle arbore une coupe à la garçonne, soit plus de 5 ans, elle a bénéficié du tarif homme seulement deux fois : la première fois, elle a dû le négocier, mais la seconde, on lui a proposé d'emblée. Du coup, Mathilde n'a plus changé de coiffeur. Mais bien sûr, elle ne s'épanche pas sur les (nombreuses) fois où elle s'est retrouvée contrainte de payer au prix fort (femme).

Cécile, 29 ans, également Parisienne avait elle aussi trouvé un coiffeur qui acceptait de faire une réduction pour ses cheveux courts. "J'étais allée dans un salon à Bastille, où le coiffeur m'a dit qu'il me ferait le même tarif que les hommes (30 euros), donc j'y suis allée. Quelques mois après, je les appelle pour reprendre rendez-vous avec Yann, le coiffeur en question, mais la femme que j'ai au téléphone me dit qu'il n'est plus là. Je demande si je peux avoir le même tarif et elle me répond vaguement en disant qu'on verra la longueur des cheveux. Je vais au rendez-vous l'esprit tranquille, en me disant que je suis loin d'avoir un carré et donc que ça devrait être bon. Mais à la fin, je me retrouve à payer environ 45 euros, donc bien plus cher", nous raconte-elle.

Prestations tarifaires de l'enseigne de coiffure Fabio Salsa
Prestations tarifaires de l'enseigne de coiffure Fabio Salsa

"Il faut raquer pour être belle"

N'est-il pas plus que temps de changer cela ? Comme l'a expliqué à Konbini, Géraldine Franck du collectif Georgette Sand : "La grille de lecture femmes/hommes n'est pas opérante chez le coiffeur, on fait face à un réel problème d'égalité."

Cette inégalité est-elle purement marketing ? On imagine bien ce qu'il doit se passer dans la caboche d'un publicitaire pleine de clichés patriarcaux réducteurs de notre société qui consistent à dire que "qu'il faut raquer pour être belle", et donc qu'une femme sera toujours prête à dépenser plus que les hommes quand il s'agit de se refaire une beauté. Dans ces cas-là, pourquoi ces derniers vont-ils chez le coiffeur ?, avons-nous envie de rétorquer.

Bon allez, on ne va pas faire les mauvaises langues : certaines grandes enseignes comme Franck Provost proposent des tarifs cheveux longs et courts, sans distinction hommes-femmes. Toni & Guy va même plus loin puisque la marque fixe ses tarifs en fonction de la longueur et de la complexité de la coupe.

Les salons de coiffure indépendants ne donnent pas tous dans le sexisme non plus. Quand on tape "salons de coiffure mixte" dans Google, on obtient d'ailleurs plusieurs résultats : Paris, Thionville, Nîmes, Bègles. Et on les remercie d'exister. Même si pour notre part, on rêve du jour où les salons de coiffure pourront tout simplement s'appeler "salons de coiffure", sans besoin de préciser qu'il sont mixtes.

Le message suivant s'adresse donc à toutes les femmes et tous les hommes, cheveux courts ou cheveux longs mais surtout aux propriétaires de salon et aux publicitaires : arrêtez de couper les cheveux en quatre. Faites comprendre aux personnes concernées que demander à une cliente qui demande un carré plongeant qu'un client à la tignasse généreuse qui souhaite se faire une banane à la Elvis, ça s'appelle tout simplement de la dis-cri-mi-na-tion. Et la coupe est pleine.