"Gisèle, votre visage est partout maintenant"
Survivante ? Héroïne ? Icone ? Qu'importe le qualificatif, aujourd'hui, les militantes féministes, et les Françaises tout court d'ailleurs, expriment leur profonde admiration pour Gisèle Pélicot. Droguée par son mari Dominique Pelicot, violée par lui-même et par des dizaines d’inconnus, alors qu'elle était sous soumission chimique... Dominique Pélicot comparaît depuis le 2 septembre devant la cour criminelle du Vaucluse.
Face à la plaignante, pas moins de 51 co-accusés, pour des faits s'étalant sur plus de dix ans. Le plus jeune de cette cinquantaine d'accusés avait seulement 22 ans au moment des faits. Parmi les preuves étudiées, des centaines de photos et vidéos. Depuis plusieurs semaines, le procès des viols de Mazan - du nom du village du Vaucluse où vit le couple Pélicot depuis 2013 et où la plupart de ces viols ont pris place - bouscule l'opinion publique et vient bouleverser la société française.
L'espace d'une lettre énoncée sur France Inter, la présidente de la Fondation des Femmes tient elle aussi à faire honneur à la victime. Anne-Cécile Mailfert s'exprime : "Gisèle, il y a une semaine, nous avions de la compassion pour vous. Nous ressentons maintenant de l’admiration. Il y a vous, il y a votre fille, vos belles filles et toutes les autres derrière vous"
"Celles qui viennent au procès, qui seront là demain dans les manifestations de soutien. Comme en Inde, en Iran, en Argentine ou aux Etats Unis et partout dans le monde, ce sont les femmes qui se lèvent et nous invitent à garder espoir en l’humanité"
"A ceux qui disent que #Metoo va trop loin, nous répondons que le combat contre l’impunité ne fait que commencer"
Mais pour la militante féministe, cette affaire exige de poser les bonnes questions...
De quoi ce procès est-il le nom ?
La présidente de la Fondation des Femmes nous l'explique : l'affaire Pélicot, ou procès de Mazan - procès des viols de Mazan, si l'on veut être plus précis - est l'expression la plus scandaleuse des violences patriarcales. Mais elle est aussi celle d'un silence...
"Le silence des hommes d’abord. Où sont-ils ? Pourquoi ne disent-ils rien? Pourquoi ne sont-ils pas avec nous ?", s'interroge à ce titre Anne-Cécile Mailfert, avant de poursuivre : "Elle est ou leur colère ? ne sommes-nous pas leurs sœurs, leurs amies leurs enfants et leurs mères ? Quand ils voient ces forums, ces blogs et ces vidéos et tous ces salauds, pourquoi ferment-ils les yeux ? Pourquoi ne demandent-ils pas aussi que les viols cessent ? Sommes-nous donc les seules à croire en leur humanité ?"
Depuis l'énoncé de cette lettre, une tribune a d'ailleurs été abondamment par des hommes, contre les violences patriarcales, en réaction à ce procès. Texte publié dans Libération qui fait office de "feuille de route contre la domination masculine" et parmi lesquels l'on retient les noms de Guillaume Meurice, Flavien Berger, Eddy de Pretto... Mais des médias féministes s'interrogent : les hommes doivent-ils vraiment parler ? Quitte à recouvrir la voix des femmes et se risquer au redouté "mansplaining" ? Face à celles s'expriment depuis toujours sur ces sujets-là ?
"Procès de Mazan : Les hommes doivent-ils l’ouvrir ou la fermer ?", s'interroge ainsi le média féministe Cheek Magazine. "Dans les cercles féministes, le texte suscite des réactions disparates. D’un côté, celles qui préféreraient que les hommes fassent profil bas, de l’autre, celles qui estiment qu’il est indispensable que ces derniers s’allient publiquement à la cause féministe".
Sandrine Rousseau, sur franceinfo, en appelle en tout cas à une prise de conscience globale : "On ne pourra pas se contenter juste de cet soutien à Gisèle Pelicot, il va nous falloir interroger notre rapport entre les hommes et les femmes... ce procès n'est pas le procès d'un fait divers exceptionnel, mais le procès d'un rapport social.. Ce procès est celui de la culture du viol".