Il y a quelque chose de paradoxal à vouloir étudier la prostitution dans un pays où elle est autorisée, mais les clients pénalisés. En effet, celui qui achète des services sexuels est passible de six mois de prison et d’une amende indexée sur son salaire. On se dit alors que les jeux sont biaisés d’avance. Mais ce qui étonne plus encore, c’est la conclusion que tire l’Association suédoise pour l’éducation sexuelle, pour qui les jeunes homosexuels assumeraient mieux leurs inclinaisons s’il y a un échange tarifé avec un client.
Voilà qui soulève un certain nombre de questions. Sous-entend-on que les femmes obéissent plus volontiers aux lois que les hommes, et cessent de se prostituer dès lors que la loi pénalise leurs clients ? La réponse est non, mais on passe sous silence le fait que les prostituées ont migré sur des sites Internet, et que si on ne les voit plus sur les trottoirs, elles continuent d’exercer leur profession dans des salons de massages, clubs et autres lieux habituels aux péripatéticiennes.
Est-ce que l’on sous-entend que les hommes ne peuvent accepter leur homosexualité que s’ils ont une bonne excuse (des besoins financiers) ? Et pourquoi se réjouit-on d’une baisse sensible des chiffres (la prostitution aurait diminuée de moitié depuis la loi) : peut-on à la fois avoir une loi si punitive et savoir précisément à quel point elle serait efficace ?
Enfin, si le client est passible de peine de prison, il est nécessairement très précautionneux. Comment alors peut-on savoir qu’il est exclusivement masculin ? N’envisage-t-on jamais que la femme émancipée ait des besoins sexuels qui, comme ceux des hommes, peuvent être assouvis en utilisant les services d’un prostitué ?
Les femmes sont aujourd’hui nombreuses à vivre sans conjoint - qu’elles aient ou non des enfants – à être économiquement affranchies des hommes, et ont fort logiquement des besoins sexuels au même titre que ces derniers. On est en droit de s’étonner que seuls les pays émergents offrent aux femmes un accès à la prostitution en tant que clientes (en Russie notamment). D’ailleurs, une étude française menée en 2004 par le Mouvement du Nid montrait un pourcentage, certes faible, de femmes clientes de prostitués.
Enfin, il est troublant de noter que quand les femmes se prostituent elles sont considérées comme des victimes, tandis que les hommes auraient comme unique faiblesse une incapacité à assumer leur homosexualité. Je voudrais croire, moi, que les hommes commencent à être prêts, ici et là, à rendre aux femmes des services qu'elles leur rendent depuis la nuit des temps, signe d’un pas de plus vers une parité bien normale.
Crédit photo : Hemera