Pourquoi les boutiques de lingerie envoient des culottes à Jean Castex

Publié le Mercredi 21 Avril 2021
Pauline Machado
Par Pauline Machado Journaliste
Pauline s’empare aussi bien de sujets lifestyle, sexo et société, qu’elle remanie et décrypte avec un angle féministe, y injectant le savoir d’expert·e·s et le témoignage de voix concernées. Elle écrit depuis bientôt trois ans pour Terrafemina.
Pourquoi les propriétaires de lingerie envoient des culottes à Jean Castex
Pourquoi les propriétaires de lingerie envoient des culottes à Jean Castex
Etiquetées "non-essentielles", les boutiques de lingerie sont fermées depuis plusieurs semaines. Une "injustice" que dénonce le collectif Action culottée, qui entend faire entendre son mécontentement d'une insolite manière : en envoyant un sous-vêtement à Jean Castex.
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Les boutiques de lingerie sonnent l'alerte. Depuis le 19 mars dans 16 départements et le 3 avril à l'échelle nationale, cette catégorie de commerce affiche portes closes car considérée par le gouvernement comme "non-essentielle".

Pour les client·e·s, il est impossible de s'approvisionner en sous-vêtements ailleurs que sur Internet, ou dans des grandes surfaces qui ne jouent pas le jeu de la solidarité (à savoir que ces rayons-là sont, eux aussi, censés être fermés). Pour les magasins, il est impossible de travailler - ou peu, par le biais d'un click & collect qui n'a rien d'évident lorsqu'il doit être mis en place à la va-vite.

Afin de communiquer leur ras-le-bol face à une situation étouffante et l'absence d'information quant à une prochaine réouverture, plusieurs détaillant·e·s lingerie et bain ont décidé d'agir. En formant le collectif Action culottée, qui entend attirer l'attention de l'exécutif grâce à une opération "rigolote mais pas totalement idiote", baptisée "culotte de mécontentement à Matignon", où loge le Premier ministre.

"Les fleuristes, libraires, coiffeurs ou encore disquaires ont été relégués en commerces dits 'essentiels'. Mais la culotte ? N'est-ce pas une question d'hygiène et de protection ? N'est-ce pas la première chose que nous enfilons le matin pour nous habiller ? Nous ressentons tous un très fort sentiment d'injustice !", déclare l'organisation dans un communiqué. Elle encourage ainsi à envoyer une lettre type à Jean Castex, accompagnée d'un bas intime. Et s'estime "culottée mais pas résignée".

"Le commerce de proximité est précieux"

Dans ces lignes adressées aux plus hautes sphères de l'Etat, Action culottée précise respecter scrupuleusement les mesures sanitaires, et avance quelques arguments : "Toutes les études montrent que ce n'est pas dans le commerce indépendant que le risque de transmission est le plus élevé. Nos petites surfaces nous permettent de réguler le flux de visiteurs d'une manière précise et stricte."

Puis prévient : "Nous nous sommes adaptés mais ne pouvons ni ne pourrons rivaliser avec les géants du net ou encore les grandes enseignes qui tirent leur épingle du jeu. Certains d'entre nous ne survivront pas à ce 3e confinement et les liquidations ont déjà commencé."

Des mots qui témoignent d'une réalité terrible et d'un besoin urgent de décisions, comme du déploiement d'aides adaptées. Ainsi, le collectif réclame l'équité. Ce qui passe, dans l'idéal, par "le reclassement des sous-vêtements en produit 'essentiel' et de ce fait, la réouverture des boutiques concernées", mais propose également des solutions alternatives.

Par exemple, l'autorisation de rendez-vous client physiques et individuels. Ou encore, l'encadrement des promotions avant les soldes d'été, et donc, la surveillance d'une concurrence déloyale qui pourrait s'avérer fatale à leurs entreprises. "Comment espérer survivre si après 2 mois de fermeture les grandes enseignes et géants du web se mettent comme en 2020 à proposer leurs collections à prix cassé ?", lit-on.

Enfin, afin de rappeler le rôle indispensable de leur métier et de leur présence dans tous les coins de France, Action culottée conclut : "La vérité est que nous sommes TOUS essentiels. Le commerce de proximité est précieux. Il contribue à l'économie locale et fait vivre nos communes. Il renforce le tissu social des villes comme des villages. Nous sommes les animateurs des centres villes, les confidents des personnes seules ou âgées, les distributeurs de bonheur de nos clients, la fierté de nos maires."

Comme nous le précise Laurence Cottier, gérante de la boutique Falbalas Lingerie au Puy-en-Velay : "Je suis fermée car étiquetée 'non-essentiel', je suis culottée mais pas résignée. Et je ressens un immense sentiment d'injustice et le désir de continuer à travailler, à distribuer du bonheur et des jolis dessous."

Une démarche aux airs de SOS qui ne devrait pas passer inaperçue.