Les Portugais posent avec du rouge à lèvres pour dénoncer le sexisme de l'extrême droite

Publié le Mercredi 20 Janvier 2021
Clément Arbrun
Par Clément Arbrun Journaliste
Passionné par les sujets de société et la culture, Clément Arbrun est journaliste pour le site Terrafemina depuis 2019.
L'artiste portugais César Matoso porte du rouge à lèvres contre le sexisme
L'artiste portugais César Matoso porte du rouge à lèvres contre le sexisme
Porter du rouge à lèvres pour faire grincer les dents de l'extrême droite ? C'est l'idée qui est venue à l'esprit des citoyens portugais. Une initiative solidaire et massive qui n'est pas passée inapercue.
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Au Portugal, les citoyens et citoyennes voient rouge. Littéralement. La raison ? André Ventura, représentant du parti d'extrême droite national Chega, a récemment décoché à l'une de ses rivales politiques, Marisa Matias, une remarquable pépite sexiste : "Vous vous maquillez comme une poupée. Ce n'est pas très bon en terme d'image, ça ne paie pas. Avec ce rouge à lèvres, ça ressemble même à une blague". Mal en a pris au mufle.

Car depuis, les réseaux sociaux s'enflamment avec le mot-clé : #VermelhoemBelém ("Rouge à Belém"), Belém étant le quartier de Lisbonne où réside le président de la République portugaise, Marcelo Rebelo de Sousa. L'idée ? Porter du rouge à lèvres, celui-là même que déteste tant André Ventura, pour irriter les esprits les plus réacs.

Mobilisation numérique ponctuée par les selfies, #VermelhoemBelém fédère des centaines de voix, celles des anonymes, des figures médiatiques et même, des profils politiciens, comme le démontre le journal portugais Vos.

"Je vais peut-être regretter mes propos", avait prévenu André Ventura avant d'interpeller sa rivale. Et en effet, sur Instagram, le hashtag a déjà suscité plus de 18 000 publications, excusez du peu. Un joli soutien à la candidate de gauche Marisa Matias, figure du proue du parti Bloco de Esquerda (Bloc de Gauche).

Et, par-delà la solidarité, un véritable élan féministe.

"Pour la liberté"

"Pour toutes et tous, pour la liberté". C'est ainsi que l'artiste musical portugais César Matoso explique la teneur de son geste. De la même façon, le comédien et animateur populaire Bruno Nogueira délivre une belle leçon de maquillage à ses plus de 800 000 followers.

Et les mecs ne sont pas les seuls à sortir le lipstick, non. C'est aussi le cas de la ministre de l'Egalité espagnole Irene Montero, qui en un tweet, affirme son désir de lutter pour les droits des femmes : "Au final, ce qui vous dérange, c'est que les femmes occupent l'espace public sans demander la permission", tacle-t-elle, selfie à l'appui.

Et l'élan est si inspirant qu'il va jusqu'à susciter l'admiration des femmes politiques françaises. "Bravo aux militant·e·s pour leur riposte pleine d'humour", se réjouit en ce sens la députée France Insoumise Manon Aubry. Sur les réseaux sociaux, d'autres voix francophones applaudissent cette géniale idée virale. Et vont jusqu'à citer des paroles pop de notre Daniel Balavoine national : "C'est petit joli c'est doux c'est fort/C'est plein de couleurs / Pour le monde entier un seul royaume/Bâton polychrome" ("Lipstick polychrome"). Le fond de l'air est rouge.

A travers cette riposte contre le sexisme ordinaire, des plus banalisés au sein de la sphère politique, c'est une charge contre l'extrême droite qui se profile. L'espace d'une publication abondamment likée, la chanteuse Inês Herédia déclare ainsi brandir son rouge à lèvres "pour la démocratie et la constitution, contre la haine". Un combat qui, à la lire, "se fait avec du rouge à lèvres, un sourire sur votre visage et un coeur plein d'amour".

Des bouches toutes rougeoyantes pour fermer celle d'André Ventura.