25 ans plus tard, "Titanic" vous fait toujours autant chavirer (vous nous dites pourquoi)

Publié le Lundi 01 Août 2022
Clément Arbrun
Par Clément Arbrun Journaliste
Passionné par les sujets de société et la culture, Clément Arbrun est journaliste pour le site Terrafemina depuis 2019.
Le coeur de l'océan, les hurlements de joie à l'avant du paquebot, les danses qui n'en finissent pas, l'amour éternel... 25 ans après sa sortie, "Titanic" perdure dans vos esprits. A l'occasion de cet anniversaire, vous nous racontez pourquoi le classique de James Cameron est toujours aussi bouleversant... Et féministe.
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25 ans. Cela fait déjà 25 ans que le Titanic a pour la première fois fait chavirer les coeurs en salles obscures. En 1997, le classique de James Cameron redonnait ses lettres de noblesse au genre du film catastrophe et imposait le couple Kate Winslet/Leonardo Dicaprio en binôme de superstars, tout en déployant l'une des love story les plus emblématiques du septième art. Belle réussite pour un récit dont chacun connaît la fin.

Mais Titanic, c'est aussi Céline Dion, le coeur de l'océan, les coups de crayons d'un peintre, le regard glacé de Billy Zane en antagoniste aristocratique, des violons, de l'érotisme, une foutue planche qui a trop fait gloser, et une histoire de rois du monde (sans comédie musicale fort heureusement)... Notamment. Pour vous, lecteurs et lectrices, Titanic est bien plus encore que cela. Un souvenir ému, un récit puissant d'émancipation, un portrait de femme.

Vous nous racontez tout.

Des premières séances inoubliables

Un simple appel à témoignages, et les anecdotes abondent : souvenirs de séance en compagnie de James Cameron lui-même lors d'une ressortie, découverte en salles ou lors d'une énième diffusion sur la première chaîne (et ses mille pages de pub), boycott initial du film (notamment du à une "Leo-mania" suscitant la jalousie) et rattrapage gravé dans la roche...

Etrangement, la dimension la plus évidente de Titanic, c'est à dire sa qualité de grand spectacle mégalo à l'intensité toujours aussi intacte, n'est pas ce que lecteurs et lectrices nostalgiques saluent le plus. Davantage, l'émotion ("Je l'ai vu trois fois et j'ai pleuré toutes les larmes de mon corps", se remémore Raphael) et l'immersion précédant la catastrophe ("J'étais impressionné par cette mise en scène qui parvient a galvaniser son spectateur, lui faire ressentir l'excitation du départ", se souvient Julien, cinéphile quadragénaire).

25 ans plus tard, "Titanic" vous fait toujours autant chavirer (vous nous racontez pourquoi)
25 ans plus tard, "Titanic" vous fait toujours autant chavirer (vous nous racontez pourquoi)

Vingtenaire, Yoann partage l'engouement de ses aînés. Son attrait pour la bande originale de James Horner ("le morceau 'Southampton' peut encore me donner des frissons") ou cette exemplaire réalisation ("c'est l'un des derniers grands films classiques hollywoodiens") mais aussi... Ce caractère fiévreux.

"C'est un de mes premiers souvenirs vraiment érotiques de cinéma (la scène dans la voiture !), en tout cas un des premiers à réellement me marquer", se souvient notre hôte. Un aspect qui n'a vraiment rien d'anecdotique. Car c'est précisément cette passion-là, amoureuse, qui ne cesse de vous captiver.

Au nom de la Rose

Preuve en est, l'histoire de Clara, 29 ans. La jeune femme embarque à bord du Titanic dès l'âge de dix ans et devient vite "obsédée par le film" de son propre aveu. "J'y repensais en boucle, je me sentais envoûtée par cette histoire d'amour, j'avais envie de vivre dans le film", se souvient-elle, amusée. Une impression qu'elle connaîtra par la suite en découvrant Twilight (Robert forever) et les chefs d'oeuvre mélancoliques de Jane Campion et Richard Linklater (Bright Star et Before Sunrise), divines idylles d'une rare poésie.

Mais qu'est-ce qui rapproche donc le blockbuster du cinéaste canadien des drames féministes de Jane Campion, couronnée aux derniers Oscar ? Simple : "c'est une histoire d'amour racontée du point de vue féminin et pour la première fois de ma vie, j'avais pu me projeter, m'identifier complètement à celui-ci", décrypte Clara. Incarnée avec fougue par Kate Winslet, le personnage de Rose est à l'écouter "complexe, puissant, flamboyant, indépendant, d'autant plus étonnant dans un film réalisé par un homme, à Hollywood".

25 ans plus tard, "Titanic" vous fait toujours autant chavirer (vous nous racontez pourquoi)
25 ans plus tard, "Titanic" vous fait toujours autant chavirer (vous nous racontez pourquoi)

A l'heure où l'amour est au coeur des réflexions féministes (les podcasts de Victoire Tuaillon, les essais de Mona Chollet et Tal Madesta), revoir Titanic nous fait réaliser la qualité d'écriture de cette Rose en quête d'émancipation. "Elle reste associée dans mon esprit à une forme de modernité dans ce vieux monde à bord du bateau : c'est une femme qui aime l'art et se déplace avec ses toiles de maître, a de l'esprit et aime discuter de tout et confronter les points de vue masculins", abonde Léa, passagère fidèle de 29 ans.

Notre interlocutrice a vu le film il y a bien des années déjà mais est toujours aussi émue par cette héroïne qui "aspire à se défaire des entraves à sa féminité pour libérer son corps, à l'inverse ce que la société attend d'elle, à savoir se taire et rester corsetée, étriquée dans ses vêtements bourgeois. Elle s'émancipera en dansant avec fougue, jusqu'à l'épuisement, ou en posant pour Jack, avec pour seul parure le fameux Coeur de l'Océan".

Une sensualité réellement subversive.

Derrière l'iceberg, le féminisme

Imposer une femme forte au sein de l'entertainement pop, Titanic ne l'a cependant pas inventé. James Cameron est même maître dans le domaine, à en croire Aliens (la survivante Ripley, écrasant les mâles de sa badasserie) et les deux premiers Terminator (Sarah Connor, personnage de mère iconique et meurtrie). Mais là où Titanic dénote vraiment, c'est par la qualité de la relation unissant Rose et son partenaire masculin, Jack. Dépourvu de tout rapport de pouvoir et de domination, leur union témoigne d'une inouïe réciprocité.

Tout au long du récit, les deux se libèrent respectivement (manuellement, métaphoriquement), et les stéréotypes de genre sont déboulonnés à la vue de ce héros doux et romantique. "Il est désirable, mais aussi attentionné, plein d'admiration et de respect pour Rose, ce qui fait que leur union n'est pas une énième histoire d'emprise, ou juste de réification du corps féminin", relate Clara. Un point de vue que partage Maëlle, 26 ans. Découvert à l'âge de neuf ans, Titanic l'a d'abord fait flasher sur Rose, "qui brave les interdits et résiste à son fiancé et à sa mère"... avant de dévoiler une plus insoupçonnée facette.

25 ans plus tard, "Titanic" vous fait toujours autant chavirer (vous nous racontez pourquoi)
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"Au départ, Jack voue une fascination pour le milieu social dont est issue Rose, mais se rend vite compte qu'elle n'est pas plus libre que lui, malgré sa richesse. Il considère Rose comme une égale alors qu'elle est une femme et que la dynamique de pouvoir économique et sociale est inversée (rarissime dans un couple de cette époque, si ce n'est inexistant), ce qui fait de Jack un personnage masculin profondément féministe", se réjouit Maëlle, qui apprécie "le parallèle entre classe prolétaire et condition féminine".

Soit un sous-texte politique qu'on a plutôt tendance à retrouver dans les oeuvres féministes les plus subversives, comme la littérature de Virginie Despentes. Cet aspect-là est décrypté avec minutie par Iris Brey, critique de cinéma et autrice de l'essai Le regard féminin. "C'est un film beaucoup plus politique qu'il ne paraît, qui parle des rapports de classe et redéfinit la notion du genre telle qu'on la voit traditionnellement au cinéma, notamment le rôle de la femme dans la construction des relations amoureuses et du sentiment amoureux. D'un bout à l'autre, Rose est maîtresse de ses choix, et en capacité d'agir", développe l'autrice auprès de Terrafemina.

25 ans plus tard, "Titanic" vous fait toujours autant chavirer (vous nous racontez pourquoi)
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Tout aussi politique et transgressif, cette scène de nu cultissime où Rose devient une oeuvre d'art, et "qui interroge ouvertement ce que sont les représentations, le statut de celui ou celle qui regarde les femmes ou les dépeint", mais également le choix d'une narration au féminin, et donc d'un film "racontant l'histoire d'une femme âgée qui désire encore, et relate à tout un équipage, suspendu à ses lèvres !, ses émois", s'enthousiasme Iris Brey.

Virevoltante comme les balades irlandaises qu'elle affectionne tant, Rose porte sur ses épaules toute la densité du Titanic. Aujourd'hui encore, elle demeure une héroïne inspirante, touchante, complexe. "C'est un personnage tragique : coincée dans sa condition de fille de bonne famille, elle est attirée par des aventures qui ne correspondent pas à sa classe sociale. J'adore cette scène où elle on la voit en plein dîner mondain noyée de discussions frivoles, avec sa voix off qui décrit la contradiction entre son devoir-être et son agitation intérieure... C'est sa rencontre avec Jack qui va la sauver", décrit Léa.

La sauver, fut-ce au prix d'une vie, qu'elle fait cependant perdurer grâce au flot imperturbable de ses souvenirs. Tout comme Jack et ses toiles, Rose immortalise son amour en le dépeignant, bravant le temps et la mort. Complémentaires jusqu'au bout.

"La puissance de cette histoire d'amour m'a beaucoup marquée, et cette approche politique qui détonne dans un paysage hollywoodien mainstream. Mais je crois qu'on ne voit pas le film de la même manière tout au long de sa vie...", achève Maëlle. Et des vies, Titanic a su en marquer ces 25 dernières années. Qui sait ce qui restera de ce film dans cinq, dix, vingt ans ?

Certainement de nouveaux souvenirs, regards et émois, prêts à émerger.