"Pourquoi vous devriez vous faire vacciner contre la variole du singe au plus vite"

Publié le Lundi 18 Juillet 2022
Catherine Rochon
Par Catherine Rochon Rédactrice en chef
Rédactrice en chef de Terrafemina depuis fin 2014, Catherine Rochon scrute constructions et déconstructions d’un monde post-#MeToo et tend son dictaphone aux voix inspirantes d’une époque mouvante.
Alors que les autorités tardent à réagir face à la flambée des cas de variole du singe en France, la communauté gay active son système D pour se faire vacciner dans les plus brefs délais. Elias témoigne du "bordel" auquel il a été confronté.
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La première fois qu'il a entendu parler de la variole du singe (ou "Monkeypox") fin mai, Elias, 39 ans, n'a pas tiqué. En plein rebond de l'épidémie de Covid, plus rien ne l'étonnait. Encore une énième maladie infectieuse émergente dans cette période troublée, s'est-il dit. "Je n'avais pas capté que cela touchait principalement la communauté des 'HSH' - les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes", soupire-t-il aujourd'hui. "Et surtout, on a rapidement arrêté d'en parler dans les médias et autour de moi."

C'est lorsque l'un de ses amis infectiologue l'a alerté du nombre galopant de cas à l'hôpital qu'Elias a commencé à prendre conscience que "quelque chose de grave était en train d'arriver". Rapidement, le Parisien, récemment séparé de son compagnon, se met en quête de recommandations. Pas grand-chose dans les médias généralistes : c'est sur les sites spécialisés et les réseaux sociaux qu'il parviendra à grappiller des informations. Alors que le nombre de contaminations grimpe au fil des jours au sein de la communauté gay, Elias panique. Et il n'est pas le seul.

"Dans la communauté, on a rapidement réalisé que c'était flippant, surtout avant les vacances d'été et la Marche des fiertés le 25 juin où il y a beaucoup d'événements, de brassage. Certains ont même décidé de devenir complètement abstinents. La peur est montée d'un cran."

Certains de ses amis commencent à être touchés. Ils lui parlent de ces boutons "très douloureux", de l'isolement de trois semaines. Comme le note le site du ministère de la Santé, "le patient développe une éruption cutanée en région ano-génitale ou au niveau de la muqueuse buccale, qui peut aussi toucher d'autres parties du corps, dont les paumes des mains, les plantes des pieds, le visage ou le cuir chevelu." Ces symptômes peuvent s'accompagner de poussées de fièvre, de douleurs au niveau des ganglions lymphatiques et de maux de gorge.

Alors que l'épidémie flambe en silence (828 cas confirmés en France au 12 juillet), Elias prend la décision de se faire vacciner le plus vite possible. "C'est une vraie charge mentale de se dire que potentiellement, tu peux l'attraper, même en embrassant quelqu'un. A ce rythme, vu que personne ne prend de mesures, on va tous l'avoir. J'ai rapidement voulu me protéger et protéger les autres."

Mais comment s'y prendre alors que la vaccination n'est réservée qu'aux cas contact ? Il décide de devancer et contourner un système trop lent et défaillant. "J'ai eu un contact d'un hôpital qui faisait la vaccination et c'est comme ça que j'ai pris rendez-vous en disant que j'étais cas contact. J'y suis arrivé. Mais c'est très compliqué de trouver des centres, les services sont saturés. C'est très mal fait, il faut y aller au culot, parfois même loin de chez soi."

Ce n'est que le 8 juillet dernier que la Haute Autorité de santé a recommandé qu'une vaccination préventive "soit proposée aux groupes les plus exposés au virus : les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes et les personnes trans qui sont multipartenaires, les personnes en situation de prostitution, les professionnels exerçant dans les lieux de consommation sexuelle".

"L'histoire se répète"

Face à une communication lacunaire et une campagne de vaccination tardive, Elias se fait un devoir de distiller conseils et contacts auprès de ses amis gays. "Rien n'est vraiment fait de façon officielle, il n'y a aucune organisation. C'est le bordel", tempête-t-il. "Si ce virus commence à toucher la population globale, je ne sais pas comment ils feront. C'est pour ça qu'il est primordial de vacciner la population homo, à risque ou porteuse, dès maintenant et le plus vite possible pour endiguer l'épidémie."

Pour faire face aux manquements des autorités, la communauté LGBT se mobilise, notamment sur les réseaux sociaux, devenus de formidables canaux d'information et de sensibilisation, et auprès des médecins LGBT friendly. "Heureusement que nous sommes en 2022 et qu'Instagram existe !", ironise Elias.

Au coeur de ce chaos, Elias note toutefois une remarquable première. "Depuis deux semaines, je vois des témoignages à visage découvert dans les médias généralistes comme BFMTV de personnes gays contaminées par le Monkeypox. Je n'avais jamais vu ça, c'est génial", applaudit-il. "C'est hyper important car tout ce qui touche aux minorités de manière générale est souvent passé sous les radars et encore plus quand cela touche aux problèmes de santé sexuelle."

Car Elias garde évidemment en mémoire la gestion calamiteuse de l'épidémie de VIH dans les années 80, devenue incontrôlable par manque d'informations et de prévention. Et la stigmatisation de la communauté gay impactée par le virus. Assisterions-nous à un triste remake avec ce retard des autorités sanitaires à prendre en charge ce Monkeypox ? "Si cela avait touché les femmes enceintes ou les personnes âgées par exemple, il y aurait un véritable enjeu politique. Là, tout le monde s'en fout. Il n'y a aucune décision, ni dans l'exécution de la campagne de vaccination, ni pour sensibiliser en amont. L'histoire se répète", se désespère-t-il.

Ses conseils pour les personnes concernées ? Se faire vacciner rapidement ("Il y a un rappel un mois après, il vaut mieux débuter le plus tôt possible"), chercher un rendez-vous parmi les adresses qui circulent sur les réseaux sociaux et en parler sans tabous. "Il ne faut pas hésiter à demander aux éventuels partenaires s'ils ont des symptômes comme des boutons, mais aussi à se faire diagnostiquer, ne pas avoir honte. C'est important également de trouver des médecins 'safe' qui ne soient pas à côté de la plaque."

Selon les dernières informations du ministère de la Santé, les vaccins contre la variole du singe auraient commencé à arriver le 13 juillet dans 70 centres de vaccination. La distribution pourrait monter en puissance dans les semaines à venir. Il serait temps.

Un dispositif d'écoute subventionné par Santé publique France et portée par SIS Association a été ouvert ce 13 juillet afin de répondre aux questions suscitées par la variole du singe. "Monkeypox info service" est accessible tous les jours de 8h à 23h, au numéro vert 0 801 90 80 69 (appel et services gratuits, anonyme et confidentiel).