Evincée du Vendée Globe après sa maternité, la skippeuse Clarisse Crémer dénonce le sexisme

Publié le Samedi 04 Février 2023
Clément Arbrun
Par Clément Arbrun Journaliste
Passionné par les sujets de société et la culture, Clément Arbrun est journaliste pour le site Terrafemina depuis 2019.
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Evincée du Vendée Globe après sa maternité, la skippeuse Clarisse Crémer dénonce le sexisme
La skippeuse Clarisse Cremer a été abandonnée par son sponsor Banque Populaire et donc évincée du Vendée Globe 2024. Et ce, de retour de congé maternité. Une situation qui crie le sexisme et que la sportive a largement dénoncé sur les réseaux sociaux.
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"J'ai appris vendredi dernier que Banque Populaire avait finalement décidé de me remplacer. Par leur décision, et malgré ma volonté constante, je ne serai pas au départ du Vendée Globe 2024". Voilà ce qu'a gravement déclaré la navigatrice Clarisse Cremer sur son compte Instagram l'espace d'une publication accablante.

Un post qui en dit long sur le sexisme dont sont encore trop victimes les sportives. La skippeuse rembobine le fil : "J'ai donné naissance en novembre 2022 à une petite fille. Alors que rien ne m'y obligeait, j'avais informée mon sponsor, la Banque Populaire, dès février 2021, de mon projet d'enfant. Ils m'ont tout de même choisie pour ce nouveau Vendée Globe et ont communiqué sur notre engagement mutuel à l'automne 2021. Mais ils ont finalement décidé de me remplacer". Un témoignage scandaleux pour la sportive et bien des internautes.

"Les règles du Vendée Globe pour l'édition 2024 imposent à tous les skippers une concurrence basée sur le nombre de milles parcourus en course. Sur ce critère, j'ai bien sûr pris du retard face aux autres concurrents au départ, cette maternité m'ayant empêchée d'être présente sur les courses qualificatives pendant un an. Aujourd'hui Banque Populaire décide que cela représente pour eux un 'risque' qu'ils ne souhaitent finalement pas courir. Je suis sous le choc... ", déplore encore la navigatrice sur Instagram. Et elle n'est pas la seule...

"Ils sont prêts à assumer tous les risques mais pas celui de la maternité"

Et Clarisse Cremer de poursuivre cet état des lieux critique : "Je suis dans l'incompréhension totale face à l'histoire que ce sponsor fait le choix de raconter aujourd'hui. Ils sont prêts à assumer le risque d'un trimaran géant, et tous les aléas naturels, techniques et humains liés à la course au large, mais visiblement pas celui de la maternité. Au 21e siècle, à qui veut-on faire croire que de telles règles seraient équitables ? On a beau jeu de déplorer, ensuite, le faible nombre de femmes sur les lignes de départ. Je pense à toutes les femmes, les sportives et les autres, qui traversent des difficultés similaires sans avoir cette opportunité de prendre la parole".

"Que signifie l'égalité pour les femmes ? Se comporter en tout point comme les hommes et donc surtout ne pas être enceinte ? Si je m'exprime ce n'est pas par vengeance, pour attirer l'attention ni me faire plaindre, mais pour susciter la réflexion, et dans l'espoir de faire progresser notre société", a encore fustigé la sportive.

Une société qui met bien du temps à bouger. Effectivement, les cas d'injustices vécues par les sportives ne manquent pas, d'autant plus lorsqu'il est question de maternité.

"Cette discrimination est juste incompréhensible en 2023"

Le coup de gueule de Clarisse Cremer risque de faire du bruit dans le monde de la voile, et dans celui du sport en général. Et a déjà fait réagir les dirigeants de la Team Banque Populaire. Lors d'une conférence de presse donnée le 2 février 2023, ceux-ci se sont exprimés : "On est dans une situation très complexe en termes d'émotion. On a essayé de trouver beaucoup de solutions avec elle pour convaincre le Vendée Globe, trouver des solutions réglementaires mais on n'a pas été entendu. On n'a rien à reprocher à Clarisse. C'est déchirant pour nous...".

Une affaire qui a même fait réagir la ministre des Sports Amélia Oudéa-Castéra : "J'ai échangé avec le président du Vendée Globe Alain Leboeuf, qui reconnaît que le règlement de la course devra impérativement évoluer pour permettre aux navigatrices de vivre sereinement leur maternité. Pour 2024, les chances de Clarisse ne sont pas éteintes".

"Cette discrimination est juste incompréhensible en 2023... ", "Cette décision est une honte et un grand pas en arrière pour les droits des femmes", "Les hommes partent sur le tour du monde alors qu'ils sont pour certains pères depuis quelques semaines ou mois à peine. C'est inacceptable de ne pas impulser le changement pour un challenge qui se veut être humain et solidaire", ont effectivement réagi les internautes sous ce post.

Les sportives sont régulièrement confrontées à la frilosité des sponsors quand il s'agit de grossesse, enjeu source de ruptures professionnelles et de discriminations. On pense par exemple au géant Nike, qui avait suspendu un contrat avec la championne nationale américaine du 800 mètres Alysia Montaño, alors enceinte. La sportive avait finalement été soutenue par la marque de chaussures de sport Altra Running.

En janvier dernier encore, la footballeuse internationale islandaise Sara Björk Gunnarsdottir accusait par exemple son ancien club, l'Olympique lyonnais (OL), de ne pas lui avoir versé l'intégralité de ses salaires durant son congé de maternité.