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"H24", l'étourdissante série d'Arte sur les violences faites aux femmes
Publié le 22 octobre 2021 à 16:39
Par Catherine Rochon | Rédactrice en chef
Rédactrice en chef de Terrafemina depuis fin 2014, Catherine Rochon scrute constructions et déconstructions d’un monde post-#MeToo et tend son dictaphone aux voix inspirantes d’une époque mouvante.
24 petits films pour dire les violences quotidiennes que subissent les femmes : tel était le défi lancé par Valérie Urrea et Nathalie Masduraud à 24 autrices et 24 actrices engagées. Le résultat, la série "H24", est saisissant. Un choc à découvrir sur Arte.
Bande-annonce "H24" sur Arte © Les Batelières Productions
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Valeria Bruni Tedeschi danse, comme en transe. Des mouvements saccadés tandis qu'elle raconte l'enfer. "Le cri a duré un an, personne ne l'a entendu", achève-t-elle. Elle est en train de mourir.

Ce court-métrage aussi hypnotique que glaçant fait partie d'une collection inédite diffusée dès ce samedi 23 octobre sur Arte : H24 - 24 heures dans la vie d'une femme. 24 petits films, 24 autrices européennes, 24 actrices pour dire ces micro-agressions quotidiennes, la violence larvée ou frontale, les mots qui brûlent, les regards qui oppressent, les coups qui assomment, les gestes qui tuent.

La forme originale de cette série manifeste - ces 24 créations forment une boucle de 24 heures- donne le tournis. Et la nausée, si l'on se risque à les regarder d'affilée. Féminicide, revenge porn, pédocriminalité, emprise, violences conjugales, sexisme ordinaire, violences obstétricales, harcèlement de rue... Cette mosaïque de courts-métrages offre un panorama vertigineux des violences qu'une femme peut subir au cours de la journée, de la nuit, de sa vie.

La parole brute des victimes est placée au centre de chaque film tandis que les hommes se trouvent relégués à la marge, mutiques ou invisibles. Mais leur présence hante et imprègne tous ces récits, les voix et les regards.

Série "H24" sur Arte © Arte

"Exaspérées de voir des destins réduits à des entrefilets dans la presse, nous avons imaginé ces 24 films – plus un bonus – situés, chacun, à une heure précise. Nous souhaitions rendre la parole aux anonymes, victimes ou résistantes, et créer un espace où se réapproprier nos histoires afin qu'elles ne nous échappent plus", explique à Arte la réalisatrice Valérie Urrea, à l'origine du projet aux côtés de Nathalie Masduraud.

"Un objet de sensibilisation"

Seules contraintes de l'exercice imposées par les deux directrices de la collection ? Proposer un monologue d'environ trois minutes en respectant une unité de temps, de lieu et de personnages. "C'était l'occasion pour différentes générations de comédiennes, d'écrivaines et de réalisatrices de faire entendre leur voix au sein d'un mouvement qu'elles soutiennent", développe Nathalie Masduraud.

Des autrices telles que Christiane Taubira, Sofi Oksanen, Rosa Montero, Alice Zeniter, Chloé Delaume, Aloïse Sauvage ou encore Lydie Salvayre ont ainsi livré leur texte, esquissant, chacune dans leur style, les contours de ces violences systémiques qui se déploient à travers la sphère privée, l'espace public, le monde de l'entreprise. Et ce, dans tous les pays d'Europe.

Car ces 24 histoires sont toutes inspirées de faits réels survenus en Italie, Espagne, Groenland, Finlande, France, Royaume-Uni. On y retrouve ainsi l'agression de Marie Laguerre (incarnée ici par Camille Cottin) dont le geste de révolte contre son harceleur avait été filmé. Ou encore la terrible décision de deux juges italiennes qui avaient considéré qu'une migrante était "trop moche pour être violée".

Gage était donné à des réalisatrices comme Charlotte Abramow, Nora Fingscheidt, Clémence Poésy ou Sandrine Bonnaire de retranscrire ces mots en images. Et à des actrices comme Diane Kruger, Camille Cottin, Anaïs Demoustier, Céleste Brunnquel, Valeria Bruni Tedeschi, Souheila Yacoub, Garance Marillier ou Deborah Lukumuena de leur donner corps et voix.

Au-delà de son impact artistique et politique, les showrunneuses espèrent que cette collection saisissante portera des vertus pédagogiques. "Les récits d'H24 ont déjà suscité la parole lors des projections réservées aux équipes et à leurs familles. Notre plus beau cadeau : voir la série devenir un objet de sensibilisation pour accompagner plus largement cette libération", s'enthousiasme Nathalie Masduraud.

Aussi poétique, audacieux qu'étourdissant, ce tour de cadran cinématographique se conclut par l'image puissante d'une boxeuse en posture de combat, impulsant un élan d'espoir salutaire. "Ça, c'est mon corps !", cingle-t-elle. Comme un appel à la résistance.

H24- 24 heures dans la vie d'une femme

Une série conçue et dirigée par Nathalie Masduraud et Valérie Urrea

À partir du samedi 23 octobre à 20.45 sur ARTE et sur arte.tv

Mots clés
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