La Une du "Film français" réduit le ciné aux mecs blancs et crée un tollé

Publié le Vendredi 30 Septembre 2022
Pauline Machado
Par Pauline Machado Journaliste
Pauline s’empare aussi bien de sujets lifestyle, sexo et société, qu’elle remanie et décrypte avec un angle féministe, y injectant le savoir d’expert·e·s et le témoignage de voix concernées. Elle écrit depuis bientôt trois ans pour Terrafemina.
La Une polémique du Film français
La Une polémique du Film français
Le dernier numéro du magazine "Le Film français" vient à peine de sortir que la polémique enfle : pourquoi représenter le cinéma français uniquement à travers le visage d'hommes blancs, quand ce sont les femmes réalisatrices qui se sont brillamment illustrées ces derniers temps ?
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Difficile de ne pas tiquer devant la nouvelle couverture du Film français, "l'hebdomadaire dédié aux professionnels du monde audiovisuel".

Face caméra, sept hommes prennent la pose. Les acteurs Pio Marmaï, Guillaume Canet, Vincent Cassel, François Civil, Pierre Niney et Dany Boon, et au milieu, le président de Pathé Jerôme Seydoux. En gros titre sur ce cliché qui semble avoir été pensé pour rendre hommage à une génération de cinéma : "Objectif : Reconquête !"

"Reconquête" de quoi, de qui ? On ne sait pas.

Ce qu'on sait en revanche, c'est l'absence cruelle d'un tout petit détail, visiblement insignifiant aux yeux de ceux qui ont imaginé cette Une : les femmes et les personnes non-blanches. Pourtant, les noms ne manquent pas. Il n'y a qu'à voir les récompenses prestigieuses que les réalisatrices, les techniciennes, les actrices ont raflé ces dernières années pour s'en convaincre. Et elles n'ont pas manqué de le faire remarquer.

"Si on vous gêne, n'hésitez pas à le dire"

"Ce qui nous attend cette année, c'est Alice Diop, Mia Hansen-Løve, Lea Domenach, Cristèle Alves, Emilie Frèche, Noémie Lvovsky, Kayije Kagame, Guslagie Malanda...", n'hésite pas à rappeler la chercheuse Mame-Fatou Niang, taclant le média d'un "cette affiche, c'est #ObjectifDébandade". "Palme d'Or 2021 : Julie Ducournau pour Titane ; Lion d'Or 2021 : Audrey Diwan pour L'Evénement ; Ours d'Argent 2022 : Claire Denis pour Avec amour et acharnement ; Lion d'Argent 2022 : Alice Diop pour Saint-Omer", énumère à son tour la journaliste Cécile Guthleben.

Parmi les cinéastes citées, la réalisatrice Audrey Diwan, récompensée d'un Lion d'or en 2021, a elle-même commenté la photo sur Twitter, non sans ironie : "Si on vous gêne, n'hésitez pas à le dire", commenté par l'actrice Alexandra Lamy : "Pas de femmes, pas de diversité, la grande classe !".

Certains hommes aussi, montent au créneau, dénonçant un entre-soi masculin et blanc qui fait loi depuis la nuit des temps dans l'industrie. "La honte", lâche ainsi le producteur Hugues Charbonneau (120 battements par minute, Eastern Boys). "Vous enterrez une industrie par votre Une patriarcale dépassée. Ce sont les femmes du cinéma français qui gagnent Les grands prix internationaux. Les productrices, les cheffes op, les actrices les techniciennes portent hautes les couleurs de notre art."

Preuve que la route est encore longue avant l'égalité intersectionnelle au sein de la culture, aussi essentielle soit-elle...

Mise à jour du 30 septembre : Suite à la polémique, la rédaction du Film français a réagi sur Twitter. Une justification pour le moins bancale.

"La couverture parue ce jour du Film français a suscité de nombreuses réactions, que nous comprenons. Le choix de publier cette photo en couverture, et le choix des termes, s'est avéré malheureux et regrettable. Il est le fait de la rédaction, et non des personnalités présentes sur l'image, et ne reflète en rien les convictions de l'équipe, ni la ligne éditoriale du Film français."

Et d'ajouter : "Nous avons involontairement, en souhaitant mettre en avant certains des films porteurs de 2023 présentés lors de la journée des éditeurs de films de la FNEF, véhiculé une image non représentative du cinéma français, des artistes et de Pathé. Nous le regrettons et cela prouve combien la vigilance doit être de mise à chaque instant pour que l'emporte le combat de la parité."