"Pourquoi il y a moins de viols en France" : la théorie fumeuse de l'ex-muse de Picasso choque

Publié le Mercredi 04 Novembre 2015
Ariane Hermelin
Par Ariane Hermelin Journaliste Terrafemina
Journaliste société passée par le documentaire et les débats en ligne sur feu Newsring.fr.
Françoise Gilot et Pablo Picasso
Françoise Gilot et Pablo Picasso
L'ex-muse de Picasso, Françoise Gilot, prétend dans un ouvrage à paraître qu'il y a moins de viols en France parce que les femmes y sont moins inhibées et ne s'indignent pas au moindre sifflet dans la rue. Une vision pour le moins réactionnaire du harcèlement de rue qui a choqué les Américains. Et ils ne sont pas les seuls.
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Pour Françoise Gilot, si un homme vous siffle dans la rue, souriez au lieu de vous indigner ! Dans un livre de conversation avec la féministe américaine Lisa Alther ("About Women: Conversations Between a Writer and a Painter"), l'ex-compagne de Pablo Picasso suggère que ce que nous appelons "harcèlement de rue" est en fait un moyen de "rendre les rapports entre les sexes et les classes sociales plus fluides". "C'est une sorte de donnant-donnant et cela permet de prendre en compte l'existence d'autrui, donc dans ce sens, ce n'est pas la même chose qu'un homme traitant une femme comme un objet", ajoute l'artiste aujourd'hui âgée de 93 ans.

"S'offusquer à chaque fois rend les rapports désagréables. Si à chaque fois qu'un homme me dit quelque chose, je le prends comme une insulte, j'aurais à la fin de la journée été insultée par des étrangers que je ne reverrai jamais. Tandis que si je souris vaguement et continue mon chemin, cela me coûte peu", poursuit François Gilot.

"Il y a un air subtil d'érotisme dans les rues de Paris"

Loin de se contenter de développer une vision non seulement naïve mais surtout rétrograde des rapports entre les hommes et les femmes, l'ex-muse du peintre espagnol va jusqu'à évoquer l'atmosphère "érotique" des rues parisiennes dans un passage du livre véritablement hallucinant : "Il y a toujours un air subtil d'érotisme dans les rues de Paris. Par exemple, quand vous allez au marché acheter des pêches et que vous demandez au maraîcher si elles sont mûres, il vous répondra souvent affirmativement en faisant un clin d'oeil car la pêche est souvent associée au sexe féminin." Elle ajoute : "Il y a probalement moins de viols en France car les gens sont moins inhibés. Si un homme vous siffle et que vous souriez, cela met de l'huile dans les rouages sociaux et apaise les tensions entre les classes et les sexes."

La presse anglo-saxonne a évidemment tiqué devant ce discours qui légitime le harcèlement sexuel en assimilant les sifflets ou les remarques des hommes à un jeu grivois sans danger et qui, de surcroît, attribue cette attitude à une certaine frange de la société, comme si les banquiers ne sifflaient jamais les femmes dans la rue.

En lisant les inepties proférées par Françoise Gilot, on a envie de dire à cette dernière que toute les femmes n'ont pas nécessairement envie d'être considérées comme des objets et jugées sur leurs attraits physiques ou sexuels par le moindre passant croisé dans la rue, et que cela n'a rien à voir avec le fait d'être inhibée sexuellement. Ou encore qu'un viol est déclaré toutes les quarante minutes en France, d'après les dernières statistiques publiées, et que ces chiffres sont en forte augmentation. Bref, d'arrêter, sauf son respect, de sniffer l'air parisien chargé de sexe et de regarder la réalité en face.