"Ma soeur, relâche ton ventre", la campagne body positive qui cartonne en Argentine

Publié le Vendredi 11 Février 2022
Julie Legendart
Par Julie Legendart Journaliste
"Ma soeur, relâche ton ventre", la campagne body positive qui cartonne en Argentine
"Ma soeur, relâche ton ventre", la campagne body positive qui cartonne en Argentine
Un hashtag pour libérer les femmes des injonctions à la beauté auxquelles elles sont soumises, voilà l'initiative du collectif féministe "Les femmes qui n'ont pas fait la Une" qui réjouit l'Argentine.
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#HermanaSoltaLaPanza. En français, ce hashtag résolument body positive se traduit par "Ma soeur, relâche ton ventre". Un encouragement à s'opposer aux attentes physiques irréalistes et autres messages véhiculés par les magazines de mode, qui enjoignent notamment les femmes à "se façonner un corps pour la plage".

Le but est simple et émancipateur : poster une photo de soi sans retouche et sans rentrer le ventre, en lui associant ce slogan inspirant. En quelques jours, l'initiative portée par le collectif féministe argentin "Les femmes qui n'ont pas fait la Une" est devenu viral sur les réseaux sociaux, en plein été austral, avec des dizaines de milliers d'Argentines et de Latino-Américaines à y avoir répondu.

"En plus de vouloir montrer des ventres naturels, sans poses artificielles pour paraître le plus mince possible, beaucoup des photos partagées montraient des cicatrices, vergetures, tatouages, taches ou autres caractéristiques propres à la peau", rapporte le quotidien local Página 12, dans un article repéré par Courrier International. "Tout ce qui est d'ordinaire camouflé car considéré comme peu esthétique."

Des témoignages révélateurs d'injonctions dévastatrices

Aux photos se sont succédés les mots des concernées. Une jeune femme explique notamment la culpabilisation qui accompagne la prise de poids. "J'avais le ventre plat avant la pandémie, qui a commencé quand j'allais avoir 30 ansé", confie-t-elle dans le quotidien conservateur La Nación. "Après un traitement contre l'anxiété et un épisode de violence au travail, puis le décès d'une des personnes les plus importantes de ma vie, il y avait des jours où je n'arrivais pas à me lever du lit. Même dans ces conditions, on ne m'a pas pardonné d'avoir grossi, de ne pas être 'comme avant'."

Une autre évoque le déclic qu'a créé le hashtag : "C'est la première fois que je me rends compte, à 38 ans, que mon ventre est normal, qu'il ressemble à la plupart des ventres. C'est incroyable comme on nous vend des images de corps ultra-minoritaires comme si c'étaient ceux de tout un chacun. Quel bonheur de faire ce clic [partager sa photo], et ô combien nécessaires sont ces espaces qui permettent de le faire !"

"Une forme de contrôle du corps des femmes"

Pour Lala Pasquinelli, la créatrice de la campagne, si le succès de #HermanaSoltaLaPanza est formidable tant il a permis à un "nombre incroyable de femmes" de faire, pour la première fois, "une chose qui leur semblait impossible jusqu'alors", il reste important de se rappeler que la route est encore longue pour s'affranchir réellement de ces diktats et de leur impact.

"Montrer son ventre, ce n'est pas juste mettre un maillot deux pièces, cela soulève une foule de questions", détaille-t-elle auprès du journal La Gaceta. "Cette campagne s'inscrit dans le droit fil d'un débat ouvert par les militantes depuis des années. Pour autant, il y a bien un modèle de beauté qui, loin de se diversifier, est de plus en plus tyrannique. C'est une forme de contrôle du corps des femmes qui fonctionne encore à plein​."